La famine est de retour et plus de 20 millions de personnes sont menacées selon l’ONU. Nigeria, Soudan du Sud, Somalie, Yémen… comment expliquer qu’une crise de cette ampleur n’ait pu être évitée ?
Etat de crise alimentaire
Depuis le 20 février, l’état de famine a officiellement été décrété au Soudan, il a été estimé que ce sont déjà des « millions de personnes qui se débattent entre la malnutrition et la mort, vulnérables aux maladies et aux épidémies, contraintes de tuer leur bétail pour se nourrir et de manger les céréales qu’ils avaient mis de côté pour semer leur prochaine récolte. Les femmes et les filles sont les premières victimes ». Si cela faisait déjà plusieurs mois voire plusieurs années que des experts avaient prédit ce phénomène, rien n’a été fait pour anticiper et gérer en amont cette famine qui va littéralement décimer des millions de personnes. L’ONU a publié les chiffres estimant les millions de morts à venir dans les quatre pays qui sont déjà en état d’alerte :
– Yémen : 7,3 millions
– Soudan du Sud : 6,1 millions dont 100 000 déjà touchés
– Nigeria (Nord-Est) : 5,1 millions
– Somalie : 2,9 millions
N’oublions pas de noter que pas moins de 37 pays auront besoin d’assistance extérieure de manière simultanée en 2017 selon les prévisions mesurées avec les perspectives de récoltes publiées début mars par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture). Tous les pays qui seront touchés sont des pays pauvres, à forte croissance démographique, où les exploitations agricoles sont peu productives et surtout où les conflits font rage. La Somalie n’aura eu que 6 ans de répit depuis la dernière famine de 2011.

Les conflits catalyseurs de la faim
S’il est clair que les conditions météorologiques, notamment la sécheresse se fait grande faucheuse, elle occasionne notamment des conflits entre les tribus. Pour accéder aux ressources nécessaires à leur survie, de plus en plus de tribus sont armées et les violences explosent. Le phénomène climatique El Nino qui apparaît sur le Pacifique tous les sept à dix ans provoque des pluies diluviennes et inondations en Amérique du Sud et des températures records en Afrique ou en Australie ainsi qu’une diminution des précipitations.
Achevé au printemps 2016, le prix fort se paye aujourd’hui par des récoltes en berne. Par manque d’eau, les pâturages disparaissent et des troupeaux entiers ont été décimés. Seulement, si ces causes climatiques ne peuvent pas être niées, certains pays comme le Sahel ont affiché une récolte de céréales plus que satisfaisante. Ce sont les « conflits, l’insécurité, les déplacements massifs de population, isolement de régions délaissées par les gouvernements centraux » qui sont responsables des pénuries de denrées ou de leur augmentation de prix. Dans son livre, La Démocratie des Autres – Pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident, le prix Nobel indien Amartya Sen émet la thèse que la famine peut apparaître seulement dans les pays où il n’y pas de démocratie. En effet, le grand écart entre les plus riches et les plus pauvres bloque fermement l’intérêt général, même celui de répondre aux besoins primaires de la population.
Tout le monde savait
L’ancien directeur du service d’aide humanitaire et de protection civile de l’UE (ECHO), Claus Haugaad Sorensen explique que cette crise était prévisible et prévue. En effet, les parties impliquées continuellement dans la gestion de crise ou les organisations humanitaires sur place étaient au courant depuis la dégradation de la situation en 2015. Les crises « à déclenchement rapide » tels que les conflits et « à déclenchement lent » tels que le climat étaient réunies pour un anéantissement assuré. Qu’a-t-on fait lors de ces deux ans ? Une fois de plus « l’urgent » est passé devant « l’important » qui aujourd’hui est devenu une fatalité. L’immobilisme ambiant et le manque d’adaptabilité aux événements va coûter la vie de 20 millions de personnes. Aujourd’hui, les donateurs ne savent plus où donner de la tête, le besoin est partout et les fonds manquent.
Le coût des crises humanitaires et des guerres surpasse largement les besoins couverts, et cet écart se creuse un peu plus chaque mois. Ajouté à cela, certains humanitaires se voient contraints de quitter des endroits trop exposés au conflit, empêchés d’agir et non protégés par certains gouvernements qui ignorent la Convention de Genève dont ils sont signataires, qui assure pourtant la protection des civils et l’accès des humanitaires aux populations. Aujourd’hui, ce sont les populations locales qui tentent de gérer le problème à bras-le-corps. Une fois de plus, les intérêts économiques de maintenir des autocraties dans les pays les plus pauvres sont passés bien au-dessus de la sécurité des populations.

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