Le 18 mai, la Chine avait annoncé l’extraction réussie d’hydrates de méthane, un gaz naturel au rendement bien supérieur à ceux de toutes les énergies fossiles connues mais aussi potentiellement bien plus destructeur…
Les clathrates, aussi appelées hydrates de méthane ou encore « glace qui brûle », sont des composés d’origine organique présents dans les fonds marins ou enfouis sous le permafrost. Il s’agit de sortes de blocs de glace qui renferment des gaz sous une forme très concentrée, des molécules de méthane emprisonnées dans des glaçons, en quelque sorte. Si les clathrates sont très stables dans des conditions de basses températures et de fortes pressions, le bouleversement de ces conditions déstabilise complètement la structure, et conduit à l’échappement du méthane (qui peut brûler si on l’enflamme, d’où le nom de « glace qui brûle »).
Mais c’est aussi ce qui en fait une source d’énergie très difficile techniquement à extraire. En effet, le méthane étant extrêmement inflammable, son extraction représente des risques évidents pour la sécurité. De plus, l’émission de gaz induite par le forage peut modifier la densité de l’eau environnante et donc potentiellement couler les navires chargés de l’extraction.

Pour autant, rien de tout ça n’a su enrayer la détermination des géants de l’énergie qui, voyant les ressources en hydrocarbures s’épuiser progressivement, cherchent des alternatives. C’est notamment le Japon qui a eu un rôle pionnier dans l’extraction des hydrates de méthane, s’étant lancé dans la ruée vers ce nouveau foyer d’énergie à la suite des fermetures à répétition des centrales nucléaires consécutives à la catastrophe de Fukushima.
Si le Japon avait déjà réalisé quelques explorations concluantes, la Chine a franchi un réel cap en extrayant en moyenne 16 000 mètres cubes de gaz par jour pendant 8 jours consécutifs. D’après le site Les techniques de l’ingénieur :
« L’extraction a eu lieu à 1 266 mètres de profondeur dans un puits sous-marin de 200 mètres en mer de Chine méridionale. […] la technique utilisée a impliqué des machines « pour dépressuriser ou fondre [l’hydrate de méthane] sur le fond de la mer et canaliser le gaz vers la surface. »
Cette exploration réussie doit sans doute réjouir le gouvernement chinois à l’heure où la Chine doit répondre à une demande énergétique énorme pour son développement économique, tout en étant tenue par les accords de Paris. Car l’hydrate de méthane est un foyer d’énergie sans commune mesure : un mètre cube de clathrates pourrait libérer jusqu’à 165m3 de méthane, et on estime que les réserves mondiales sont colossales et pourraient être égales au double des réserves de gaz, de charbon et de pétrole réunies !
Mais qui dit énergie fossile dit évidemment danger pour l’environnement. Or, dans le cas des hydrates de méthane, les conséquences d’une course mondiale à l’extraction de cette nouvelle ressource pourraient être dramatiques.
D’après Jean-Marc Daniel, expert en géosciences à l’institut français de recherche pour l’exploration de la mer (IFREMER), le risque majeur reste lié aux fuites potentielles de méthane dans l’atmosphère. En effet, une partie du méthane récolté fuit dans l’atmosphère lors des processus d’extraction alors même que le méthane est un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2 (en revanche sa durée de vie est d’une dizaine d’années contre près de 125 pour le CO2). Une extraction massive des hydrates de méthane conduirait ainsi aussi tôt à une aggravation du réchauffement climatique.
« Aujourd’hui en décomposant les hydrates de gaz pour récupérer le méthane, nous ne maitrisons pas du tout le comportement du réservoir, le sédiment qui est autour de ces hydrates de gaz. On risque pendant la décomposition de ces hydrates de gaz de générer des fractures dans le sédiment et dégager, dégazer le méthane dans la colonne d’eau et dans l’atmosphère »

D’autres effets négatifs peuvent également être à craindre, notamment la formation de tsunamis géants liés aux glissements de terrain induits par le forage de terrain sous-marins sur le talus continental. De plus, si les techniques de forage des hydrates de méthane venaient à être suffisamment développées pour permettre son exploitation commerciale, cette nouvelle ressource présente en quantité astronomique dans nos sols deviendrait un bien triste concurrent face aux énergies renouvelables.
Même si les experts chinois précisent qu’il faudra attendre 2030 avant de voir cette énergie devenir rentable, et donc être commercialisée, on peut craindre que cette première grande réussite conduise les concurrents (Japon, Canada, Etats-Unis, Corée du Sud) à accélérer la course à l’extraction des hydrates de méthane…
Image à la une : QIANLONG / IMAGINECHINA / AFP