Bilal Berreni, alias Zoo Project, fait partie de ces artistes exceptionnels qui ont repoussé les limites et refusé les cadres préconçus, qui ont vécu pleinement l’art non comme une simple forme, mais comme un message universel. Du carnet de dessin, aux murs de Paris puis aux portraits grandeur nature des martyrs du Printemps arabe aux grands espaces désaffectés de la ville de Détroit où il sera assassiné, l’œuvre de Bilal Berreni n’a pas eu de frontières mais a incarné un projet global : donner sens à notre société.
Alors qu’il n’a que 15 ans, le jeune Bilal Berreni commence à couvrir les murs du XXème arrondissement de Paris de fresques géantes en noir et blanc. Ces innombrables peintures à ciel ouvert interrogent, par la représentation satirique, ou simplement métaphorique, notre rapport à la société, et sont parfois accompagnées de citations indignées, acerbes ou futiles, mais toujours poétiques, qui s’adressent directement à notre cœur.

« Ce n’est pas toujours l’exploitation de l’homme par l’homme. Parfois c’est l’inverse », « J’ai crié des mots. J’ai hurlé sur les toits. Société, tu m’auras pas » ou encore « Pas encore d’ici, plus jamais de là-bas » lit-on – comme des cris du cœur inscrits dans la pierre et qui résonnent en nous comme une sorte d’élégie moderne.

Mais bientôt les murs de Paris ne suffirent plus à porter le poids de son message. Avec 600 euros en poche, il partit en Tunisie. C’était en 2011, les luttes du Printemps arabe battaient leur plein. « Je voulais voir une révolution. L’art n’est pas en dehors de la vie. » Au hasard des rencontres, il commence à dessiner les enfants regrettés, les parents perdus, les martyrs oubliés d’une révolution dont nous ne voyions que l’éclat glorieux.
En effet, revendiquant l’héritage d’artistes telles que Gustave Courbet, qui allait à la rencontre des paysans qu’il peignait, ou Ernest Pignon-Ernest, qui se faisait le porte-parole des luttes sociales de son époque, Bilal Berreni voyait dans l’art le moyen de transmettre un message fort sur les injustices ou simplement les rapports qu’entretiennent les hommes avec la société.
Alors qu’il commence à être connu et qu’on lui propose 30 000 euros pour continuer son travail et le porter à une autre échelle, celui-ci rejoint le campement de Choucha à la frontière libyenne, échappant ainsi à l’institutionnalisation et à la récupération intéressée de son art. Là encore il peindra les oubliés – cette fois sur de grands draps blancs flottant fièrement au cœur du camp – donnant une seconde vie à ces âmes délaissées dans l’indifférence.

Un an après son expérience révolutionnaire, plongé dans le tumulte des hommes, il décide de gagner les confins de la solitude. Pendant deux mois, il vivra seul dans une cabane abandonnée, un poêle à bois, quelques livres et son carnet de dessins pour seuls compagnons au beau milieu de la Laponie.

Après un road-trip en Russie accompagné de son ami Antoine Page, où ils décident de filmer leur exploration active des paysages urbains, un documentaire, narrant ce périple comme on conte une fable, naît. « C’est assez bien d’être fou », titrent-ils. Puis c’est la voie du blues américain qu’ils décident de suivre, qui vaudra à Bilal un séjour en prison à Cleveland, avant qu’il ne retrouve Detroit. Il tombera amoureux des paysages urbains post-apocalyptiques de cette ville où tout doit être réinventé. Un vaste terrain de jeu pour laisser libre cours à ses messages gigantesques.
23 ans.
Juillet 2013.
Bilal retrouvé assassiné.
Rattrapé par cette société qu’il peignait.
Là même où il avait voulu déployer le Zoo Project.
Aujourd’hui, ses amis, ses proches, et tous ceux qu’il a inspirés souhaitent rendre l’hommage vibrant que mérite cet artiste qui a passé sa vie à chanter la liberté. A travers la publication du documentaire « C’est assez bien d’être fou », la distribution gratuite aux médiathèques – et autres lieux permettant l’accessibilité gratuite et à tous – d’un coffret contenant les carnets de croquis ainsi que les romans graphiques de Bilal, et enfin d’une installation à Marseille prévue pour 2018 de l’une de ses œuvres (« Potemkine »), le message de Zoo Project sera diffusé et – on l’espère – aura le retentissement qu’il mérite.

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