Jeudi 11 février, est sorti le rapport annuel sur l’Indice de perception de la corruption établi par Transparency International. Selon l’ONG, La France « dégringole dans l’indice de perception de la corruption ».
Calculé chaque année depuis 1995, l’Indice de perception de la corruption (IPC) est devenu une référence mondiale de l’évaluation du niveau de corruption dans le secteur public. La corruption étant par définition un phénomène cachée, l’ONG se base sur la perception de celle-ci via des enquêtes d’opinion pour établir un classement de 180 pays en fonction des niveaux de corruption perçus.
La corruption s’aggrave en France
Pour l’année 2024, la France se place à la 25e position du classement mondial : une chute de 5 places qui représente « une alerte démocratique inédite » selon Transparency International. En effet, cette chute place la France « en dessous de la moyenne des pays catégorisés comme pleinement démocratiques ».
Celle baisse met en lumière « des failles structurelles dans la lutte contre la corruption, aggravées par des scandales récents et une perte de confiance dans les institutions démocratiques » selon l’ONG. Cette dernière met en avant « un sentiment de défiance à l’égard du personnel politique », lié notamment à « plusieurs scandales majeurs impliquant des figures politiques et des partis nationaux ».
En effet, les affaires de corruption touchant le plus haut sommet de l’État et différents partis saturent l’actualité politique et judiciaire. Mercredi 18 décembre 2024, la Cour de cassation, en rejetant le pourvoi de Nicolas Sarkozy, a rendu définitive sa condamnation à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme – sous bracelet électronique – pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes ».
Quelques jours plus tard, début janvier 2025, s’est ouvert un autre procès visant l’ex-chef de l’État : celui sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Depuis la fin 2024, se tient également le procès des assistants parlementaires du RN. Plusieurs cadres du parti, dont Marine le Pen, sont accusés d’avoir détourné des fonds publics du Parlement européen : une accusation qui avait également été portée à l’encontre de députés du MODEM – le parti créé et présidé par François Bayrou – condamnés en février 2024.
Quid de la moralisation de la vie publique ?
En 2017, Emmanuel Macron arrivait au pouvoir en promettant « une moralisation de la vie publique ». Plus de 7 ans plus tard, le constat est sans appel : les affaires judiciaires visant des ministres, hauts-fonctionnaires et autres personnes au sommet de l’État sont trop nombreuses pour être énumérées de façon exhaustive.
Le 7 février dernier, l’ancien ministre du Travail Olivier Dussopt a été reconnu coupable de « favoritisme » par la Cour d’appel de Paris, dans une affaire d’attribution de marché public. En 2022, le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler avait été mis en examen pour prise illégale d’intérêts. En 2021, Éric Dupond-Moretti, alors ministre de la Justice, était également mis en examen pour le même motif.
Parmi les plus de 25 proches collaborateurs, ministres ou membres du parti d’Emmanuel Macron ayant été ou toujours mis en cause dans des affaires judiciaires, on compte également Aurore Bergé (ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes), Rachida Dati (ministre de la Cuture), ou encore Gérald Darmanin (Ministre de la Justice).
Richard Ferrand (ex-Président de l’Assemblée Nationale), choisi ce 10 février par Emmanuel Macron pour présider le Conseil constitutionnel, avait quant à lui été mis en examen en 2019 pour prise illégale d’intérêts sans toutefois être poursuivi – les faits reprochés étant prescrits -.
Selon Transparency International France, « l’exécutif paraît avoir définitivement renoncé aux promesses de 2017 concernant la construction d’une République exemplaire ». L’ONG pointe notamment « le maintien de ministres mis en examen dans leurs fonctions », une pratique contraire à la « jurisprudence Balladur » appliquée depuis 1994 et selon laquelle un ministre mis en cause devant la justice démissionne de ses fonctions.
Lire aussi : « La jurisprudence Macron » : quand les élus accusés de corruption restent au pouvoir Crédit Photo : Amaury Cornu / Hans Lucas via AFP
La faiblesse de la lutte anticorruption
Dans son rapport, Transparency International « exhorte le gouvernement français à répondre à cette crise avec des réformes structurelles immédiates ». L’ONG appelle notamment au renforcement des moyens du Parquet National Financier (PNF), une institution chargée d’enquêter sur la grande délinquance économique et financière.
Ce dernier reçoit en effet des ressources « insuffisantes et inférieures à celles prévues dans l’étude d’impact réalisée lors de sa création ». Transparency International recommande également à l’exécutif de renforcer l’Indépendance de ce Parquet.
Une corruption qui nuit à l’action écologique mondiale
Dans son rapport, Transparency International met également en avant les impacts de la corruption sur la lutte contre le réchauffement climatique à l’échelle mondiale : « la corruption rend ce combat beaucoup plus difficile » estime l’ONG, ajoutant que « la communauté internationale doit s’attaquer à la relation entre corruption et crise climatique ».
En effet, l’organisation estime que des milliards de dollars de fonds dédiés à la lutte contre le changement climatique risquent d’être détournés : une situation d’autant plus critique que les pays dans lesquels la corruption est la plus forte sont aussi ceux les plus vulnérables face aux catastrophes écologiques. La corruption compromet également « l’application des lois et des politiques environnementales en affaiblissant le contrôle réglementaire ».
Le rapport rappelle que « les acteurs clés de la diplomatie climatique sont aux prises avec la corruption ». L’Azerbaïdjan, pays hôte de la COP29, est ainsi classé comme l’un des pays les plus corrompus.
« Au moins 1773 lobbyistes du secteur des combustibles fossiles ont été autorisés à assister » à cette conférence mondiale sur le climat écrit Transparency International.
Enfin, L’ONG explique que les défenseurs de l’environnement sont « exposés à un risque bien plus élevé de violence, d’intimidation et d’assassinat dans les pays où la corruption est forte ».