« Aujourd’hui, il faut dire haut et fort que l’or est sale en Amazonie. Et que si on continue de retirer l’or de cette Terre, c’est leur monde qui va s’effondrer. C’est notre monde qui va s’effondrer ». Ces mots, tirés de la bande-annonce du documentaire Dirty Paradise (2009), réalisé par Daniel Schweizer, font froid dans le dos. Le documentaire retrace le quotidien des Wayana, Indiens de Guyane, dont la seule malédiction est de vivre dans une région riche en or. Les intoxications au mercure se multiplient, sans parler du recul de la biodiversité, de la pollution et de la mise en danger des espèces endémiques.
L’orpaillage illégal, un fléau humain et écologique
Depuis la création du Parc Amazonien en 2008, la situation n’a pas changé concernant l’orpaillage illégal. On relevait à l’époque 99 sites d’exploitation illégale de l’or, soit le même nombre que lors des relevés de mars cette année.
Le désastre le plus important et le plus pernicieux qu’entraîne l’orpaillage en Guyane est la contamination au mercure. Pour chaque kilo d’or extrait, près d’un kilo et demi de mercure est utilisé. Le mercure est utilisé afin d’agglomérer les différentes particules d’or qui se trouvent dans le sable et la terre. Afin de séparer l’or du mercure, les orpailleurs le font ensuite chauffer pour qu’il s’évapore, le plus souvent sans se soucier le moins du monde de savoir où va la quasi totalité de ce mercure dont ils se débarrassent : dans l’air, dans la terre, dans l’eau, dans les poissons qui y vivent, dans les êtres qui s’en nourrissent. Un autre documentaire de Daniel Schweizer, Dirty Gold War (2015), dénonce l’impact de l’orpaillage, qu’il soit légal ou illégal d’ailleurs, sur la santé humaine : les orpailleurs sont exposés quotidiennement aux vapeurs toxiques que dégage le mercure, ce qui entraine un dérèglement du système nerveux et des fausses couches chez les femmes.

Pollution d’une crique par l’orpaillage en Guyane
Le programme RIMNES de l’Agence nationale de recherche, coordonné par Laurence Maurice, de l’Institut de Recherche pour le Développement, s’attache à étudier les effets du mercure sur la santé et la façon dont il contamine les organismes. Selon les études réalisées dans le cadre de ce programme, entre 30 et 60% du mercure présent dans les sédiments provient de l’orpaillage illégal. Il suffit de voir les eaux brunes des rivières qui se jettent dans le fleuve Maroni pour constater l’étendue du problème. Les locaux se nourrissent du poisson qu’ils pêchent dans les cours d’eau contaminés. Une fois que cette base de la chaîne alimentaire est polluée, la contamination peut se répandre.
Selon WWF, 81% des poissons dans et autour du Parc National des Montagnes du Tumucumaque seraient contaminés à des taux très supérieurs aux recommandations de l’OMS sur la question.
Déforestation et perturbation des cours d’eau
Vous visualisez les lances à incendies, les fameuses « lances Monitor » ? Eh bien, imaginez-vous qu’elles sont utilisées pour désagréger la terre afin de pouvoir la tamiser et d’y chercher quelques particules d’or.
La déforestation est aussi l’un des problèmes majeurs causés par l’orpaillage. Une étude de WWF Guyane, réalisée en mars 2010, estime que de 2000 à 2008, la déforestation liée à l’exploitation aurifère en Guyane a été multipliée par 3 et que le linéaire des cours d’eau impactés a été multiplié par 1,6.
Nous parlons ici de déplacements de cours d’eau et de déforestation, donc de la destruction d’écosystèmes entiers, et cela même alors que vient d’être publié un rapport de l’UICN (Comité français de l’union internationale pour la conservation de la nature) établissant la liste rouge des espèces menacées en France, et se consacrant en particulier aux espèces de Guyane. Chasse, défrichement, orpaillage, autant de fléaux qui perturbent l’un des plus riches écosystèmes de la planète.
Les actions menées pour lutter contre l’orpaillage illégal
En janvier 2017, le Sénat a rétabli le droit des policiers à détruire les installations d’orpaillage clandestin en Guyane et à confisquer le matériel.

Une barge d’orpaillage illégal dans le Parc Amazonien
C’est surtout sur la réglementation entourant les parcs nationaux que l’on peut s’appuyer afin de lutter contre ces activités, mais comme on l’a constaté, ce statut de parc national ne semble pas avoir un grand pouvoir de dissuasion. Néanmoins, les activités de surveillance se sont intensifiées ces dernières années avec en 2015 l’organisation de 65 missions fluviales, terrestres ou aériennes, et la présence de plus de 650 hommes sur le terrain. Selon le site du Parc Amazonien de Guyane, 90% des missions de surveillance du site concernent l’orpaillage illégal.
Dans une lettre ouverte aux dirigeants, les Hurleurs de Guyane appellent à une coopération transfrontalière pour mettre fin au commerce du mercure. Ils dénoncent une situation stagnante et l’inefficacité des missions Harpie, qui sont chargées de démanteler les sites d’orpaillage illégal.
Le projet minier de la Montagne d’Or
Cerise sur le gâteau. Le projet minier de la Montagne d’Or, un site situé à proximité d’une réserve biologique, prévoit l’ouverture d’une mine de 2,5 km de long, 500 m de large et 400 m de profondeur. Ce projet résulte de l’attribution en juillet 2016 de deux permis de prospection minière sur le territoire de Saint-Laurent-du-Maroni, par le ministre de l’Economie de l’époque, Emmanuel Macron.
Suite aux protestations de nombreuses associations environnementales, notamment France Nature Environnement, la Commission nationale du débat public a été saisie et a décidé que le projet ferait l’objet d’un débat public en Guyane. La Compagnie minière Montagne d’Or souhaite seulement pour sa part que soit désigné un garant, c’est-à-dire un expert environnemental qui surveillerait le déroulement de la concertation, conformément à la récente réforme du dialogue environnemental.
Non consultation des populations amérindiennes, impacts écologiques et humains sont autant d’écueils soulevés par les associations environnementales. Le débat public fera peut-être pencher la balance du bon côté, mais sa date n’est pas encore fixée.

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