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La viande « spaghetti » ou la dégénérescence des poulets industriels. Conséquence de l’élevage en batterie

La viande « spaghetti » est la conséquence de dizaines d’années de sélection génétique, les poulets les plus gros et les plus résistants étant croisés entre eux, afin de créer des mastodontes ultra-lucratifs, prototypes commercialisés ensuite par quelques entreprises d’envergure mondiale.

Depuis une dizaine d’années, les poulets sortant des élevages industriels sont atteints d’une dégradation de leurs tissus musculaires inquiétante. Ce phénomène est celui de la « viande spaghetti », nommée ainsi car la chair ne s’agrège plus normalement et se décompose en filaments blancs, qui non seulement nuisent à la consommation mais sont aussi la preuve que notre système industriel a depuis longtemps franchi la ligne rouge. 

Grâce aux enquêtes et aux vidéos choc de l’association L214, notamment, les conditions d’élevage des poulets et le traitement qui leur est réservé à l’abattoir commencent à être connus du grand public. Moins célèbres mais tout aussi épouvantables sont les conséquences de cette industrie à l’intérieur du corps des poulets et des dindes, sur leur squelette, leurs organes et leur viande. Depuis une dizaine d’années, les éleveurs et les consommateurs sont forcés de constater que de plus en plus « d’anomalies » apparaissent sur la viande de la filière avicole, résultat direct et évident de l’élevage en batterie sur un mode industriel effréné. Car ces effets secondaires, qui étaient impensables il y a quelques décennies, sont peu à peu en train de devenir la norme. 

L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) en a dénombré quatre grands types dans un état des lieux (PDF), mais la liste pourrait aisément s’allonger, si l’on prenait en compte les maladies cardio-vasculaires et squelettiques : le « white striping », qui « correspond à la présence de stries blanches parallèles aux fibres musculaires » ; le « wooden breast », qui définit un filet de poulet dont la texture est bien plus dure que la normale ; « l’Oregon disease », qui provient d’un taux d’acidité plus élevé et donne aux aiguillettes une couleur verte quelque peu maladive ; et enfin le syndrome de la « viande spaghetti », dont les fibres musculaires, cassées, atrophiées, s’effilochent et ne sont plus compactes mais filandreuses. 

La viande « spaghetti », dont le nom peut prêter à rire, ce sont en somme des blancs de viande qui se désagrègent parce que le poulet ou la dinde a grandi beaucoup trop vite dans un environnement beaucoup trop étroit.

On savait déjà plus ou moins bien que les animaux des élevages intensifs subissaient des crises cardiaques en masse ; que leurs os se brisaient car ils ne pouvaient plus supporter leur masse trois ou quatre fois supérieure à celle de leurs congénères élevés en pleine nature ; et qu’ils étaient touchés par des affections pulmonaires, des blessures graves, des diarrhées, des intoxications…

Visuels présentant les défauts observés sur des volailles. (INRA)

Mais aujourd’hui, ce que les industriels nomment « un défaut » est en réalité la preuve flagrante d’un système dégénéré : faute d’oxygène et de nutriments, les poulets ne parviennent même plus à développer correctement leurs fibres musculaires, ils ne sont plus que des carcasses où la vie n’a pas pris, qui ne parviennent même pas à maturité. 

Plus les bêtes sont grosses et plus elles sont frappées par ce phénomène. Trop lourdes pour se redresser, plaquées au sol, leur poitrine amorphe s’abîme, tandis que leurs gênes et leur nourriture les forcent à grandir.

Depuis les années 1950, le poids des poulets a été multiplié par trois ou quatre partout dans le monde et la durée d’élevage divisée en moyenne par deux, c’est-à-dire de deux mois et demi à 35 ou 40 jours. La viande « spaghetti » est la conséquence de dizaines d’années de sélection génétique, les poulets les plus gros et les plus résistants étant croisés entre eux, afin de créer des mastodontes ultra-lucratifs, prototypes commercialisés ensuite par quelques entreprises d’envergure mondiale. Ce qui veut dire que tout le monde est touché : en France, 10 % des poulets d’élevage intensif seraient frappés par cette affliction, dont la cause ne fait aucun doute, puisqu’on ne la retrouve dans aucun individu provenant d’élevages biologiques ou estampillés Label Rouge. 

Si vous ne voyez jamais cette viande en supermarché, c’est normal : une machine la trie et la sépare de la chaîne. Elle est ensuite expédiée dans de nouvelles usines où on l’intègre aux plats préparés (malin, c’est invisible), ou plus prosaïquement à la nourriture destinée à d’autres animaux. Mais bien souvent, aussi, ces aiguillettes sont commercialisées. À six ou huit euros le kilo, comment pourrait-on s’attendre à mieux ? Il serait temps de songer que la viande que l’on mange est tirée de poulets malades, atteints de dégénérescence musculaire sévère, dont les effets commencent maintenant à éclater au grand jour. 

Pourtant, comme l’indique le ministère de l’Agriculture dans une synthèse publiée en 2018, « la volaille est la seconde viande la plus consommée en France. La consommation individuelle de volaille, qui s’élevait à 16 kg par habitant en 1980, a atteint 29,7 kg par habitant en 2018, soit une hausse de 85 % en 40 ans. » Le produit préféré des Français reste l’escalope, mais ce sont également les produits transformés comme les nuggets qui arrivent en tête des ventes, dont les procédés de fabrications sont bien connus.

Apparemment, il n’y aurait aucun risque sanitaire, du moins aucun danger microbien à court terme. Mais que penser d’une société qui élève et dévore des animaux déjà morts bien avant d’apercevoir les portes de l’abattoir ? La question est peut-être moins l’altération du goût ou la dégradation de notre santé que l’existence de pratiques inhumaines qui nous conduisent toujours au pire, c’est-à-dire à des conséquences qu’on n’avait pu imaginer. 

Augustin Langlade

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