Alors que la France connaît des températures saisonnières basses en raison d’une dépression, certains pays méditerranéens sont en proie à des flammes meurtrières. Depuis une semaine, la Turquie, la Grèce et l’Albanie connaissent des incendies très violents. En Turquie et en Chypre, les températures ont dépassé les 50 degrés au sol tandis que des centaines de personnes ont dû être évacuées en Grèce.
La Turquie, en proie à des incendies meurtriers
La Turquie connaît les pires incendies depuis une décennie. Dans le pays, plus d’une centaine d’entre eux se sont déclenchés, faisant au moins huit morts et dévastant 95 000 hectares de forêts, terres agricoles, ainsi que des zones habitées sur les côtes méditerranéennes et égéennes.
En comparaison, les incendies n’avaient détruit qu’une moyenne de 13 516 hectares sur la même période au cours des années 2008 à 2020. Le ministère turc de la Défense a publié des images satellite montrant l’étendue des dégâts, avec des zones forestières devenues noires et de la fumée toujours visible.
Face au manque de moyens pour contenir les flammes, les critiques sont montées en puissance contre le président Erdogan, accusé d’avoir négligé l’équipement du pays en avions bombardiers. Pour pallier au problème, l’Union européenne (UE) a envoyé trois canadairs, deux à partir de l’Espagne et un de la Croatie.
Dans le pays, les températures au niveau du sol sont montées jusqu’à plus de 50 °C pour la deuxième fois en un mois, selon l’Agence spatiale européenne (ESA). Les feux ont déjà fait huit morts, et les autorités craignent à présent l’arrivée des flammes près d’une centrale thermique à Milas, dans le Sud du pays. Mardi après-midi, le feu n’était toujours pas contrôlé et a dépassé « un point critique », selon le maire de la commune.
« Si nous ne pouvons arrêter l’incendie par une intervention aérienne (…), il se dirigera vers la centrale thermique. La situation est très sérieuse », s’était-il alarmé dans une vidéo qu’il a partagée sur Twitter.
Sur la côte sud, au moins sept incendies ont toujours cours que les pompiers ne parviennent pas à maîtriser. À l’est, des villages entiers ont été brûlés. A Manavgat, la population est désespérée : c’est ici que huit personnes sont décédées dans les incendies.
« On a sauvé nos vies de peu, on est partis d’un côté, les enfants de l’autre, tout le monde essayait de fuir, c’est terrible. », raconte Melike Uysal, agricultrice.
Leurs animaux sont morts, brûlés vifs. Plusieurs milliers de Turcs ont dû quitter leur maison. Ces derniers jours, des températures supérieures à quarante degrés (dans l’air), dans plusieurs villes de Turquie, ont provoqué une augmentation record de la consommation d’électricité, donnant lieu à des coupures de courant lundi dans les grandes villes comme Ankara et Istanbul.
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Une situation critique dans les pays voisins
Pendant ce temps, une vague de chaleur étouffante en Grèce, la pire du pays depuis plus de 30 ans, soit 1987, a forcé les habitants à fuir les maisons proches d’Athènes. Les températures étaient si élevées que les autorités ont été obligées de fermer l’Acropole dans l’après-midi aux touristes.
Plus de 300 pompiers avec 35 véhicules et 10 avions ont combattu un incendie dans une zone densément végétalisée dans les contreforts de la montagne Parnitha dans la banlieue de Varympompi, à environ 20 kilomètres au nord de la capitale. La Grèce a été confrontée à près de 80 feux mardi, dont 40 encore actifs, selon le ministre adjoint à la Protection civile.
« Nous faisons face à des conditions extrêmes avec des températures autour de 45 °C en Attique », a-t-il déclaré.

