Dans un avis consultatif sans précédent, la Cour internationale de Justice (CIJ), plus haute juridiction de l’ONU, pointe la responsabilité historique des grands pollueurs et les menaces qu’ils font peser sur l’humanité.
Le juge japonais Iwasawa Yuji, président de la Cour, a présenté ce 23 juillet l’avis consultatif de la CIJ sur les obligations des États en matière de changement climatique lors d’une séance publique, au nom d’un panel de 15 juges.
Cet avis fait suite à une résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en mars 2023. Avant que l’Assemblée ne s’en saisisse, des étudiants du Vanuatu, un archipel du Pacifique, avaient lancé en 2019 la procédure.
« A l’unanimité, la Cour confirme des standards d’obligations élevés pour tous les États de faire leur part dans la lutte contre le changement climatique et que ces obligations doivent être guidées par des valeurs de justice et d’équité, notamment en prenant en compte les responsabilités et capacités différenciées des États », résume Notre Affaire à Tous. « Elle appelle également les États à réguler les acteurs privés très émetteurs. »
En s’appuyant sur les traités relatifs aux changements climatiques, tels que l’Accord de Paris de 2015, la CIJ estime que les États parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont notamment l’obligation d’adopter des mesures en vue de contribuer à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et à l’adaptation aux changements climatiques, mais aussi de renforcer leurs puits et réservoirs de gaz à effet de serre.
« En affirmant que l’Accord de Paris impose aux États une véritable obligation d’atténuation, la Cour réaffirme son rôle de pierre angulaire de la responsabilité climatique, repoussant les tentatives des États et des entreprises fortement émetteurs de le rendre inefficace depuis des années », commente Sébastien Duyck, avocat au Centre pour le droit international de l’environnement (CIEL) sur Bluesky, précisant que la limite de 1,5 °C reste considérée comme une limite pertinente.
En vertu du droit coutumier – qui désigne l’ensemble des règles non conventionnelles du droit international, non écrit – et de différents textes, les États sont également tenus d’empêcher les activités causant des dommages significatifs pour le système climatique, de préserver le milieu marin et de garantir les droits de l’homme.
Garantir un avenir sain pour les générations actuelles et futures
Point majeur de cet avis, la Cour estime qu’une violation de ces obligations « constitue, de la part d’un État, un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité. L’État responsable a un devoir continu de s’acquitter de l’obligation à laquelle il a été manqué. »
La Cour détaille les conséquences juridiques d’une telle violation, évoquant notamment « l’octroi d’une réparation intégrale aux États lésés sous forme de restitution, d’indemnisation et de satisfaction, sous réserve (…) notamment qu’un lien de causalité suffisamment direct et certain puisse être établi entre le fait illicite et le préjudice subi ».
« Tous les pays du monde sont concernés », précise Notre Affaire à Tous. « Les États qui ne sont pas parties aux conventions tels que l’Accord de Paris ont la charge de la preuve de démontrer qu’ils se conforment au droit international général et aux obligations climatiques. Ils ne sont pas dispensés d’obligations, ni prémunis des conséquences juridiques en cas de manquements. »
Cet avis consultatif et non contraignant va établir une interprétation juridique solide pour fonder les actions ou décisions futures de législateurs, d’avocats et de juges du monde entier tant pour le droit international que les juridictions nationales.
La CIJ estime qu’« une solution durable et satisfaisante requiert la volonté et la sagesse humaines – aux niveaux des individus, de la société et des politiques – pour modifier nos habitudes, notre confort et notre mode de vie actuels et garantir ainsi un avenir à nous-mêmes et à ceux qui nous suivront. »