Aujourd’hui, les parcs aquatiques ne peuvent pas se contenter de se présenter comme des lieux de divertissement. La conscience écologique grandissante partout dans le monde fait que l’écologie devient autant un obstacle qu’un nouvel outil de communication pour ceux qui continuent à vouloir faire de l’argent dans l’industrie du divertissement animalier.
Les conséquences cruelles de la captivité
Si le grand public peut s’offusquer des mauvais traitements infligés aux animaux dans les abattoirs, il est beaucoup plus difficile de faire reconnaître la maltraitance des animaux aquatiques. Parce que ça ne se « voit » pas aussi facilement. Les animaux qui font plusieurs spectacles par jour pour égayer le public le font sous stress et menaces constantes mais ça ne se voit pas.
Les bassins ne nous frappent pas comme les barreaux des cages des mammifères, et pourtant leur taille est l’équivalent d’une baignoire pour un humain. Une baignoire où l’on aurait les yeux bandés. Comme les chauve-souris, beaucoup de ces animaux utilisent normalement l’écholocalisation pour se déplacer : ils calculent les distances avec la réverbération de leurs cris sur des obstacles les guide. Or, dans un bassin, ces échos rebondissent partout.
Les baleines ont alors l’impression d’être entourées d’obstacles en permanence, et peuvent devenir folles.
Les orques, dauphins et baleines sont parmi les animaux les plus sensibles et les plus intelligents que l’on connaisse. Ces animaux parcourent naturellement des centaines de kilomètres. Capturés très jeunes, arrachés à leurs mères, ou bien nés en captivité avec une faible variété génétique qui les affaiblit.
Mais comment mesurer la souffrance d’animaux dans un aquarium ? Nous sommes des mammifères terrestres, et nos critères d’espace viable ou d’expression du bien-être sont très différents des animaux marins. Comment mesurer que des pieuvres géantes dans des aquariums qui nous paraissent assez grands, subissent les bruits constants de la foule, les réverbérations des mains contre les vitres, les lumières des flashs, tous les signes d’éminents dangers pour elles.
Comment comprendre que beaucoup de poissons tropicaux qui passent normalement la majeure partie de leur temps à se cacher dans des crevasses et des algues pour échapper à leurs prédateurs, se retrouvent dans des bassins sans accessoires donc dans un état de vulnérabilité extrême.
Beaucoup d’animaux se retrouvent atteint de stéréotypie – comportements répétitifs – qui sont l’équivalent d’une maladie mentale chez l’humain.
La zoochose est un ensemble de comportements stéréotypées qui a pu être observé chez les animaux très sensibles et intelligents en captivité comme les éléphants et les grands singes : déambulations en boucles, balancements, mouvements de tête, automutilations. C’est une réponse psychique et physique au fait qu’ils se retrouvent dans un environnement répétitif qui leur pose les mêmes problèmes – bruit, luminosité, climat, mouvements limités – en permanence, et que leurs structures sociales sont brisées.
Les conséquences cruelles de la captivité
Chimelong International Ocean Tourist Resort est un empire du divertissement aquatique digne de Disney. Il est composé de trois parcs d’attraction, d’un système de transport, d’une île artificielle et de trois hôtels.
Le premier parc, Chimelong Ocean Kingdom, a été ouvert en 2014 sur l’île de Hengqin. Avec plus de 5 millions de visiteurs la première année, le parc se classe parmi les 25 les plus visités au monde. Les orques et dauphins sont présentés au milieu de manèges aquatiques, auto tamponneuses, magasins à souvenirs et un hôtel de près de 2000 chambres.
Le Chimelong Animal Kingdom est le plus grand parc de safari au monde, regroupant 500 espèces animales et plus de 2000 individus en semi liberté : koalas, tigres blancs, lions, ours polaires, éléphants, loups, pandas, orang outans… des animaux qui ne vivent pas naturellement dans les mêmes climats.
Un parc d’aventure complète le tableau, avec près de 70 attractions différentes. Et prochainement, un nouveau parc aquatique sera ouvert, entièrement intérieur, accessible directement par un pont et un tramway aérien. Chimelong Marine Science Park se présente comme un projet écologique qui sert à « augmenter la conscientisation des gens sur la protection des baleines »
Chimelong est l’exemple type de la marchandisation de l’écologie. Allier un safari à un parc d’attraction et à un cirque, qui est le plus grand cirque au monde, montre bien que le bien-être animal ou la protection des espèces ne sont pas au centre du projet.
Il s’agit là de créer un nouvel espace de divertissement, où les visiteurs peuvent se sentir proche d’une nature mise en scène, d’animaux dont les comportements n’ont plus grand chose de sauvage, qui ne sont appréciés que par leur côté « mignon », comme des peluches vivantes.
Il ne s’agit pas d’observer un animal dans son environnement, d’y pénétrer avec le risque accepté de ne pas voir l’animal. On ne cherche pas à saisir un moment authentique, mais à saisir l’animal comme un bel objet, mis dans un univers artificiel où la marchandise est accessible facilement et rapidement.
À plus long terme, le projet va plus loin et cherche à « soutenir la recherche et réaliser des progrès dans l’élevage des orques ». Les Chinois ont compris que capturer des orques pour en faire des bêtes de cirque sera bientôt une pratique d’un autre âge qui peut susciter bien des levées de boucliers, et qui va s’avérer de plus en plus difficile. Alors on essaye de contourner le problème : élever des orques qui seront domestiqués dès la naissance, et revendus à des parcs.
La marchandisation des animaux répond à un phénomène psychologique et culturel très basique : l’appréciation esthétique d’un animal. Les pandas, koalas, dauphins, baleines, félins, sont moins chanceux que les vers de terre, rat-taupe, insectes ou oiseaux que nous trouvons quelconques.
Cette appréciation esthétique insérée dans un système de marchandisation et de loisirs a permis de créer ces empires, dont les États-Unis étaient les maîtres et qui sont aujourd’hui largement devancés par les Chinois, qui ont compris que pour perdurer, ces temples de la consommation d’êtres vivants allaient devoir utiliser l’argument de protection des espèces. Quand l’écologie devient un nouvel argument marketing, il y a de quoi avoir peur.