En Albanie, un homme de 64 ans a péri dans un feu de forêt dans la région de Gjirokastrale, où des centaines de pompiers et de soldats luttent contre plusieurs dizaines d’incendies. Au total, neuf foyers étaient actifs mardi soir dans le pays.
En Italie, ce sont au moins cinq personnes qui ont été blessées, et 30 autres prises en charge pour une légère inhalation de fumée, après que des incendies de forêt aient dévasté une pinède près d’une plage de Pescara.
L’Italie a enregistré plus de 800 incendies de forêt, selon les autorités, la majorité en Sicile, avec des centaines de touristes et d’habitants évacués de leurs maisons après qu’une série d’incendies de forêt ait éclaté à Palerme et à Catane.

L’œuvre du changement climatique
Ces catastrophes arrivent alors que le GIEC s’apprête à dévoiler entièrement son prochain rapport sur l’état du climat. Cela fait trente ans que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat alerte que les événements extrêmes vont devenir plus intenses, plus longs et plus fréquents en raison du changement climatique, avec des effets perceptibles dans le monde entier à partir de 2010-2020.
« Nous sommes sur les trajectoires prévues. Le changement climatique, c’est maintenant, et pas en 2040 ou 2050. On sait qu’on va battre des records de chaleur de plus en plus facilement, que les pluies diluviennes et les sécheresses vont s’accentuer. Le prochain rapport du Giec consacre d’ailleurs un chapitre aux événements climatiques extrêmes : canicules, vagues de froid, sécheresses, feux, etc. » explique ainsi le climatologue Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS et coauteur du rapport du Giec qui paraîtra le 9 août
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Aujourd’hui, la température moyenne a déjà augmenté de 1,1 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Avec cette température, la probabilité d’affronter chaque été en France une canicule comme celle de juin 2019 avec 46 °C dans le Sud est de 1 sur 50 environ ; à + 1,5 °C, elle est de 1 sur 10 ; et à + 2 °C, à 1 sur 4, précise l’expert.
Preuve supplémentaire que chaque fraction de degré compte pour limiter les réactions en chaîne. Hélas, nous sommes sur une trajectoire de stabilisation d’environ 3 °C, voire 3,5 °C à la fin du siècle, ce qui fait noter aux experts sur le climat que nous sommes désormais entrés dans un « territoire inconnu ».
Si en Juillet 2021, la France est épargnée par les grosses chaleurs estivales et les records de température qui s’enchaînent chaque année, c’est en raison d’une dépression, l’anomalie négative Z500, qui englobe pile la taille de l’Hexagone, montrant sur les cartes météo que la météo actuelle en France n’est pas du tout représentative de celle vécue à l’échelle de l’Europe.

« La France se situe au milieu de la seule anomalie négative notable de température au sud-ouest du continent, quand tout le reste du continent vivait un mois de juillet plus chaud que la normale (+3 à +4°C d’anomalie du sud de la Finlande au nord de l’Ukraine). Avec une configuration météorologique la plus propice à des anomalies froides de température dans l’ensemble des latitudes moyennes de l’Hémisphère Nord, on arrive péniblement à une anomalie de -0,1°C à l’échelle du pays par rapport aux moyennes 1981/2010. Il y a encore 40 ans, avec la même température moyenne, juillet 2021 aurait été dans le premier quartile (top 25%) des mois de juillet les plus chauds depuis 1900. Atteindre le niveau thermique des mois de juillet les plus frais avant 1981 (quand la moyenne de tout le mois de juillet était inférieure à la moyenne du jour le plus frais de juillet 2021) devient virtuellement impossible dans le climat actuel, qui continue de se réchauffer. » décrypte ainsi Gaétan Heymes, ingénieur prévisionniste et nivologue à MétéoFrance
Ces incendies dans le pourtour méditerranéen ont lieu alors que la Belgique et l’Allemagne se remettent à peine d’inondations meurtrières. Une hausse de 1 °C augmentant de 7 % la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère, ce qui entraîne des précipitations diluviennes encore plus intenses.
Les scientifiques appellent donc à une transformation radicale de nos sociétés pour se rapprocher le plus possible d’une neutralité carbone, et limiter les risques désormais titanesques qui se posent aux populations de tous les pays.
Crédit photo couv : LOUISA GOULIAMAKI / AFP