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Grandes inquiétudes sur la position d’Edouard Philippe sur le nucléaire

La nomination récente du maire LR du Havre, Edouard Philippe, au poste de premier ministre du gouvernement d’Emmanuel Macron, a suscité de vives réactions de la part des militants écologistes ; celle-ci pose en effet beaucoup de questions sur l’orientation que prendra le gouvernement en matière d’écologie, en particulier sur le dossier du nucléaire. Vives réactions […]

La nomination récente du maire LR du Havre, Edouard Philippe, au poste de premier ministre du gouvernement d’Emmanuel Macron, a suscité de vives réactions de la part des militants écologistes ; celle-ci pose en effet beaucoup de questions sur l’orientation que prendra le gouvernement en matière d’écologie, en particulier sur le dossier du nucléaire.

Vives réactions des écologistes

Le parcours d’Edouard Philippe est plutôt conventionnel : étudiant à Sciences Po puis à l’ENA, il a travaillé comme avocat dans le public (au Conseil d’Etat pendant plus de cinq ans) et dans le privé (dans un cabinet d’avocats américain), avant de se lancer dans la politique au sein de l’équipe municipale du Havre, tout en assistant Alain Juppé au ministère de l’Ecologie. Seul bémol, qu’on lui reproche lourdement aujourd’hui, Edouard Philippe a été de 2007 à 2010 le directeur des relations publiques d’Areva, le géant français de l’énergie, en particulier nucléaire.

Soupçons de conflit d’intérêt

Ces trois années passées au sein du groupe responsable pour l’essentiel de la production d’énergie d’origine nucléaire en France suscitent suspicions et inquiétudes dans la frange anti-nucléaire des militants écologiques. Ainsi, le réseau « Observatoire du nucléaire », dirigé par Stéphane Lhomme, a publié ce lundi un article au ton dur pour dénoncer la nomination.

Si l’article manque énormément de preuves pour étayer son argumentation, il pose en effet des questions préoccupantes sur les liens entre Edouard Philippe et Areva, une entreprise qui travaille étroitement au Niger avec un gouvernement aux méthodes parfois brutales. Rappelons pour commencer qu’Areva produit au Niger, via sa filiale Areva NC, près de 30% de sa production d’uranium. Pourtant, le pays connaît régulièrement des périodes d’instabilité, du fait du mécontentement de la population touarègue (la dernière révolte s’est terminée par des accords de paix en 2009) et de l’implantation d’organisation islamistes, comme AQMI, sur les territoires avoisinants (notamment au Mali).

La situation géopolitique, du fait des altercations entre ces nombreuses forces, est donc très complexe. Pourtant, en dehors de la révolte de 2007-2009, la situation est plutôt bonne : selon Emmanuel Grégoire, adjoint au Maire de Paris et spécialiste du Niger, l’Etat nigérian est fort, soucieux des populations touarègues, et AQMI n’est pas réfugié dans le pays. Pourtant, certaines tensions subsistent entre Areva et la population touarègue : malgré un code minier avantageux, qui stipule que 15% des recettes minières reviennent aux populations locales, le torchon brûle épisodiquement entre les nomades – qui accusent l’entreprise de voler leurs terres et de ne pas assez les compenser – et l’entreprise française, soucieuse de la sécurité de ses sites, déjà menacés par le terrorisme. Ces tensions se sont notamment incarnées par la condamnation en 2009 d’Areva pour « discrimination » envers le peuple touareg : en cause, la déclaration du directeur de la protection du patrimoine et des personnes, Thierry d’Arbonneau, qui avait appelé le gouvernement français à « aider à mater la rébellion touarègue ».

S’ajoute à cela une suspicion (non confirmée) de corruption de la part d’Areva du gouvernement nigérien, pour s’assurer les bonnes grâces de celui-ci pour la protection des sites : c’est justement « l’Observatoire du nucléaire » qui avait pointé en 2012 « l’aide budgétaire » accordée par Areva au président Mahamadou Issoufou, qui aurait servi à acheter un avion présidentiel.

Pour revenir à Edouard Philippe, il existe donc manifestement de forts liens entre Areva, le gouvernement nigérien et la population touareg ; liens qui ne sont pas forcément exemplaires d’un point de vue moral et juridique, et que le nouveau Premier ministre, par son activité de lobby de 2007 à 2010, a probablement contribué à entretenir. Cependant, il n’existe aucune preuve directe de l’implication de M. Philippe dans une affaire de corruption, et il serait extrêmement réducteur de le rendre responsable des troubles géopolitiques de la région, troubles dont l’origine remonte à la colonisation par la France de la région, soit les années 1830.

Deuxième épisode au Havre

Un deuxième point appuie les soupçons de « l’Observatoire du nucléaire » sur l’indépendance d’Edouard Philippe : le travail qu’il a mené auprès des collectivités locales du Havre et de Bercy pour soutenir un projet d’usine à éoliennes dans la région du Havre. Le projet, évidemment, était porté par Areva, via l’entreprise Adwen, dont le groupe était actionnaire majoritaire.

On peut évidemment y voir un favoritisme de la part du nouveau Premier ministre, mais il faut garder à l’esprit deux choses : le projet, après de nombreux retards, va finalement voir le jour et créer 750 emplois dans la région, même si Areva n’en fait plus partie (l’entreprise a vendu sa participation dans Adwen au groupe Siemens entre temps) ; ensuite, ce projet est une avancée majeure pour l’énergie renouvelable, et non pour le nucléaire, preuve qu’Edouard Philippe n’est pas indifférent aux questions écologiques.

Le programme Macron face au défi nucléaire

C’est d’ailleurs l’interrogation principale qui sort de cette nomination, plutôt que les soupçons fragiles de conflit d’intérêt : quelle sera la politique du premier gouvernement d’Emmanuel Macron en matière de nucléaire ? Côté programme, même si la thématique n’occupe qu’une faible place, on trouve la volonté de fermer la centrale de Fessenheim, ainsi que de poursuivre la trajectoire de réduction du nucléaire à 50% de la production électrique pour 2025, comme c’est prévu par la loi.

En théorie, Edouard Philippe a été nommé dans un esprit d’unité, c’est-à-dire pour mener la politique du président, et non une politique d’opposition – malgré son étiquette Les Républicains. Le passé du Premier ministre, s’il peut attiser les soupçons, montre aussi une bonne connaissance des dossiers : plutôt que de jeter des accusations, gardons les yeux ouverts sur ses premières décisions.

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Antoine Puig

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