Noël, St Valentin, Pâques, Halloween… le calendrier est bien fourni en occasions de faire plaisir aux enfants. Dans les supermarchés, au rayon confiserie, les petits doigts se tendent vers les paquets de crocodiles verts ou de lézards jaunes. Mais cette année, il se pourrait bien que certains disparaissent des rayons, ou se voient attribuer la nouvelle étiquette “SANS E171”, comme les déodorants affichent SANS SILICONE, les charcuteries sous vide SANS NITRITE ou les biscottes SANS HUILE DE PALME.
Tous ces “sans” furent ajoutés suite à des reportages de journalistes ou des cris d’alarmes d’associations. De quoi conserver pour les industriels la confiance des consommateurs et leur permettre de continuer à acheter les mêmes produits, avec un petit élément en moins. En ce moment, celui qui a la vedette est le colorant E171.
Présent dans de nombreux bonbons, chewing gums, biscuits et autres délices de l’industrie agro-alimentaire, servant à attirer notre regard, le E171 contient du dioxyde de titane, colorant blanc utilisé également dans les cosmétiques.

Une récente étude de l’INRA a conclu qu’il pouvait représenter un risque cancérigène, des lésions précancéreuses ayant été observées chez le rat. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) déclarait que les différentes études ne démontraient pas de risque sanitaire, l’étude en question affirmant qu’il faudrait encore deux ans pour évaluer les risques chez l’homme. Au nom du principe de précaution, la loi Egalim adoptée en novembre dernier prévoyait sa suspension, une interdiction au niveau européen n’étant pas d’actualité au vue des insufisantes conclusions des études.
Il y a encore deux jours, le ministre de l’économie – mais non de la santé – Bruno Le Maire déclarait que “dans le doute, c’est aux industriels de s’abstenir”. Le politique déléguait ainsi ouvertement son pouvoir au bon vouloir des industriels.

En décembre, une vingtaine d’associations, instituts de recherche et ONG, publièrent une tribune dans Le Monde pour enjoindre le ministre de l’économie à signer l’arrêté permettant la suspension de ce produit en France. Car oui, il ne manquait que la signature du ministre. Le 8 janvier, le ministre déclarait sur le plateau de C à vous :
« La cohérence, c’est d’avoir une évaluation qui soit partagée sur les dangers du dioxyde de titane, cette décision doit être prise au niveau européen, et qui ne partage pas l’analyse de l’INRA. »
Deux jours plus tard, tour de girouette : après avoir réuni des associations, le ministre annonce une suspension le 15 avril prochain. Voilà qui devrait nous rassurer sur la cohérence de nos dirigeants et la force de leurs convictions.
À croire que le véritable pouvoir se trouve du côté de la société civile : journalistes, associations, chercheurs, médecins, mais aussi enseignants, éducateurs, sont les maillons d’une chaîne essentielle dont les dirigeants politiques se sont exclus. Et bien sûr, tout au bout de la chaîne, le seul qui détient l’ultime pouvoir : le consommateur.
Image à la une : JOEL SAGET / AFP