Dans un rapport publié hier, les ONG Notre Affaire à Tous, 350.org et les Amis de la Terre France ont décrypté la stratégie du groupe pétrolier Total pour dénoncer ses incohérences entre actes et déclarations publiques. En continuant ses investissements actuels, l’entreprise risque de nous mener sur une trajectoire de 2,7°C à 3°C de réchauffement, avec son lot de conséquences désastreuses pour le vivant.
Alors que Total souhaite s’imposer comme « la major de l’énergie responsable », le rapport des trois ONG montre l’envers du décor : la stratégie actuelle du groupe pétrolier ne l’engage pas sur l’objectif de +1,5°C maximum, comme demandé par l’Accord de Paris, mais sur un scénario prévoyant entre +2,7 °C à +3,3 °C de réchauffement, basé sur le New Policies Scenario de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE).
Comme le rapport du GIEC le précisait en Octobre 2018, une différence de 0,5°C seulement peut radicalement changer la face de notre planète. A +1°C, 4 % de la surface terrestre change d’écosystème, à +2°C ce sera 13 %. Quand un grand groupe pétrolier comme Total prévoit une trajectoire à 3°C, ce sont des centaines de millions de vies humaines qui sont menacées, sans compter les autres espèces vivantes.

Ce rapport fait suite à une première analyse de l’Observatoire des Multinationales et de 350.org qui dénonçait déjà en 2016 « une stratégie climat en trompe-l’oeil », et notamment la désinformation ou tromperie pour justifier la poursuite d’investissements massifs dans de nouveaux gisements de pétrole et de gaz dans des régions hautement sensibles telles que l’Arctique.
Le temps presse, la température a déjà augmenté d’1 °C par rapport à l’époque préindustrielle. Pourtant, les objectifs du groupe Total ne vont pas au-delà de l’année 2030, et ne font nulle part mention de l’indispensable objectif de neutralité carbone en 2050. Egalement, Total a annoncé vouloir réduire de 15 % l’intensité carbone de ces produits entre 2015 et 2030, alors qu’il faudrait au minimum une réduction de 45% pour tenir l’Accord de Paris.
En effet, pour limiter l’élévation de la température moyenne à 2°C de réchauffement, nous devons rester sous le seuil de 450 parties par million de concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère, et ne pas utiliser 70% des réserves connues de charbon, pétrole et gaz. Or, nous avons récemment atteint le niveau de 415 parties par millions de CO2 dans l’atmosphère pour la première fois en 3 millions d’années. A cette époque, les températures étaient 3 à 4 °C plus élevées, des arbres poussaient en Antarctique et le niveau des océans était 15 mètres plus haut.

A lui seul, le groupe Total est à l’origine de plus de 0,9 % des émissions mondiales chaque année, soit l’équivalent des deux tiers des émissions de la France. Selon les rapports Carbon Majors, Total fait partie des 20 entreprises contribuant le plus au changement climatique dans le monde. Total a aussi été pointée du doigt par InfluenceMap comme étant la compagnie pétrolière ayant le plus fort budget communication pour promouvoir ses activités « vertes ».
Ainsi, le groupe promeut le « gaz naturel » comme solution alors que son extraction génère d’importantes émissions de méthane, « puissant gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement global (PRG) est, selon le GIEC 1, 72 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2) sur 20 ans, et 25 fois supérieur sur 100 ans. »
« Face à la stratégie du pire assumée par Total, nous sommes rassemblés derrière des demandes vitales : que les Etats cessent d’accorder des subventions et des exonérations d’impôts à Total, qu’ils contraignent les banques à cesser de soutenir les activités destructrices de Total, que les investisseurs institutionnels et les actionnaires ne financent plus l’exploitation ou l’exploration des gisements de gaz et de pétrole et désinvestissent, que les universités, les musées refusent d’être associés à Total. Pour que la multinationale soit enfin tenue responsable des dommages qu’elle cause. » détaillent les trois ONG dans leur rapport
Les ONG ont essayé d’accéder à l’Assemblée Générale du groupe qui a lieu aujourd’hui pour distribuer leur rapport aux actionnaires et les alerter sur le danger encouru, le service de sécurité les en a empêché.