Cela faisait 75 ans que la fromagerie l’Etoile du Vercors, propriété de Lactalis, rejette ses eaux polluées dans l’Isère en toute impunité. Lactalis a enfin été condamnée par le Tribunal correctionnel de Grenoble à payer 100 000 euros d’amende. Un premier pas pour les associations environnementales qui souhaitent surtout que les pollutions cessent.
Depuis 1942, la fromagerie Etoile du Vercors déverse en continu 4L/seconde de substances polluantes dans l’Isère, affluent du Sud-Est de la France. Chaque année, ce sont ainsi 200 tonnes d’eaux polluées qui sont rejetés dans le cours d’eau, dont 28 substances chimiques comme l’Hypochlorite de soude 47/50, un extrait de javel très toxique pour les organismes aquatiques, ou encore le PENNGAR NPH, un nettoyant liquide acide oxygéné, utilisé par l’industrie agro-alimentaire pour son action dégraissante et oxydante.

Après un bras de fer juridique, le tribunal correctionnel de Grenoble a donné raison aux associations de protection de l’environnement en condamnant ce lundi 8 avril son propriétaire Lactalis à payer 100 000 euros d’amende, dont 50 000 euros avec sursis, pour « jet ou abandon de déchets dans les eaux superficielles ou souterraines » et à 5 000 euros d’amende pour « exploitation d’une installation classée sans respecter les mesures prescrites par arrêté pour la protection de l’environnement ».
Car derrière ce fromage à l’apparence authentique, qui respire bon le produit du terroir, se cachait bien le géant Lactalis suite au rachat de la fromagerie en 2011, un bel exemple de « craftwashing ». Comme l’explique notre confrère helvète En vert et contre tout, cette technique utilisée par les grands groupes consister à imiter les codes du « fait maison » ou de l’artisanat, voire à carrément racheter des entreprises locales, pour déconstruire l’image négative et industrielle de la grande distribution et des multinationales.

Jouant sur l’aspect traditionnel et sympathique du produit, les fromages de l’Etoile du Vercors cachaient en fait une pollution désastreuse pour l’environnement. Lactalis devra aussi dédommager 55 000 € à l’ensemble des parties civiles pour les préjudices subis, dont France Nature Environnement et la FRAPNA Isère. Pour les associations plaignantes, cette première victoire est un soulagement, mais n’est malheureusement pas à la hauteur des 500 000€ d’amende souhaités pour faire de cette condamnation un exemple dissuasif auprès d’autres industriels polluants.
« C’est à la fois une victoire et un constat d’échec, car si la justice et ses répercussions médiatiques semblent pouvoir inciter ce géant du monde économique à enfin respecter la réglementation environnementale, la pollution n’a pour l’heure pas cessé. Ce groupe industriel préfère-t-il payer des amendes pour pollution, plutôt que de se mettre en règle ? Lactalis a les moyens de prendre les mesures qu’il faut dès demain pour arrêter de polluer ce cours d’eau et il faut le faire savoir ! », explique Anne Roques, juriste à France Nature Environnement.
Plutôt que de se rallier à la station d’épuration locale, bien plus logique en termes d’économies de ressources, la fromagerie « L’Etoile du Vercors » s’est battue avec le maire de Saint-Just-de-Claix, Joël O’Baton, pour construire sa propre station d’épuration. De guerre lasse, l’élu a finalement cédé début avril face à la pression des services de l’Etat. Pour l’instant, les rejets toxiques continuent. Lactalis a jusqu’au 28 septembre 2019 pour les arrêter définitivement.