La COP21 prévoyait 27% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Macron voulait « Make our planet great again », il voulait « une Europe à l’avant-garde de la transition écologique ». Mais alors que se sont ouvertes à Bruxelles les discussions sur le sujet des énergies renouvelables, la France semble faire marche arrière, et même freiner franchement le mouvement. C’est ce que prouve un document rendu public par le journal indépendant Mediapart.
Langue de bois et greenwashing politique
« Pour moi il y a trois sujets qui sont transversaux (…) c’est l’égalité hommes-femmes et la diversité, (…) c’est la transition numérique, (…) et c’est la question écologique, pour la même raison. Parce que c’est une question transversale, c’est pas une case qu’on coche dans un coin ou un bloc qui serait dans son couloir de nage, si vous voulez. C’est quelque chose -on l’a bien vu d’ailleurs – qui doit être en chapeau ».
C’est ainsi que s’exprime Emmanuel Macron dans une vidéo publiée sur le site internet de son parti. On pourrait lui faire grâce de ses originales et habituelles métaphores si on ne flairait pas l’embrouille de type loup-qui-entre-dans-la-bergerie-avec-une-peau-de-mouton-mort-sur-le-dos derrière ces beaux discours. Et on pourrait en multiplier les exemples : tweets, déclarations, promesses… On en rirait même si ce n’était pas si triste.
Selon les dernières statistiques du ministère de l’Ecologie, la France est déjà en retard sur ses objectifs. Et c’est un beau coup de frein qu’elle s’apprête à opérer, tout cela dans un grand silence médiatique.
On parle d’un cas malheureusement pas vraiment en voie d’extinction, à la prévalence particulièrement haute ces temps-ci, mode de communication favori de notre Emmanuel national : la langue de bois (de préférence du bois issu de forêts éco-gérées).
Marche arrière à Bruxelles
Quatre points de contrôle étaient prévus entre 2021 et 2030 afin de s’assurer que les États membres suivent bien les recommandations de la COP21 en termes de transition écologique. Dans le document non officiel relayé par Mediapart, la France propose, au lieu de ces quatre checkpoints « une solution alternative, consistant en la définition dans le règlement d’une unique référence en cours de période, applicable à tous les États membres, quelles que soient leurs trajectoires-planchers : un taux d’atteinte minimal de l’objectif national 2030 pourrait être imposé au cours de la période (atteinte de 50% de l’objectif national dans les 6/7 premières années par exemple) ».
Ce qui revient à dire que les États ne s’engageraient qu’à remplir 50% des objectifs d’ici 2027, et puis la moitié restante devrait être atteinte en 3 ans. Une brillante idée, on en conviendra. Cela laisserait à M. Macron, comme le souligne Mediapart, le temps de faire deux mandats et laisser trois ans à son successeur pour accomplir ce pour quoi il aurait eu 10 ans.
Le second point important de ce « non-papier », nom que porte ce type de document dans le jargon juridique, c’est que la France souhaite non pas une gouvernance européenne en matière de rattrapage d’un retard éventuel, mais veut laisser aux instances nationales cette prérogative. En gros, la Commission européenne devrait pouvoir intervenir si la somme des résultats nationaux n’atteint pas 27% au niveau européen. L’Élysée n’en veut pas. Dans la même veine, aucune intention de supporter le projet d’un fonds de solidarité qui permettrait aux pays les plus en difficulté d’atteindre les objectifs fixés. Les pays d’Europe de l’Est comme la Pologne ou la Roumanie sont dans ce cas, forts consommateurs d’énergies fossiles, donc non renouvelables. L’Europe unie, solidaire, l’Europe des peuples, forte et moderne ?
Le 26 septembre, à la Sorbonne, Emmanuel Macron vendait « une Europe à l’avant-garde de la transition écologique ». Autant dire que si retourner sa veste était une discipline olympique, la France aurait son athlète.
Les eurodéputés montent au créneau, Macron joue du pipeau, Nicolas Hulot… Nicolas Hulot
Sur son blog, l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot dénonce ce qu’il considère comme un « sabotage par la France des ambitions climatiques et énergétiques européennes ». Il est cinglant, et il a bien raison :
« Comment expliquer qu’un gouvernement qui se prétend pro-climat se bat plus en catimini à Bruxelles pour ralentir les renouvelables qu’à Paris pour rattraper son retard ? Cette position est irresponsable car elle va avoir aussi pour conséquence dramatique de prolonger le charbon en Europe ».
Un autre eurodéputé écologiste s’insurge, multipliant les tweets, c’est Claude Turmes. Il met en garde contre un échec de l’ensemble de la transition européenne si la France continue à la jouer nationalisme. Car c’est l’envers du décor : devant on a de beaux discours sur l’Europe, et derrière un nationalisme qui sent le pourri.
La vérité c’est qu’Emmanuel Macron se ferait bien tatouer les étoiles européennes sur le front si c’était le prix à payer pour avoir les mains libres.
Selon Mediapart, le cabinet de Nicolas Hulot n’a même pas été informé du revirement de la position française sur ce point. C’est ce que révèle aussi Osons causer dans une vidéo, appelant notamment à la démission du ministre pour montrer sa désapprobation. Peut-être que lutter de l’intérieur serait plus productif, à condition de ne pas servir de label « eco-friendly » à un gouvernement qui ne l’est absolument pas, et qui nous le prouve.

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