Conformément aux engagements du programme de campagne du président Macron, l’équipe du ministre de la Transition écologique et solidaire, le bien-connu Nicolas Hulot, a dévoilé ces derniers jours un texte prévoyant l’arrêt complet de l’exploitation de gisements hydrocarbures sur le territoire français, à l’horizon 2040. Le texte, ambitieux, est la première mesure concrète et exemplaire du « plan climat » de Hulot.
Fermer les vannes
Simple promesse lors de la présentation du « plan climat » le 6 juillet, l’objectif « d’en finir avec les énergies fossiles et de s’engager dans la neutralité carbone » se concrétise. Soumis à l’avis du Conseil national de la transition écologique (un organisme rassemblant élus, syndicats, parlementaires et ONG, chargé de rendre « des avis structurant pour la politique de la transition écologique ») le 23 août dernier, le texte est désormais à l’état d’avant-projet, avant sa présentation au Conseil des ministres le 6 septembre. Pour rappel, le « plan climat » présenté au début de l’été comporte 23 axes de travail, qui balayent large sur le spectre des enjeux écologiques, de la « neutralité carbone » à la lutte contre les produits favorisant la déforestation, en passant par l’interdiction des voitures émettrices de gaz à effet de serre.
Le texte comporte deux grands objectifs : en premier lieu, interdire totalement la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures « non-conventionnels », soit « les hydrocarbures liquides ou gazeux qui sont piégés dans la roche-mère » (mieux connus sous le nom de gaz et huiles de schiste), ainsi que « les hydrates de méthane enfouis dans les mers ou sous le pergélisol ». Ensuite, en ce qui concerne les hydrocarbures conventionnels (pétrole et gaz naturel), l’interdiction sera progressive : aucun nouveau permis de recherche et d’exploitation ne sera délivré à compter de la promulgation de la loi, mais les projets dont les recherches ont débuté pourront bénéficier d’un allongement en vue de l’exploitation jusqu’en 2040.

Effort progressif
Soucieux de ne pas brusquer le secteur pétrolier, le texte est donc largement tourné vers le futur, afin « d’assurer une sortie progressive de la production d’hydrocarbures sur le territoire français ». La zone d’application du texte, qui rassemble le territoire et les eaux françaises (plus de 11 millions de km² d’espace maritime, majoritairement outre-mer), abrite actuellement 63 gisements en activité. Selon le gouvernement, la plupart de ces concessions toucheront à leur fin lors de l’entrée en vigueur de l’interdiction complète, en 2040.
La situation est plus épineuse pour les projets en cours d’examen. En effet, la loi française stipule que l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures doit se faire avec l’accord de l’Etat, qui délivre en collaboration avec les préfectures locales et les DREAL (Directions Régionales Environnement, Aménagement et Logement) des « droits miniers ». Actuellement, environ une centaine de demandes de titres miniers sont instruites par les autorités compétentes – dont une majorité de permis de recherche. Le projet de loi cité plus haut risque de mettre prématurément fin à ces initiatives, menées principalement par des PME (Vermilion, Lundin, Geopétrol, Petrorep, SPPE).
La logique derrière la loi est simple : « de nouveaux projets engagés aujourd’hui commenceraient leur exploitation dans les années 2020-2030 et produiraient encore dans les années 2050-2060, bien au-delà des périodes auxquelles nos émissions devront avoir été réduites », explique le ministère. Autant, par conséquent, interdire immédiatement les nouvelles explorations, dont l’avenir est très incertain si la France tient ses engagements en matière d’émissions.
Points à préciser
Malgré un avis globalement favorable, le Conseil de la transition écologique a attiré l’attention du ministère sur plusieurs points à ne pas négliger. En tête de ligne figure l’importance de ne pas combler le manque en énergie résultant de l’arrêt des hydrocarbures français par d’autres énergies fossiles importées : « la fin de la production d’hydrocarbures en France doit aller de pair avec la baisse des consommations fossiles prévue par la loi de transition énergétique », et donc s’accompagner d’un recours redoublé aux énergies renouvelables. Le conseil pointe également la question des énergies fossiles non hydrocarbures, comme le charbon, ainsi que le problème de « l’après-mine », c’est-à-dire la fermeture et la sécurité des sites, mais aussi la reconversion des employés.

En effet, si elle est peu visible, l’activité minière en France est continue, avec une superficie d’exploitation de 4000 km², principalement concentrée sur le bassin parisien. De ces gisements sont extraits chaque année 0,8 million de tonnes de pétrole et de 0,16 milliard de m3 de gaz, pour un chiffre d’affaire de plusieurs centaines de millions d’euros. Sur toute la chaîne d’exploitation, le secteur minier français représente plus de 1500 emplois.
Texte symbolique
Face aux 500 millions de tonnes annuelles des Etats-Unis (plus de 600 000 emplois directs et indirects), la France ne pèse pas lourd dans l’empreinte écologique planétaire. Mais le geste est surtout symbolique : « la France témoigne de sa volonté d’être à l’avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique », revendique le ministère. D’autant qu’avec des entreprises parapétrolières de l’envergure de Total, Technip ou encore Engie, la France détient un rôle d’expert en matière d’énergies hydrocarbures (surtout employé à l’étranger, où ces entreprises réalisent 90% de leur chiffre d’affaire).
Espérons que l’alliance de cette expertise et de la détermination de Nicolas Hulot parvienne à convaincre la communauté internationale du fait que, comme l’indiquent les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « 80% des réserves fossiles connues doivent être laissées sous terre si l’humanité veut conserver une chance de respecter l’accord de Paris », c’est-à-dire contenir la hausse de la température moyenne sous la barre de 2°C.

Pour commander notre Manifeste, cliquez sur l’image !