La grève que nous vivons actuellement va bien au-delà d’une grève habituelle. Nous le savons, depuis Nuit Debout, la ZAD, les Gilets Jaunes : les gens se rencontrent, étonnés et curieux d’entendre les mêmes inquiétudes exprimées par d’autres.
Dans la période que nous vivons, chaque mouvement social apporte un autre acteur sur la scène de l’engagement. Nuit Debout avait appris aux citadins qu’ils pouvaient se réapproprier l’agora et expérimenter des formes d’engagement politique. Les Gilets Jaunes ont rendu visible cette France périphérique dont on ne parlait jamais. La grève actuelle réunit enseignants, personnel de l’hôpital, cheminots et bien d’autres corps de métier qui expriment ensemble leur crainte face à un avenir incertain qu’il faut pourtant bien remodeler.
C’est lorsque des acteurs extérieurs au mouvement se mettent à aider et soutenir ceux qui défilent qu’une simple manifestation devient un mouvement social. En 2012 au Québec, une énième grève étudiante contre la hausse des frais de scolarité (au Canada, payer sa scolarité et travailler à côté est la norme) n’est devenu un mouvement d’ampleur que lorsque d’autres acteurs du corps social se sont joints à eux : familles avec enfants, artistes, avocats qui firent une marche en robe. Le printemps érable dura 8 mois, dont 4 mois d’hiver canadien où les gens marchaient dehors pendant des heures, et eut pour conséquence de faire tomber le gouvernement et de déclencher des élections anticipées.

En ce moment, la solidarité se manifeste tout d’abord par des caisses créées par les syndicats, qui font leur grand retour sur la scène politique et sociale. Les cotisations des adhérents et les dons permettent de les entretenir. Parallèlement des cagnottes se mettent en place en ligne. Celle de la CGT a récolté actuellement 660 000 euros. Mais compte tenu du nombre de grévistes, ces cagnottes restent insuffisantes. La chaîne de solidarité qui se met en place concerne surtout des services et de l’entraide.
En Tourraine, la Confédération Paysanne crée une chaîne alimentaire pour nourrir les grévistes contre la réforme des retraites. Le mot “convergence des luttes” est lâché. Mais la convergence des luttes est une mise en commun de forces dans une volonté d’atteindre un idéal qui dépasse chaque particularisme de profession de classe sociale ou d’origine.
À l’heure où même dans les luttes, Nuit Debout restait cantonné aux centre villes, les marches pour le climat n’atteignent pas les banlieues, où dans la grève actuelle chaque profession défile pour faire entendre sa détresse particulière, nous encore bien du mal à penser notre commun. Les solidarités qui émergent sont celles d’individus ou de petits groupes. Ainsi les autres Confédérations Paysannes doivent chacune se concerter pour savoir s’ils suivront l’exemple de la Tourraine. Le chemin est long vers une mise en commun de nos forces pour envisager un autre monde.