Depuis que l’ECHA (Agence Européenne des Produits Chimiques) a annoncé en mars qu’elle ne classait pas le glyphosate, principe actif du Roundup parmi les agents cancérogènes, l’entrebâillement de la brèche a été exploité par les industriels afin qu’ils puissent relancer la machine pour 10 ans supplémentaires.
Le jeu de la montre gagné par les industriels
C’est le 15 mars 2017 qu’était tombé le verdict : « Le comité d’évaluation des risques (CCR) a conclu que les preuves scientifiques disponibles ne répondaient pas aux critères de classement du glyphosate comme cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ». Après des mois de batailles contre Monsanto et son pesticide toxique, les 60 ONG accompagnant Générations Futures, le porteur de projet contre le glyphosate, ainsi que les victimes directes tombent des nues. Chaque tentacule coupé du monstre semble repousser en double ; l’influence de Monsanto et des lobbies industriels de l’agrochimie ont poussé à la réouverture du dossier concernant le prolongement de l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Le 16 mai, la Commission européenne a relancé la procédure, le texte sera donc soumis au vote des Etats membres.
Moins d’un an après la décision de la Commission de prolonger l’autorisation d’un délai généreux de 18 mois permettant aux agriculteurs et aux industriels d’opérer à une reconversion et d’écouler les stocks restant. Grâce à ce gain de temps, il semblerait que certaines ficelles aient été savamment tirées. Lors de ce comité d’appel présidé par la Commission, les représentants de la France et Malte (qui a interdit dans la foulée l’utilisation du glyphosate sur son territoire) avaient voté contre ce délai alors que l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg et le Portugal s’étaient abstenus. A cette frilosité des Etats s’est ajoutée le non-classement par l’ECHA du glyphosate comme un produit cancérogène.
Prise de position des eurodéputés
Contrairement à l’ECHA, le Centre International de Recherche sur le Cancer de l’OMS a classé, timidement pourtant, le glyphosate comme probablement cancérogène pour l’Homme. Les eurodéputés socialistes français Eric Andrieu et belge Marc Tarabella expliquent ne pas vouloir porter atteinte aux agences européennes telles que l’ECHA mais de souligner « l’exacte vérité dans la conduite des études ». Leur groupe proposera une question orale concernant le glyphosate et les Monsanto papers ainsi qu’une demande de débat à la Commission (12 juin) avant de mener une audition rassemblant les différentes commissions de l’Environnement et de l’Agriculture du Parlement européen. Afin de faire peser leur avis, ce rassemblement est indispensable pour faire barrage en cas de prise de décision de réintroduire l’autorisation par la Commission Européenne :
« Si nous n’obtenons pas une réponse satisfaisante de la Commission européenne, les socialistes et les démocrates, à l’unanimité, se sont accordés pour demander la création d’une commission d’enquête parlementaire ou d’une commission spéciale à ce sujet » explique les euro-députés.
En effet, les voilà forcés de prévoir un plan B pour court-circuiter la décision de leur propre institution. De l’autre côté, les défenseurs de cette nouvelle autorisation se cachent derrière les mêmes arguments « Même si le glyphosate suscite des inquiétudes, il n’y a pas d’alternative économiquement viable et garantissant la protection de la santé humaine à proposer aux agriculteurs. Il est donc urgent de réfléchir à moyen et à long terme à la meilleure solution et ne pas s’en tenir à une simple opposition de principe. L’Union européenne doit débloquer des moyens financiers pour développer la recherche et l’innovation afin de trouver des alternatives » a expliqué l’eurodéputé Angélique Delahaye du Parti populaire européen, membre de la commission de l’Environnement (Démocrates-Chrétiens).
Lorsqu’on regarde le nombre d’alternatives qui ont été enterrées, rejetées, mises de côté pour ne pas faire de l’ombre aux produits de l’agrochimie traditionnelle, l’ironie de la situation est risible. Le glyphosate est le principe actif du Round Up, responsable de la pollution de la terre, de l’eau, de l’affaiblissement des sols, de la destruction de la biodiversité, il rampe jusque dans nos assiettes, provoque ainsi des cancers et tue, à petit ou à grand feu, les agriculteurs français et du monde entier : ce ne sont plus des suppositions, ce sont des faits avérés, testés, étudiés et prouvés !
Un nouvel appel aux citoyens lancé par Générations Futures
La Commission européenne a décidé de se la jouer solo et se dédouane de toute responsabilité vis à vis des industriels, notamment Monsanto, en expliquant que « Chaque Etat membre garde le droit d’autoriser ou non l’utilisation de pesticides à base de glyphosate sur son territoire ». De son côté, l’ONG Générations Futures, trop souvent abusée, s’est indignée de cette nouvelle décision qui « fait fi de l’initiative citoyenne européenne (ICE) qui a déjà recueilli 750.000 signatures en 4 mois demandant l’interdiction du glyphosate (…). La France a recueilli le nombre de signatures nécessaire (55.500) » ; le prochain pallier à atteindre est celui du million de soutien afin que la Commission puisse décider si elle accès ou non à la demande des citoyens européens. Démocratie participative, oui, mais seulement si l’Europe est d’accord… Prochain épisode de la tortueuse affaire du glyphosate le 12 juin prochain lors de la demande de débat à la Commission par le groupe socialiste d’eurodéputés.

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