Dans le sillage du retour des loups, l’usage des chiens de protection de troupeaux se diffuse à nouveau en France depuis 30 ans. Pour aider randonneurs et autres usagers de la montagne à éviter les conflits, l’association FERUS donne conseils et bonnes pratiques. En ligne de mire : une coexistence apaisée entre éleveurs, loups, chiens, et autres humains.
À la différence des chiens de conduite, qui aident les éleveurs et bergers à orienter le troupeau, les chiens de protection ont pour unique rôle la dissuasion des attaques de prédateurs, principalement sur les troupeaux d’ovins.
Qu’ils s’agissent de Bergers des Pyrénées, dits « Patous », de Matins espagnols, de Berger de Maremme et des Abruzzes ou encore des impressionnants Bergers d’Anatolie, dit « Kangals », ces chiens massifs sont habitués aux brebis dès leur plus jeune âge et vivent avec elles en permanence. Par leurs aboiements et leur force physique intimidante, ils les protègent des intrusions : de loups, d’autres chiens, mais aussi d’humains.
Partager le territoire avec les patous
Dans les territoires nouvellement habités par les loups, les chiens de protection représentent une nouvelle donne pour les éleveurs et bergers, mais aussi pour les autres usagers du territoire, habitués à traverser les zones d’élevage sans rencontrer d’obstacles.
Randonneurs, vététistes, chasseurs, voisins des fermes : qu’ils soient vacanciers ou habitants du territoire, leurs interactions avec les chiens de protection peuvent être conflictuelles et créer des tensions avec les éleveurs et bergers.
« La peur que les chiens de protection attaquent des personnes, des animaux domestiques ou d’autres animaux sauvages est fréquente. Cela peut freiner leur adoption », explique Bérengère Yar, animatrice du réseau Auvergne Limousin et Coordinatrice des réseaux locaux au sein de l’association FERUS.
Les éleveurs et bergers sont, en effet, soumis à de fortes contraintes liées au retour du loup : la gestion des interactions de leurs chiens avec les autres acteurs du territoire est donc particulièrement pesante dans le quotidien de certains d’entre eux. La présence de chiens de protection est pourtant l’un des moyens les plus efficaces pour limiter le nombre d’attaques de loups sur les troupeaux.
Adopter les bons comportements
C’est pourquoi, en 2021, l’association FERUS crée le programme « Parole de Patou » : qui vise à « informer et à sensibiliser les acteurs locaux, les acteurs du tourisme et le grand public sur le rôle des chiens de protection et le comportement à adopter en cas de rencontre », explique Bérengère Yar pour La Relève et La Peste.
Dans les Alpes et le massif jurassien, FERUS organise ainsi des réunions d’informations à destination des professionnels du tourisme et les clubs de randonnées, des ciné-débats gratuits, des distributions de plaquettes d’information sur les réflexes à adopter face aux chiens de protection.
Grâce à des bénévoles formés entre autres par l’éthologue spécialiste du loup Jean-Marc Landry – pour ceux présents dans le Jura -. FERUS mène également des actions de sensibilisation directement au départ des sentiers de randonnée.
L’association conseille ainsi « d’éviter d’emmener les chiens sur les alpages en présence de troupeaux », de « contourner largement le troupeau » dans la mesure du possible. Et, de se signaler en amont de la rencontre avec les chiens de protection : pour ne pas les surprendre.
Les bénévoles expliquent également aux promeneurs comment réagir lors des interactions avec les défenseurs du troupeau, qui sont susceptibles d’aboyer pour donner l’alerte et de s’approcher pour identifier l’intrus. Ils préconisent aux randonneurs d’arrêter alors leurs activités, de ne pas crier ou faire de gestes brusques et le cas échéant, de descendre de vélo.
Ils conseillent également d’éviter de regarder les chiens dans les yeux et de repartir calmement quand ces derniers s’apaisent : sans ne se précipiter ni remonter directement à vélo. L’association rappelle enfin que les patous suivent fréquemment les promeneurs : « jusqu’à ce qu’ils estiment que vous ayez quitté leur territoire ».
Extrait de la BD de Ferus
Une importante contrainte pour les éleveurs
En parallèle de ces conseils sur les comportements à adopter face à des chiens de protection, l’association FERUS organise des temps d’échanges avec des éleveurs volontaires.
« La sensibilisation à la réalité quotidienne des éleveurs, aux coûts et aux efforts nécessaires pour assurer la protection, est essentielle pour une meilleure compréhension collective, explique Bérengère Yar à La Relève et La Peste. Il est fréquent que le grand public sous-estime la complexité et les enjeux liés à la mise en place de moyens de protection. »
Les chiens de protection représentent en effet une importante contrainte économique et logistique pour les éleveurs et bergers : même si les coûts de l’achat, du dressage et de l’alimentation du chien sont pris en charge à 80 % par l’État. Ces chiens au grand gabarit doivent être nourris deux fois par jour, soignés et correctement éduqués pour pouvoir remplir leur rôle de protection de troupeau.
Un berger, ses chiens et son troupeau – Crédit : Ferus
« Des chiens mal dressés ou non socialisés peuvent devenir agressifs, imprévisibles ou difficiles à contrôler » rappelle Bérengère Yar pour La Relève et La Peste. De plus, plusieurs chiens sont nécessaires pour une protection efficace du troupeau sur de vastes pâturages.
Favoriser ainsi le dialogue entre éleveurs et usagers du territoire pour faciliter la mise en place des moyens de protection semble d’autant plus essentiel dans le climat politique actuel d’hostilité aux normes environnementales. Le 8 mai dernier, les députés européens se sont prononcés en faveur d’un abaissement du niveau de protection du loup au sein de l’Union européenne.
« Le déclassement du loup constitue un frein majeur à la mise en œuvre de moyens de protection efficaces, estime Bérengère Yar. Il limite la capacité législative et administrative à agir, renforce les tensions sociales et compromet la conservation à long terme de l’espèce.
Pour avancer, il serait crucial d’instaurer un dialogue équilibré, fondé sur des données scientifiques, permettant de concilier la protection du loup avec les enjeux socio-économiques locaux » conclut la bénévole de FERUS.
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