Ce matin, une vingtaine d’activistes de Greenpeace France ont occupé l’esplanade du Louvre à Paris pour dénoncer le partenariat entre le musée du Louvre et la multinationale TotalEnergies. Ils ont notamment déployé une banderole géante de 27x6m portant le message «Climat : Total criminel, le Louvre complice». Cette action veut mettre en lumière l’initiative citoyenne européenne lancée par les ONG pour mettre fin aux publicités, partenariats et mécénats pour toutes les entreprises vendant des biens et services fossiles. Voici leur communiqué.
Dénoncer la complicité du Louvre avec TotalEnergies
Plusieurs activistes se trouvent devant la pyramide du Louvre avec des banderoles « Faisons une loi pour un monde sans pétrole » ou encore « Ban fossil fuel propaganda ». Ils ont érigé un faux derrick de 8 mètres de haut crachant une fumée noire non toxique pour symboliser l’implantation de la multinationale pétrolière et gazière au sein du musée.
Plus loin, 10 activistes ont déployé sur le bâtiment du Louvre une bannière : « Climat : Total criminel, le Louvre complice ».
« Nous sommes ici aujourd’hui car les partenariats avec les entreprises responsables du changement climatique, comme Total, ne sont plus acceptables. Les publicités teintées de vert, le sponsoring sportif et le mécénat culturel sont un écran de fumée dressé par les entreprises fossiles. Derrière lui, elles continuent leurs activités destructrices dans le pétrole et développent leurs investissements dans le gaz, dont l’impact climatique est tout aussi catastrophique. Les institutions culturelles telles que le Louvre ont un devoir d’exemplarité vis-à-vis de la société. Comment peuvent-elles rester silencieuses ? », déclare Edina Ifticène, chargée de campagne pétrole à Greenpeace France.
Cet été, Greenpeace France a écrit à la nouvelle présidente-directrice du musée du Louvre, Laurence des Cars, afin de lui rappeler sa responsabilité dans l’acceptabilité sociale de TotalEnergies.
Avec sa campagne « Libérons le Louvre », l’association 350.org s’était déjà mobilisée durant plusieurs années contre le partenariat entre la multinationale et le Louvre. Pour l’ONG, il est temps que le musée sorte de son mutisme et y renonce publiquement.
Et pour cause : le logo de Total est à l’intérieur même du musée. Sur son site internet, le Louvre affiche sans ambiguïté « La Fondation Total, mécène principal de La Petite Galerie du Louvre ».
Derrière cette philanthropie se cache une stratégie de soft power bien ficelée, permettant à TotalEnergies d’asseoir son pouvoir et ses positions stratégiques, mais aussi de signer de nouveaux contrats grâce à la diplomatie internationale que lui offre le musée du Louvre.
Pour comprendre la stratégie d’influence de la multinationale, Greenpeace France a mené l’enquête sur TotalEnergies. La multinationale n’hésite pas à s’associer à de grands événements sportifs comme la Coupe du Monde de Rugby 2023 pour optimiser son capital sympathie, ou bien à s’imposer au cœur de l’Ecole polytechnique pour influencer les élèves.
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En 2020, le groupe a investi plus de 16 millions d’euros dans le domaine de la culture et du patrimoine. TotalEnergies finance ainsi le musée du quai Branly, l’Institut du Monde Arabe, le Centre Pompidou… et ce schéma se répète à l’international avec d’autres instituts culturels, et d’autres majors pétrolières.
Un mouvement européen contre la propagande de l’industrie fossile
En mai 2021, l’Agence Internationale de l’Énergie appelait à renoncer à tout nouveau projet fossile pour répondre à l’urgence climatique. En août, le GIEC lançait une nouvelle alerte rouge. Le mois dernier, une étude parue dans Nature concluait que pour respecter l’accord de Paris, il fallait réduire drastiquement l’extraction d’énergies fossiles.
Pour les ONG, le message est clair, mais les majors pétrolières freinent des quatre fers. C’est pour cette raison que 20 associations et ONG européennes ont lancé, lundi 4 octobre, une initiative citoyenne européenne pour l’interdiction des publicités, partenariats et mécénats pour toutes les entreprises vendant des biens et services fossiles.
Greenpeace France mène la mobilisation tricolore. Cette ICE est également soutenue par les associations Résistance à l’agression publicitaire (R.A.P), les Amis de la Terre France et Communication et Démocratie (CODE).
Selon un nouveau rapport de Greenpeace Pays-Bas rendu public le 4 octobre, près de deux tiers des publicités des principales majors pétrolières sont en réalité du greenwashing. Une façon de se donner une image plus verte, alors que leur activité reste majoritairement liée aux énergies fossiles. Et ça fonctionne : les publicités boostent les ventes, augmentant au passage les émissions de gaz à effet de serre du secteur.
Lundi, des activistes de Greenpeace Pays-Bas bloquaient l’entrée de la raffinerie de Shell à Rotterdam. Aujourd’hui Greenpeace France est au Louvre pour dénoncer sa complicité avec TotalEnergies. Le mouvement ne fait que démarrer.
Car oui, la fin de ces publicités, partenariats et mécénats est possible, l’Union Européenne l’a déjà fait. C’était en 2003, avec l’industrie du tabac. Les associations ont un an pour réunir 1 million de signatures à travers l’Union européenne et ainsi obliger la Commission européenne à se saisir du dossier.
« Notre demande est simple : en faire de même pour l’industrie des énergies fossiles, qui détruit à la fois la santé, la biodiversité et le climat. Les citoyennes et citoyens européens ont le pouvoir de faire face aux mastodontes du pétrole et du gaz », explique Edina Ifticène, chargée de campagne Pétrole pour Greenpeace France.
D’ores et déjà, le vent tourne pour les majors pétrolières : plusieurs institutions culturelles telles que le Royal Shakespeare Theatre et le Tate museum au Royaume-Uni ou le musée Van Gogh aux Pays-Bas ont pris les mesures et engagements nécessaires en cessant leurs partenariats avec des entreprises productrices d’énergies fossiles.
« Le musée du Louvre va-t-il enfin s’emparer de l’enjeu climatique, préoccupation majeure de notre siècle, plutôt que de continuer à cautionner l’industrie fossile ? » interrogent les activistes de Greenpeace
Pour les ONG et associations, l’initiative citoyenne européenne est une occasion unique de réduire l’emprise de l’industrie fossile sur la société : une fois l’objectif du million de signataires atteint, la Commission européenne sera contrainte d’examiner la demande des citoyennes et citoyens européens. Elle a quatre mois pour se prononcer sur le fond et expliquer ce qu’elle compte faire.