Les pluies diluviennes, tempêtes et inondations qui ravagent l’Australie actuellement ne sont pas sans rappeler la catastrophe écologique provoquée par les feux de brousse fin 2019 début 2020. Le pays est en retard dans la lutte contre le dérèglement climatique. Un article de Florian Grenon.
Depuis dix jours, de violentes tempêtes ainsi que des pluies diluviennes s’abattent sur les États australiens du Queensland et de Nouvelle-Galles du Sud, État où se situe la plus grande ville du pays, Sydney. Plus de 1 000 km2 de terres ont déjà été inondés. Les autorités ont annoncé hier la mort d’au moins 20 personnes. Des alertes aux crues ont été émises sur les 2 000 km de côtes de l’État.
Les autorités ont également appelé plus de 60 000 habitants de Sydney à évacuer leur domicile en prévision d’inondations de nombreuses parties de la ville. Au nord de la capitale économique, le barrage de Manly a été submergé et les 2 000 personnes résidant à proximité ont été évacuées.
Selon une déclaration à l’AFP de Phill Campbell, porte-parole des services de secours, ces inondations sont « l’équivalent aquatique des feux de forêts (de 2019) ».
Le dérèglement climatique en cause ?
Pour le moment, aucune expertise scientifique ne permet de conclure avec certitude que ces inondations ont pour principale cause le dérèglement climatique, même si le monde scientifique en est persuadé.
Pour cause, le rapport du GIEC datant du 9 août 2021 fait état d’une augmentation des précipitations dans la zone Pacifique et d’une intensification des inondations liés au dérèglement climatique.
D’après le météorologue Ben Domensino, « les changements climatiques rendent les pluies extrêmes plus fréquentes dans certaines parties du monde. »
Ainsi, il explique que ces violentes précipitations avaient une fréquence de répétition d’une fois tous les milles ans dans un climat passé, et d’une fois tous les cent ans aujourd’hui.
L’indignation après la catastrophe climatique en 2019
Fin 2019 début 2020, lors de la tragique crise écologique des feux de forêt en Australie, Scott Morrison, le premier ministre du pays, avait qualifié « d’irresponsables » et « d’anarchistes » les écologistes qui luttaient contre l’industrie du charbon. Depuis sa nomination en 2017, il défend de manière acharnée les 300 000 emplois du secteur et juge toute volonté de limiter l’importance de celui-ci comme « destructeur d’emplois ».
Selon l’Agence Internationale de l’Energie, le pays était en 2019 le 2e exportateur mondial de charbon avec 393 millions de tonnes, soit 29,1 % des exportations mondiales.
Revenu de manière précipité de vacances à Hawaï, où il était parti en famille alors que son pays brûlait, le premier ministre s’était rendu à Cobargo, en Nouvelle-Galles du Sud. Les images de sa rencontre avec les habitants et les pompiers qui refusaient de lui serrer la main avaient fait le tour du monde.
« Je ne vous serrerais la main que si vous donnez plus de financement à la RFS (Rural Fire Service) […] Tant de gens ici ont perdu leur maison. Nous avons besoin de plus d’aide », avait indiqué Zoey McDermott, résidente de Cobargo, à Scott Morrison.
Ce à quoi le premier ministre avait répondu « je comprends » en la forçant à lui serrer la main avant de repartir en lui tapotant l’épaule. En arrière-plan, d’autres habitants lui avaient crié « vous êtes un idiot » et qu’il « devrait avoir honte de lui-même ».
Selon le World Weather Attribution, collaboration entre les climatologues et scientifiques des plus grandes universités de la planète, le dérèglement climatique a augmenté d’au moins 30 % les risques d’incendies extrêmes en Australie. 2019 a été l’année la plus chaude et la plus sèche en Australie depuis le début du 20ème siècle, soit il y a plus de cent ans.
En moyenne en 2019 la température a été de 1,5 °C supérieure à la moyenne. Pire encore, durant le mois de décembre qui marque le début de l’été australien, le thermomètre indiquait une hausse de 3,21 degrés par rapport à la normale.
« Comparativement au climat de 1900, la probabilité d’un indice climatique propice à des feux aussi élevés qu’en 2019-2020 a été multipliée par plus de quatre. Pour l’évaluation mensuelle de la gravité de ces feux, la probabilité a été multipliée par neuf. Nous pouvons attribuer une partie de cette tendance au changement climatique », indique le rapport de la World Weather Attribution.

L’ingérence politique face au climat
Depuis ces événements de nombreux feux ont ravagé les terres australiennes, en 2021 et en ce début d’année 2022. Aujourd’hui ce sont les inondations qui frappent le pays. Pourtant, la politique de Scott Morrison n’a pas changé.
Symbole de ce conservatisme, un des échecs majeurs de la COP26 fut le refus de l’Australie d’abandonner rapidement le charbon en fermant ses mines et ses centrales fonctionnant avec ce combustible.
Le premier ministre entend continuer à extraire les ressources minières indispensables au développement de son pays et mise sur une possible utilisation du charbon « beaucoup plus respectueuse pour le climat » dans les années à venir.
Le gouvernement Morrison s’est en revanche engagé, durant cette COP, à atteindre le « zéro émission nette » de gaz à effet de serre d’ici 2050. L’Australie a également promis de réduire de 30 à 35% ses émissions d’ici 2030.
Hors, d’après le Climate Council, association spécialiste des questions environnementales en Australie, il faudrait réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici la prochaine décennie pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Pourtant, avec un niveau d’ensoleillement les plus importants au monde et plus de 25 000 kilomètres de côtes, le pays pourrait être un des leaders mondiaux de l’énergie renouvelable.
Scott Morrison entend investir de manière « prudente » dans les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène propre, et continuer à soutenir le secteur des énergies fossiles en n’imposant aucune mesure contraignante comme une taxe carbone.
Les élections législatives et sénatoriales fédérales australiennes qui se tiendront en juin 2022 renouvelleront la totalité de la Chambre des représentants, chambre qui nommera par la suite le premier ministre du pays.
D’après le Centre de recherche sociale et de méthodes de l’ANU (Université Nationale Australienne), seulement 34,5% des Australiens ont confiance dans le gouvernement. Ce taux était tombé à 27,3% après les feux de brousse début 2020.
Crédit photo couv : Volunteers of State Emergency Services (SES) rescue residents after floodwater inundated their houses in western Sydney on March 3, 2022. – SAEED KHAN / AFP