Depuis le lancement des hashtag #MeToo et #BalanceTonPorc, de nombreuses femmes se sont faites interpellées sur leur choix d’utiliser les réseaux sociaux, au détriment du système judiciaire pour dénoncer leurs agresseurs. Une manière de procéder « salutaire » et cathartique pour certaines femmes mais vivement critiquée par d’autres qui y voient une forme de « tribunal populaire et arbitraire » où la vérité n’a plus sa place.
« Twitter n’est pas un tribunal »
Comme l’avaient rappelé Anne-Cécile Mailfert, présidente de la fondation des femmes ainsi que Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes « twitter n’est pas un tribunal, ça ne remplace pas un dépôt de plainte ». Si cette démarche, qui a inspiré de nombreuses femmes victimes de harcèlement et de violences sexuels a été saluée par ces dernières, d’autres voix se sont élevées contre cette manière de procéder.
Dans un article publié par Libération, l’avocate Marie Dosé critique le hashtag #BalanceTonPorc comme « un procédé violent et arbitraire qui dessert la lutte contre les harceleurs ». En effet, selon elle « la parole ne se libère pas par la violence et l’arbitraire, ou alors elle se libère mal. Les hommes incriminés et les auteurs d’actes de harcèlement ou d’agressions sexuelles ne doivent pas craindre l’arbitraire d’une délation, mais la stricte application d’une sanction pénale : c’est la parole des femmes en justice qu’ils doivent redouter, non leurs tweets ».
Si le mode opératoire peut être discuté et soulève également certaines problématiques juridiques (diffamation) il traduit incontestablement l’existence d’un ras-le-bol collectif chez les femmes. De plus en plus de voix s’élèvent contre les violences faites aux femmes, parfois de manière violente et « incontrôlée » parfois timidement sur les réseaux sociaux… Mais alors pourquoi la voie judiciaire n’est-elle pas privilégiée ?
Porter plainte pour harcèlement ou violence : parcours de combattantes
Porter plainte s’apparente souvent à un véritable chemin de croix pour les femmes victimes de violence. Souvent confrontées à des refus ou des procès-verbaux ratés, nombreuses d’entre elles sont découragées par ces difficultés procédurales : au total, c’est moins de 15% des femmes qui portent plainte. C’est ce qu’a vécu Charlotte Werkmeister, 17 ans lors des faits et qui témoigne dans un article du Monde :
« Un policier m’a demandé de lui expliquer “vite fait” et m’a dit : “il y a trop de choses à démontrer, ça n’aboutira jamais. Vous êtes sûre de vouloir porter plainte ? ». Une histoire parmi beaucoup d’autres qui poussent toujours un peu plus les femmes à se taire.
Mais ce n’est qu’une partie des difficultés auxquelles les victimes sont confrontées : en effet, c’est parfois la législation elle-même qui dessert la cause des femmes. La loi sur le viol par exemple a été vivement critiquée par certaines militantes et juristes. En effet l’article 222-23 du Code civil n’évoque absolument pas la notion de consentement : il en découle que cette notion est appréciée de manière très restrictive par les juges.
Pour ne pas être consentante, une femme doit avoir dit « non » (elle sera considérée comme consentante uniquement à partir du moment où elle n’a pas dit « non » ou fait savoir son refus), contrairement à d’autres pays ou Etats comme la Californie par exemple, où le législateur a adopté une vision positive du consentement afin de lutter contre les viols sur les campus américains. Cette loi surnommée « Yes means yes » (un oui est un oui) considère une femme consentante à partir du moment où cette dernière a donné son accord explicite, permettant ainsi de protéger les femmes se retrouvant dans des situations délicates (perte de connaissance, alcoolémie etc.)
En France, parmi celles qui auront le courage d’aller jusqu’au procès, la plupart n’obtiendront pas justice (faute de preuves ou des prescription). C’est le système judiciaire entier qu’il faut adapter aux besoins des femmes : aujourd’hui plus de 70% des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite et c’est la justice elle-même qui participe à cette loi du silence.

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