15 rochers ont été largués, le 21 mai, par l’équipage de l’Arctic Sunrise, l’un des bateaux de Greenpeace, dans le golfe du Lion au large de l’Occitanie. Pesant entre une et deux tonnes, ces blocs de calcaire doivent rendre impossible le chalutage de fond, une technique de pêche industrielle destructrice.
AMP : une protection symbolique
Pourtant considéré comme un parc naturel marin abritant une “biodiversité remarquable”, dont des “espèces vulnérables comme les gorgones, les cigales de mer, la baleine franche et le thon rouge”, le Golfe du Lion n’est pas épargné par le chalutage de fond pour autant. Par le biais de cette “action coup de poing”, l’ONG entend dénoncer le manque de protection concrète dont souffrent les Aires Marines Protégées (AMP).
« Voilà maintenant plusieurs années que la position de la France, qui refuse de réguler les activités destructrices dans ses aires marines protégées, est dénoncée de manière unanime par les ONG et de nombreux scientifiques », précise François Chartier, chargé de campagne Océans chez Greenpeace France, avant de déplorer le refus du gouvernement « de se conformer aux standards internationaux sur les niveaux de protection dans les AMP ».
Transportés à bord de l’Arctic Sunrise, les rochers ont été disposés de façon à quadriller un périmètre pour y empêcher le chalutage de fond.
Cette initiative s’inscrit dans la continuité d’une campagne de l’ONG, dénonçant “l’illusion de protection” associée au statut d’AMP et à exiger une refonte pour qu’il réponde adéquatement aux impératifs de préservation de la biodiversité. Pour ce faire, la route semble encore longue.
Dans un rapport publié en avril 2025, à l’initiative de Greenpeace et du CNRS, l’ONG indiquait que 33,17% du territoire maritime français bénéficie d’un statut de protection, avant de révéler que seulement « 4 % des espaces maritimes français disposent de régulations vraiment à même de fournir des bénéfices pour les écosystèmes et les usagers ».
Un taux bien en deçà de l’objectif de 10% de zones maritimes strictement protégées réclamé par Greenpeace, et que l’Union européenne souhaite atteindre avec sa stratégie en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030.
Greenpeace a déployé des rochers de calcaire au fond du parc marin du Golfe du Lion, au large de l’Occitanie. Transportés à bord de l’Arctic Sunrise, les rochers, pèsent chacun une à deux tonnes.
La position ambivalente de la France
La France est donc loin de faire preuve d’exemplarité en la matière, malgré une posture diplomatique ambitieuse, en témoigne l’opposition d’Emmanuel Macron à l’extraction minière en eaux profondes ou son implication dans l’élaboration d’un Traité sur la haute mer, que la France a officiellement ratifié le 5 février dernier.
L’opération de Greenpeace dans le Golfe de Lion vise également à dénoncer cette posture ambivalente des autorités françaises, moins de deux semaines avant l’ouverture de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan, qui se tiendra à Nice.
« Ce qu’on attend du gouvernement français, c’est qu’il interdise le chalutage de fond dans toutes les aires marines protégées de France, et qu’il rehausse les mesures de protection dans ces AMP », explique Kim Dallet, porte-parole de Greenpeace, pour La Relève et La Peste.
Cerise sur le gâteau, ces énormes rochers pourront servir d’habitat pour de nombreuses espèces marines une fois au fond de l’eau.
Une mesure qui ne semble pas à l’ordre du jour, en témoigne les déclarations de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui a qualifié l’action de Greenpeace comme “inacceptable”, préférant procéder à une approche “au cas par cas” pour répondre à cette problématique.
L’objectif, à terme, est également de “réserver la bande côtière, ce qu’on appelle les 3000 nautiques [environ 5,5km autour des côtes], à la pêche artisanale”, qui est une des grandes victimes du chalutage de fond.
« C’est important pour nous de valoriser la pêche artisanale qui respecte les écosystèmes et de faire en sorte qu’elle ait une primeur sur cet endroit-là, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui » précise Kim.
À l’aune de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan, l’ONG espère que cette action incitera la France à aligner enfin ses actes sur ses engagements.