En apparence, rien n’est plus statique que le métier de sculpteur, enfermé dans son atelier, avec ses blocs de terre, de pierre, de plâtre. Pourtant, il est toujours possible de détourner son métier pour l’amener ailleurs, sur des terrains inexplorés. C’est ce que Cécile a fait. Cette sculpteure emmène les portraits de ceux qu’elle représente au-delà d’eux-mêmes.
La sculpture de terrain
Cécile est une sculpteure de terrain. Elle sculpte ceux qu’on ne voit pas. Elle passe trois mois sur un paquebot pour sculpter des marins, sculpte des détenus dans les prisons, des adolescents en soins psychiatriques, des vieilles femmes en maison de retraite, des religieuses dans un couvent.
Elle cherche une vérité au-delà de la représentation qu’on se fait de ces marginaux, et de la représentation qu’ils ont d’eux-mêmes. La sculpture de Cécile peut modifier le rapport d’une personne à elle-même, mais aussi son statut dans le groupe.
Soudain les gens se sentent absolument représentables. Donc présentables. Et en même temps, c’est dangereux du point de vue identitaire. Qu’est-ce que tu vas montrer que je ne veux pas qu’on voit ?

Révéler les possibles
La sculpture de Cécile ne se contente pas montrer ce qui n’est pas là. Elle capte aussi ce qui pourrait être. Dans une sculpture cohabitent ce qu’on montre, ce qu’on ne laisse pas surgir, et la vieille personne qu’on sera. Cécile capte les potentiels en nous. Ces autres formes de nous qu’on laisse au seuil du réel.
La maîtrise et le débordement
Comme tout art, la sculpture implique une maîtrise du geste qui autorise le débordement de l’inspiration, de cette force mystérieuse qui émerge de la rencontre. Il faut attendre que la sculpture parle, et savoir où s’arrêter pour ne pas qu’elle bavarde. Pour qu’elle préserve son mystère, sa part de non-dit. Cécile doit sans cesse négocier l’équilibre entre la maîtrise et l’abandon. Un équilibre que notre société nous autorise rarement à chercher, tant on nous demande sans cesse de tout contrôler et de tout expliquer. On nous dit rarement qu’il est bon de perdre contrôle.
Parfois je ne sais pas ce que je vois. C’est la sculpture qui dit ce que je vois. C’est assez troublant. Tu es présent à ton geste mais tu n’es pas conscient.
Le temps de l’immobilité et du silence
Ce que je vis ici c’est une extrême disponibilité au regard. La personne qui le vit avec moi s’offre un moment incroyable de disponibilité au regard et au silence. Ce qui est rare dans son existence.
Dans la sculpture telle que Cécile la pratique, le moment où le modèle pose n’est pas les coulisses du résultat final. C’est un véritable moment de rencontre.
Venir dans l’atelier de Cécile, c’est s’accorder une parenthèse, un temps de disponibilité au silence et à l’immobilité. Dans un monde où règnent la vitesse et le mouvement, ces moments sont essentiels. Ils nous permettent de retrouver quelque chose qu’on a perdu. D’être attentifs aux mouvements, au corps, au geste, à la matière.
Être à sa place, trouver son geste
La scultpure de Cécile nous invite à méditer sur le geste que nous imprimons à notre vie. C’est peut-être ça, ce qui compte le plus : le geste. Chacun sait s’il veut chercher, archiver ou découvrir, transmettre ou inventer, révéler, soigner. Le métier dans lequel nous commettons ce geste est le fruit des hasards et des circonstances. Alors au lieu de chercher ce qu’on veut faire dans la vie, qu’on se demande Quel est mon geste ?
Si j’ai trouvé le bon geste dans mon travail c’est que j’ai trouvé la bonne posture dans ma vie. C’est que j’ai trouvé la juste place. Et je ne parle pas d’une place sociale. Je parle d’un endroit entre soi et soi.
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