Alors qu’il pullule sur la côte atlantique française, l’augmentation récente de la consommation de poulpes conduit les industries agroalimentaires à se tourner vers l’élevage en captivité. Un non-sens environnemental dénoncé dans un rapport publié par CIWF, qui détaille 8 raisons pour lesquelles il est nécessaire d’y renoncer.
Un appétit dévorant
Depuis longtemps, les poulpes capturés à l’état sauvage sont consommés dans les régions méditerranéennes ou en Amérique latine. Cependant, l’augmentation récente de la demande dans des pays comme les États-Unis ou le Japon a fait évoluer ce marché. Dans ce contexte, les industries agroalimentaires se tournent à présent vers l’élevage en captivité.
Un rapport publié par CIWF détaille 8 raisons de renoncer à cette pratique. Tout d’abord, rappelle l’étude, le corps du poulpe est inadapté à des endroits clos. Celui-ci ne possède ni squelette interne, ni squelette externe, ce qui le rend très fragile.
« Ils se sentent facilement agressés par leurs congénères et peuvent très facilement se blesser sur les parois des cages ou des bassins », observe le rapport.
Ensuite, le poulpe est un animal solitaire. Il n’est tout simplement pas fait pour vivre en captivité avec ses congénères. Les premières expérimentations en matière d’élevage ont notamment donné lieu à des cas de cannibalisme.
Par ailleurs, les poulpes sont connus pour être des animaux d’une intelligence remarquable. Le documentaire La sagesse de la pieuvre, qui a rencontré un large succès à travers le monde, l’a récemment mis en lumière. À ce sujet, Léopoldine Charbonneaux, directrice de CIWF France, rappelle que les connaissances sur leur système nerveux restent très limitées.
« Il est très développé », explique-t-elle, « avec un cerveau central et ensuite plusieurs cerveaux. On ne sait pas comment les abattre sans souffrance. »
L’élevage en captivité des poulpes apparaît donc comme une absurdité au regard de leurs caractéristiques physiques et psychologiques. D’un point de vue environnemental, cette pratique est aussi un problème.
Un non-sens environnemental
Le régime carnivore de la pieuvre rend en effet son élevage nécessairement non durable. L’animal consommant quotidiennement trois fois son poids en nourriture, il nécessite de pêcher des poissons sauvages, ce qui vient aggraver la crise mondiale de la surpêche.
« Environ un tiers des prises mondiales de poissons est transformé en aliments pour d’autres animaux, dont environ la moitié est destinée à l’aquaculture. L’élevage de poulpes à échelle industrielle aggraverait considérablement ce problème » alerte le rapport.
L’industrie s’emploie cependant à développer des aliments de ce type pour les poulpes, comme la farine et l’huile fabriqués à partir de poissons sauvages. Un véritable non-sens, lorsque l’on sait que 90 % des poissons sauvages sont comestibles pour les humains, et qu’ils restent nécessaires à la survie d’espèces menacées comme les pingouins.
Ainsi, ces projets d’élevages de poulpe vont à l’encontre des orientations de l’UE, qui incitent à réduire les aquacultures dépendantes des farines et huiles de poisson. Cette pratique baigne d’ailleurs dans un vide juridique. Aucune loi n’existe pour protéger les poulpes d’élevage, aucun contrôle n’est effectué sur les méthodes d’abattage.
Pour toutes ces raisons, CIWF exhorte les gouvernements de 4 pays à y mettre fin. D’autant plus qu’en réalité, les pieuvres à l’état sauvage pullulent depuis quelque temps dans des eaux comme celles de la façade Atlantique. Du Sud de la Bretagne jusqu’en Charente maritime, les pêcheurs ont remarqué une nette différence par rapport aux années précédentes.
Sur l’île d’Oléron par exemple, 30 tonnes de poulpes ont été débarqués depuis le mois de janvier, soit dix fois plus qu’en 2020. Un phénomène qui s’explique probablement par la surpêche des gros poissons – ce qui débarrasse les poulpes de certains prédateurs – et par le réchauffement climatique, car l’animal préfère les eaux chaudes.
Enfin, la résolution de ce problème devra aussi passer par un changement des pratiques des consommateurs. Le cycle de reproduction du poulpe s’étalant de mars à novembre, il serait plus logique qu’il devienne un plat d’hiver plutôt qu’un met estival.