C’est une victoire définitive pour les associations de protection de l’environnement ! Le Conseil d’État s’est rangé derrière la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne : il est désormais illégal de chasser les oiseaux à la glu en France, pour toujours.
Déjà suspendue depuis l’été 2020, la chasse à la glu a définitivement été jugée illégale par la plus haute juridiction administrative française, ce lundi 28 juin, mettant un terme à des années de bataille entre partisans et adversaires de cette méthode controversée.
Cette décision fait suite à celle da Cour de Justice de l’Union Européenne qui avait rappelé la France à l’ordre, en mars 2021 : après l’Espagne, Malte et Chypre, la France était le dernier pays européen à permettre la chasse à la glu sur son territoire.
Cette décision répondait à une interrogation de la CJUE par le Conseil d’Etat français, suite aux recours de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et de l’association One Voice contre 5 arrêtés ministériels de septembre 2018 autorisant cette pratique dans 5 départements de PACA pour la saison de chasse 2018-2019, relatifs à l’emploi des gluaux pour la capture des grives et des merles noirs destinés à servir d’appelants.

Par un jugement rendu ce 28 juin 2021, le Conseil d’État français vient donc de s’aligner sur la CJUE et d’annuler les derniers arrêtés ministériels accordés pour les saisons 2018-2019 et 2019-2021, jugés « contraire au droit européen pour la plus grande joie des associations de protection de l’environnement qui dénonçaient ces pratiques :
« La LPO a mené la bataille pendant plus de 5 ans avant de finir par gagner : cette pratique odieuse et non sélective dont furent victimes des milliers d’oiseaux chaque année (quelques 40 000 oiseaux), et qui laisse libre cours à tous les trafics (2) est définitivement abolie. Plus aucun gouvernement français ne pourra désormais utiliser le levier des dérogations pour contourner la Directive européenne de protection des oiseaux. Déjà, pour la saison 2020-2021, le Président de la République lui-même avait suspendu la signature dans l’attente du jugement du Conseil d’Etat. » a réagi la Ligue de Protection des Oiseaux
Une victoire également célébrée par l’association One Voice, qui poursuivait également les arrêtés en justice :
« Quelle belle victoire pour les oiseaux qui ne seront plus pris dans la glu en France ! Voici quatre ans que One Voice se bat également devant le Conseil d’État contre toutes les autres chasses traditionnelles. Pour ces petits oiseaux, nous irons jusqu’au bout. » a ainsi réagi Muriel Arnal, présidente fondatrice de One Voice
Pour le Conseil d’Etat et la CJUE, cette pratique est illégale parce qu’elle n’est pas sélective (des oiseaux protégés par la Directive Oiseaux se font également capturer), et parce qu’il existe d’autres solutions pour imiter le chant des oiseaux utilisés comme appelants.
La CJUE va même plus loin que le Conseil d’État en reconnaissant pour la première fois la nécessité de respecter la sensibilité animale.
Pour les associations de protection de l’environnement, le combat n’est pas fini. D’autres pratiques non-sélectives continuent d’être employées en France, mettant en péril certaines populations d’oiseaux. Ainsi, certains piégeages dits traditionnels sont de fait tout aussi illégaux.
« Dans le Sud-Ouest on continue de piéger des oiseaux avec des filets et des matoles (cages métalliques) ; dans le Massif Central on les écrase avec des pierres plates ; dans les Ardennes on les étrangle avec des collets et on leur tire la queue pour les faire appeler… Dans tous les cas ces modes de piégeage ne sont pas sélectifs, et les alternatives existent. » rappelle la LPO

Selon une étude de l’association BirdLife (« The Killing »), le nombre d’oiseaux illégalement « prélevés » sur notre territoire s’échelonnerait de 149 000 à 895 000 par an, trois espèces étant particulièrement prisées : le bruant ortolan, le pinson des arbres et le rouge-gorge familier. Tous trois rigoureusement protégés.
« En France, il y a toujours 20 espèces qui continuent d’être chassables alors qu’elles sont sur la liste rouge de l’IUCN et que c’est une mesure qui pourrait être prise dans l’immédiat par le gouvernement, c’est inacceptable ! L’oiseau est un indicateur précieux de l’état de la biodiversité, quand il s’épanouit c’est tout le cortège du vivant qui s’épanouit aussi : batraciens, reptiles, insectes. Et quand ils disparaissent, c’est l’ensemble du vivant qui s’estompe. » explique Allain Bougrain-Dubourg, Président de la LPO, à La Relève et La Peste
La LPO milite désormais pour :
- l’abrogation de l’arrêté cadre du 17/8/1989 sur l’emploi des gluaux
- l’inscription de l’interdiction de la chasse à la glu dans la loi
- la libération des centaines d’oiseaux capturés illégalement et encore détenus aujourd’hui dans la perspective de les utiliser comme d’appelants
- la destruction des huttes de chasses construites bien souvent illégalement sur le domaine public de l’ONF et des collectivités
- l’interdiction de la commercialisation et de l’utilisation de la glu comme méthode de destruction des animaux, y compris pour les insectes et les rongeurs compte tenu de l’absence de sélectivité et des souffrances ainsi infligées.
Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO, en appelle désormais à la responsabilité du gouvernement français :
« A la veille d’accueillir le Congrès Mondial de l’UICN en septembre à Marseille, la France, qui se veut exemplaire en matière de biodiversité, serait cohérente en mettant un terme définitif à ces piégeages d’un autre temps qui conjuguent la capture d’espèces parfois protégées et la maltraitance de la faune sauvage. »