La nouvelle est tombée ce matin : l’Assemblée nationale a voté « contre » l’interdiction du glyphosate pendant l’examen du projet de loi sur l’agriculture est l’alimentation. La semaine passée, Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres, avait accusé les lobbies des produits phytosanitaires d’avoir eu accès à l’amendement qu’elle proposait pour interdire le glyphosate « 90 heures avant » les députés.
Les lobbies s’immiscent à l’Assemblée nationale
Mardi 22 mai, Delphine Batho, ancienne Ministre de l’Ecologie, avait partagé son indignation devant les députés de l’Assemblée Nationale. Alors qu’elle s’apprêtait à défendre l’agroécologie dans le cadre du projet de loi Egalim, la députée des Deux-Sèvres a donné l’alerte sur un fait préoccupant : l’Union des industriels de la protection des plantes (UIPP), qui regroupe les principaux fabricants internationaux de pesticides comme Monsanto/Bayer/BASF, se serait procuré l’amendement interdisant le glyphosate, bien avant que les députés eux-mêmes aient connaissance de cet amendement !

Delphine Batho à l’Assemblée Nationale
Le projet de loi Egalim fait suite aux Etats Généraux de l’Alimentation, il est axé autour de deux grand thèmes : « Equilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire » et « Alimentation saine et durable ».
L’amendement rédigé par Delphine Batho souhaitait interdire le glyphosate en France d’ici trois ans. Cet herbicide, plus connu sous le nom de Roundup, a été classé « cancérigène probable » pour l’homme en 2015. Delphine Batho est certaine que les lobbies des produits phytosanitaires ont pris connaissance de cet amendement avant les députés à cause d’une erreur dans leur plaidoyer de défense du glyphosate qui apparaissait seulement dans les premières versions, non validées, de l’amendement de Delphine Batho.

Avant ce coup de tonnerre, Delphine Batho avait pris soin d’informer le Président de l’Assemblée Nationale de cette affaire dans les règles, afin qu’une enquête soit menée. Jeudi 24 mai, François de Rugy, le Président de l’Assemblée nationale, avait annoncé que l’enquête n’a pas su découvrir d’où venait la fuite.
Pour Delphine Batho :
« Il est inacceptable que des lobbies puissent avoir un accès privilégié à des informations internes à l’Assemblée nationale afin de déployer des stratégies pour court-circuiter nos débats, c’est désormais la crédibilité du parlement qui est en cause. »
Des arguments similaires entre les lobbies et les députés en défaveur de l’interdiction du glyphosate
Delphine Batho n’était pas la seule députée à avoir proposé un amendement pour interdire le glyphosate en trois ans. En effet, cette promesse avait été faite par Emmanuel Macron lorsque l’Union Européenne avait décidé de prolonger l’autorisation d’utilisation du glyphosate pour cinq ans. Hélas, les amendements de la commission du Développement durable de l’Assemblée et de Matthieu Orphelin (LREM), qui interdisaient le glyphosate pour 2021, ont également été rejetés.

Les députés qui n’ont pas souhaité interdire le glyphosate en trois ans ont argué ne pas vouloir « pénaliser les agriculteurs » et leur laisser le temps de trouver des alternatives à l’utilisation du glyphosate. Ces mêmes arguments avaient été employés par l’UIPP dans son communiqué de presse répondant aux accusations de la députée Delphine Batho :
« on ne peut pas soustraire une solution sans en apporter une autre, on ne peut pas juste interdire sans prévoir. »
L’amendement de Matthieu Orphelin laissait pourtant la place à des dérogations afin que certains pans de l’agriculture aient le temps de s’adapter à cette interdiction. La députée LRM du Doubs, Fannette Charvier, a été catégorique : « trois ans, ce n’est pas un arrêt brutal ». L’absence de date butoir est décriée par les députés en faveur de l’interdiction. Car pour prévoir une solution, encore faut-il avoir un objectif clair.
L’agroécologie et l’agriculture biologique ont d’ailleurs fait leurs preuves pour nourrir la planète sans pesticides, les « alternatives » semblent donc toutes trouvées.