Elle fait parler d’elle depuis plusieurs années, car elle est le plus gros centre de pollution d’Europe, rejetant l’équivalent des émissions annuelles de la Nouvelle Zélande, ou de 6.5 millions de voitures. La centrale à charbon de Bełchatówen Pologne est la cible de plusieurs actions de défenseurs de l’environnement. Aujourd’hui, leur action a fait un pas de plus.
En 2018 déjà, des activistes de Greenpeace manifestaient devant la centrale pour protester contre l’invitation de son propriétaire, PGE, principal producteur d’électricité en Pologne, à la COP24. Greenpeace avait alors menacé de mener une action au tribunal si un plan n’était pas mis en oeuvre pour arrêter les centrales appartenant à PGE d’ici 2030.
La centrale brûle une tonne de charbon par seconde, et elle est considérée comme l’un des points les plus polluants du monde. Le rapport Europe Dark Cloud établi par 4 ONG, établissait qu’elle contribuait au décès prématuré de près de 1 200 personnes.
Aujourd’hui c’est l’ONG ClientEarth qui porte plainte. Sans nier l’apport essentiel de cette centrale pour chauffer des millions de Polonais depuis des décennies, l’ONG estime que les temps ont changé et que les principaux pollueurs doivent prendre leurs responsabilités pour faire face à la crise climatique.

Ce combat est emblématique des problématiques contemporaines, car s’il est facile de se dire qu’il faut des énergies propres, un pays comme la Pologne dépend pour 80 % de l’industrie du charbon, étant le premier producteur européen. Si aujourd’hui la Pologne importe de plus en plus de charbon de la Russie, cette source d’énergie reste vitale pour sa sécurité et pour ses alliances stratégiques.
Les questions environnementales se retrouvent donc au coeur d’enjeux politico-stratégiques, de sécurité nationale et de relations inter-gouvernementales.
Le président polonais, Andrzej Duda, a déclaré que les réserves actuelles de la Pologne en charbon assuraient l’autonomie énergétique pour les deux prochains siècles et qu”il sera difficile de ne pas les utiliser”. La semaine dernière, le premier ministre polonais inaugurait la première ouverture d’une nouvelle centrale à charbon depuis 1954, à Jastrzębie-Zdrój, près de la frontière avec la République Tchèque.

Le même jour, le parti au pouvoir annonçait vouloir faire passer une loi autorisant le gouvernement à ouvrir des centrales à charbon sans nécessiter l’aval des autorités locales.
Dès lors les propos du président Macron déclarant à New York : “La vérité, c’est qu’il y en a un qui bloque tout, c’est la Pologne. Mon objectif, c’est de convaincre les autres pays de bouger. […] Qu’ils [les jeunes] aillent manifester en Pologne ! Qu’on vienne m’aider à faire bouger ceux que je n’arrive pas à faire évoluer !” fait grincer certaines dents, notamment celle du quotidien conservateur polonais Rzeczpospolita, qui reproche au président français ne de pas encourager la même démarche vers l’Allemagne, premier consommateur de charbon en Europe, ou en Chine qui en détient la palme mondiale. Mais aussi du président de la Pologne qui s’offusque des propos “insultents” du président français.
En matière de climat, il n’y a malheureusement pas les gentils écolos d’un côté et les méchants pollueurs de l’autre. Toutes les actions symboliques de marches pour le climat et de discours médiatiques sont justes mais ils enlèvent la complexité de ces questions et la profondeur historique des situations de chaque pays. Si nous voulons être efficaces, il va falloir s’y plonger.