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La ZAD du Carnet a été expulsée ce matin pour un « projet au point mort »

En novembre 2020, le Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire avait même annoncé retarder d’un an les travaux sur le site suite à un avis négatif du conseil scientifique de l’estuaire de la Loire. Cela notamment pour compléter les études faunistiques et floristiques sur le site qui étaient erronées.

A l’aube ce matin, près de 400 gendarmes ont évacué la ZAD du Carnet, dans l’estuaire de la Loire. Depuis fin août, une cinquantaine de citoyens y occupaient une ZAD pour défendre 110ha de zones humides, abritant de nombreuses espèces protégées, menacés par la bétonisation de l’agrandissement du Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire. Ce sont les plaintes de ce dernier, appuyé du conseil départemental de Loire-Atlantique, qui ont poussé Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur, à demander l’expulsion des militants écologistes. Pourtant, de l’aveu-même de certains élus, le projet est au point mort faute d’investisseurs. Dans les tribunaux, les procès sont toujours en attente.

Dès 6h45 ce mardi 23 mars 2021, sept escadrons de 60 gendarmes dotés de plusieurs blindés, de vedettes sur la Loire, d’un hélicoptère dans les airs et d’engins de chantier ont débarqué à la ZAD du Carnet pour en expulser les occupants.

Depuis fin août, la ZAD du Carnet recensait les espèces présentes sur le site, vivait au rythme de chantiers collectifs et accueillait chaque weekend des visiteurs pour leur faire découvrir la faune et la flore spécifiques au lieu.

Si le quotidien des militant.e.s pouvait parfois être difficile, les différent.e.s occupant.e.s de la zone étaient tou.te.s motivé.e.s par le même objectif : sauver les 116 espèces animales et végétales protégées et leur habitat, 51ha de zones humides, de la bétonisation.

Lire aussi : « La ZAD du Carnet, symbole d’une lutte contre la bétonisation à outrance »

La tension montait depuis plusieurs mois entre les zadistes et les porteurs du projet d’un parc « éco-technologique ». Début février, le collectif Stop Carnet dénonçait ainsi les différentes violences dont la Zone A Défendre était l’objet : à la fois physique et psychologique, mais aussi sociale et écologique.

« Le projet de zone « éco-technologique » du Carnet prévoit la destruction de 110 ha de zone naturelle dont 51 ha de zones humides, 550 poids lourds par jour circulant autour de la zone, 550 000m3 de remblais dont la moitié issue du dragage de la Loire pour surélever le site de 50 cm. Et cela alors que 116 espèces protégées habitent le Carnet et que le projet est en zone inondable chaque année dès 2030. L’estuaire de la Loire déjà moribond est hyper industrialisé et son industrialisation massive et ses emplois précaires provoquent 30% de taux de cancer en plus que la moyenne nationale. Le projet est résolument contradictoire avec l’urgence écologique et la nécessité de stopper toute artificialisation et constitue un véritable crime écocidaire. » affirmait ainsi le collectif

L’opération d’expulsion de ce matin était donc le point d’orgue de ces tensions. Encore une fois, les bulldozers ont brisé les barricades en bois et ravagé les potagers communs.

L’expulsion s’est décidée suite à deux décisions du tribunal judiciaire. Il sommait les habitant·e·s de partir du site aux deux plaintes du grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire et du conseil départemental de Loire-Atlantique. La préfecture de Loire-Atlantique a déclaré qu’il n’y a eu aucun blessé « des deux côtés »

Pourtant, selon le journal OuestFrance : « de l’aveu même des élus siégeant au sein du conseil de surveillance du Grand port maritime – Christelle Morançais, présidente LR des Pays de la Loire, ou Philippe Grosvalet, président PS de Loire-Atlantique -, le projet est au point mort et aucun contact sérieux n’est pour l’heure établi avec la moindre entreprise. »

Lire aussi : Le Port de Saint-Nazaire veut bétonner 110ha de zones humides sous le label de la « transition énergétique »

Et pour cause, le projet industriel n’est toujours pas clairement défini sur la zone du Carnet puisqu’il a été lancé avant même l’attribution de parcelles à des entreprises. Cette façon d’aménager le territoire fait partie d’une stratégie gouvernementale pour implanter des sites industriels le plus rapidement possible : les projets « clé en main ».

Un aménagement territorial mettant en danger le droit environnemental selon l’association juridique Notre Affaire à Tous, spécialisé dans les recours en justice contre les projets d’aménagement écocidaires.

Lire aussi : « 78 sites industriels « clés en main » : un scandale environnemental silencieux »

En novembre 2020, le Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire avait même annoncé retarder d’un an les travaux sur le site suite à un avis négatif du conseil scientifique de l’estuaire de la Loire. Cela notamment pour compléter les études faunistiques et floristiques sur le site.

Une nouvelle qui avait ravi les écologistes puisque les travaux de biotope, prélude au bétonnage, avaient d’ores et déjà commencé dans l’illégalité. En effet, la plupart des analyses ayant été utilisées par le Port pour obtenir une dérogation et commencer les travaux s’appuyaient sur des données récoltées il y a plus de 10 ans.

« Avec les premières réactions médiatiques, nous voyons que cette évacuation satisfait un grand nombre d’élus de collectivités. Mais elle ne fait pas avancer le fond du dossier » a fait remarquer Guy Bourlès, président de la LPO Loire-Atlantique. « La situation économique actuelle du grand Port Maritime de Nantes St Nazaire pose question et interroge, encore plus qu’auparavant, sur les capacités de celui-ci pour développer un tel projet en rive sud. Nos associations demandent un positionnement clair des acteurs institutionnels sur ce projet, notamment du port : l’abandon du projet, dont la rumeur s’amplifie jour après jour, doit le cas échéant être clairement annoncé afin d’apaiser les tensions et d’envisager les modalités de protection et de gestion de cet espace sur le long terme ».

Crédit : Rayonne

Suite à leur expulsion matinale, les zadistes et leurs soutiens ont ensuite rallié Nantes ce midi pour un rassemblement pacifique devant la Préfecture de la Ville, et rappeler les raisons de leur occupation.

Cela a été l’occasion pour les militants écologistes de se rapprocher des professionnels de la culture qui occupent le théâtre Graslin et exigent la réouverture des lieux culturels et des aides financières suffisantes pour relancer l’activité du secteur.

La bataille se poursuit à présent dans les tribunaux. Le jeudi 18 février 2021, l’association MNLE 93 ainsi que des particuliers riverains soutenus par Notre Affaire À Tous ont déposé un recours au tribunal de Saint Nazaire pour faire reconnaître l’illégalité des larges travaux d’aménagement sur le site du Carnet.

Laurie Debove

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