Vendredi 19 avril, 2030 citoyen-ne-s ont participé à une immense action de désobéissance civile en bloquant pendant 11 heures les tours de Total, EDF, la Société Générale et le Ministère de la Transition écologique et solidaire à La Défense. L’objectif : bloquer la république des pollueurs.
Dénoncer la collusion entre l’État et les entreprises polluantes
Greenpeace, Les Amis de la Terre et ANV-COP21 (Action non violente) ont organisé la plus grande action de désobéissance civile ce vendredi 19 avril en bloquant l’accès à quatre lieux à La Défense : Total, EDF, la Société Générale et le Ministère de la Transition écologique et solidaire. Pendant 11 heures, 2 030 personnes se sont mobilisées pour « paralyser l’activité de ces multinationales polluantes » et dénoncer la collusion entre privé et public en ciblant également le Ministère de la Transition écologique et solidaire. Filmé toute la matinée par Le JTerre, l’événement a été diffusé en live sur la chaîne de ses nombreux partenaires dont La Relève et La Peste.

François de Rugy s’est fendu d’un tweet « étonné » indiquant que les « quelques militants radicaux » se trompent d’ennemis. Le terme « quelques » désigne bien les 2030 personnes mobilisées sur l’action, illustrant une fois de plus l’indifférence voire le mépris du gouvernement face aux citoyen-ne-s ayant une conscience aiguë de la crise écologique et sociale en cours.
Depuis septembre, manifestations et actions ont régulièrement lieu dans toute la France pour mobiliser la population sur ces enjeux essentiels : marches pour le climat, actes des gilets jaunes, affaire du siècle, grève des jeunes, décrochage de portraits du Président… Sans engagement du gouvernement français, si ce n’est la poursuite en justice de certains militants.
« François de Rugy et Brune Poirson ont encouragé les marches pour le climat et les grèves des jeunes, mais les émissions de GES sont reparties à la hausse depuis 2015. Ils ont de beaux discours mais permettent des projets climaticides derrière. Depuis 5 mois, nous marchons pour le climat et rien ne change. Cette action de désobéissance civile non-violente est une façon d’aller beaucoup plus loin. Nous avons choisi La Défense pour dénoncer le lien entre les multinationales et l’exécutif, où de nombreux ministres passent du public au privé. Ce pantouflage permanent fait qu’on est dans un système qui va toujours privilégier les profits et les intérêts des multinationales au détriment de la lutte contre le dérèglement climatique et pour la justice sociale. » Elodie Nacé, militante ANV-COP21

L’urgence de ralentir
Les salarié-e-s qui n’ont pas pu aller travailler ce jour-là ont eu des réactions différentes : du soutien à l’hostilité, mais aussi de la résignation.
« Tout a été pensé pour qu’il y ait de l’animation : animateurs avec slogans, chanteurs comme Kalune. Il y avait une très bonne ambiance et très bonne cohésion. De nombreux militants étaient formés pour échanger avec les salariés. Le dialogue était un peu tendu avec ceux qui voulaient rentrer, mais d’autres soutenaient l’action, que ce soit dans leur discours ou en apportant boissons et nourritures aux militants. La réaction principale : les gens rentraient simplement chez eux en voyant que c’est bloqué. » Victor Vauquois, membre de Partager C’est Sympa et du JTerre
Bloquer ainsi quatre lieux de la course à la croissance avec des activités polluantes symbolise ce que nous devrions tou-te-s faire si nous prenions l’urgence écologique et sociale au sérieux : ralentir la cadence pour prendre le temps de mettre en place un projet de société résiliente. Alors que nous courons droit vers un précipice écologique et social, les scientifiques désignent ce phénomène d’emballement sous le terme de « Grande Accélération ».

Cette accélération continue est dénoncée par le sociologue et philosophe Hartmut Rosa dans son livre du même nom. Pour lui, la « modernité tardive » (depuis le tournant des années 1990) comprend de grands dangers : celui de la catastrophe écologique ou de la crise démocratique, et l’augmentation de maladies liées au surmenage comme le burn-out.
« Presque partout en Europe, responsables politiques et économistes insistent sur la nécessité de poursuivre la croissance économique. Ils craignent une récession, « slow-down » en anglais. L’économie capitaliste a besoin de créer plus de valeur, chaque année, et donc d’augmenter la productivité, de produire plus en moins de temps. C’est aussi lié à la dette et au retour sur investissement attendu de tout placement. Cette logique se transfère au niveau individuel à travers la compétition, qui n’est pas réservée au domaine économique et au monde du travail. Le moteur n’en est pas tant la cupidité que la peur. Peur de perdre son emploi, de ne pas avoir une couverture sociale et une retraite suffisantes…

Bien sûr, l’espèce humaine a une grande capacité d’adaptation. On pense souvent que nos difficultés ne sont que transitoires : si nous souffrons, c’est que nous ne serions pas encore accoutumés aux nouvelles technologies ! Mais la vitesse augmentera encore et les changements arriveront toujours plus vite. Ce n’est pas comme si l’on pouvait atteindre un nouveau plateau où se reposer. La pente sera de plus en plus raide. La question n’est pas de savoir si nous pourrons être plus rapides qu’aujourd’hui. Bien sûr nous le pouvons, mais au prix d’une adaptabilité qui devra être toujours accrue. Que nous ayons pu nous adapter à l’accélération dans le passé ne présume pas du futur. » propos recueillis par Bastamag
Dans cette société lancée à grande vitesse, les 2030 participants à l’événement ont ressenti le temps qui passe, assis pendant 11 heures de suite pour montrer leur détermination, jusqu’à l’évacuation des lieux par les forces de l’ordre en fin de journée. Les organisations ayant mené l’événement continuent la mobilisation. Le prochain grand événement aura lieu le 24 mai pour la grève mondiale pour le climat.