Un attelage de chiens de traîneau marchant sur l’eau, au cœur d’un fjord danois. L’image a été prise par Steffen Olsen, scientifique de l’Institut danois de météorologie (DMI). Elle est d’une beauté glaçante : ce convoi progressant difficilement sur une banquise couverte par cinq centimètres de glace fondue est révélateur du bouleversement fulgurant que l’Arctique connaît actuellement.
Températures records
« Les locaux ne s’attendaient pas à ce que la banquise commence à fondre si tôt. Ils prennent habituellement cette route parce que la glace est très épaisse, mais ils ont dû faire demi-tour, car l’eau était de plus en plus profonde et ils ne pouvaient plus avancer » explique Ruth Mottram, climatologue au DMI.
La veille, une température de 17,3 degrés avait été mesurée à Qaanaaq, la station météorologique la plus proche. Seulement 0,3 point de moins que le 30 juin 2012, date du record absolu de température. Surplombant la calotte, à 3000 mètres d’altitude, la Summit station a enregistré le 30 avril dernier -1,2°C, la température la plus élevée de son histoire.

3,7 milliards de tonnes de glace fondue en un jour
« L’hiver a été sec et récemment il y a eu des courants d’air chaud, un ciel dégagé et du soleil, toutes les préconditions pour une fonte précoce », constate Ruth Mottram. En 2019, les météorologues danois ont annoncé le début de la période de fonte début mai, quasiment un mois trop tôt par rapport aux autres années. Depuis début juin, le Groenland a perdu plus de 40 milliards de tonnes de glace. Et le 17 juin dernier, 3,7 milliards de tonnes de glace ont fondu en une seule journée.
Les animaux subissent directement les conséquences de ces changements brutaux. L’Institut d’études géologiques des États-Unis indique qu’au cours des 10 dernières années, 40 % des ours polaires de l’Arctique ont disparu. Les narvals, ou licornes des mers, se trouvent eux aussi gravement menacés, avec la disparition de l’abri que constitue pour eux la banquise contre l’orque, leur prédateur.

Accélération du processus
En plus de bouleverser tout l’écosystème, le réchauffement a un impact sur le mode de vie de la population locale, en réduisant les périodes de chasse.
Enfin, la fonte de la calotte glaciaire continentale et des glaciers a un rôle immense dans la hausse des niveaux des mers. Chaque année, le Groenland contribue à une élévation du niveau de la mer d’environ 0,7 mm. Ce chiffre devrait encore augmenter avec l’aggravement du réchauffement climatique.
La perte de glace du Groenland s’est brutalement accélérée à partir des années 2000 et encore davantage depuis 2010, démontre une étude parue dans Compte rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS) en avril dernier. Aujourd’hui, la glace fond six fois plus vite que dans les années 1980.