Avec le changement climatique, les sécheresses sont de plus en plus fréquentes et les cours d’eau se retrouvent vite à sec en été, en particulier en Ardèche. Mais grâce au travail d’architecte des castors et à leurs barrages, l’eau se maintient dans les petits cours d’eau.
Des zones humides créées par les castors
« Les castors sont des rongeurs semi-aquatiques, qui ont besoin de plans d’eau pour vivre, pour pouvoir plonger au moindre danger. L’entrée de leur terrier est généralement immergée », indique Lionel Coste, président de l’association Fiber Nature pour La Relève et La Peste.
Au niveau du Rhône ou de grandes rivières comme l’Ardèche ou le Chassezac, les plans d’eau existent, les castors n’ont pas besoin de construire des barrages.
« La population de castors est très dense en Ardèche et dans la Drôme. Les jeunes castors, lorsqu’ils quittent leur famille à l’âge de deux ans, doivent trouver de nouveaux territoires. Et comme ces grandes rivières sont déjà occupées, ils vont s’installer au niveau des affluents, puis au niveau des affluents des affluents… », explique Lionel Coste.
« Dans le sud de l’Ardèche où je suis, on les trouve en particulier sur des tout petits ruisseaux où, s’il n’y a pas de plans d’eau suffisants, ils vont les agrandir et les rehausser avec des barrages. Ils arrivent à transformer de petits cours d’eau en plans d’eau de 100 m de long, 10 m de large et 1,5 m de profondeur. C’est impressionnant. »
Si l’impact des castors est majeur sur ces petits cours d’eau, on retrouve également des barrages au niveau des cours d’eau plus importants.
« Dès que le niveau de l’eau baisse de façon trop importante en été, les castors se mettent à construire des barrages », note le président de l’association Fiber Nature.
Les castors sont des mammifères semi-aquatiques, plus à l’aise dans l’eau que sur terre. Crédit : Fiber Nature
Et ces barrages présentent des avantages multiples, à commencer par le maintien du niveau de l’eau en plein été des cours d’eau qui seraient à sec à cause de la sécheresse sans l’intervention des castors. Ce maintien de l’eau permet de préserver la biodiversité, la faune en particulier, comme les poissons qui vivent dans ces cours d’eau.
« Nous observons des loutres qui viennent pêcher, des hérons cendrés, et nous avons également observé l’installation du râle d’eau, un oiseau d’eau d’habitude très peu présent dans nos régions, au niveau d’un cours d’eau où se trouvent des barrages », décrit Lionel Coste.
Les barrages permettent également de créer des zones humides, des écosystèmes gorgés d’eau qui, en plus de favoriser la biodiversité et de limiter les inondations, captent le carbone, permettant ainsi de contribuer à lutter contre le changement climatique.
« Je connais un endroit où les barrages des castors ont créé des zones humides, c’est absolument impressionnant, c’est comme une oasis au milieu du désert », s’émerveille le président de l’association.
Les bénéfices des barrages ne s’arrêtent pas là : « ils permettent également de filtrer la pollution, d’alimenter les nappes phréatiques, en favorisant l’infiltration de l’eau, d’abaisser la température des cours d’eau, ce qui est également préférable pour les animaux qui y vivent. »
Les barrages contribuent aussi à limiter la propagation des incendies. « Contrairement aux barrages des êtres humains, les barrages de Castor n’ont que des intérêts », estime Lionel Coste.
Les castors font preuve d’une grande ingéniosité pour construire des barrages. Crédit : Fiber Nature
Un savoir-faire imité
Malgré tous les bénéfices qu’ils apportent, les castors ont bien failli disparaître de France au début du XXe siècle, alors qu’ils étaient chassés pour leur viande, leur fourrure et leur castoréum, substance huileuse produite par leurs glandes et utilisée en parfumerie et en médecine traditionnelle.
« C’est le premier animal français qui a été protégé, en 1909, sur les trois départements où il était présent, c’est-à-dire le Gard, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse. Grâce à cette protection dont il a bénéficié, il a pu recoloniser tout seul le bassin rhodanien », raconte Lionel Coste.
« Ce sont ensuite des captures et des lâchés qui ont permis de le réintroduire au niveau de la Loire notamment. »
Aujourd’hui, on estime qu’il y a 25 000 castors en France. Pour construire les barrages, ils font preuve d’une grande ingéniosité, en prenant en compte les spécificités du site.
« J’étudie depuis plus de 15 ans les barrages des castors, c’est passionnant : ils ont plein de manières de faire », s’enthousiasme Lionel Coste. « C’est l’animal qui fait les plus grandes constructions du règne animal, de très loin. C’est vraiment un hydrogéologue incroyable. »
Les barrages les plus traditionnels sont constituées de branchages positionnés dans le sens du courant en alternance avec des branchages positionnés en perpendiculaire, auxquels ils ajoutent de la boue et des pierres. Certains barrages peuvent également être en pierre.
Les castors ont diverses manières de construire des barrages. Pour celui-ci, les castors ont utilisé beaucoup de pierres. Crédit : Fiber Nature
Leur savoir-faire est tel que nous essayons aujourd’hui de l’imiter, comme c’est le cas par exemple à la ferme du Grand Laval dans la Drôme, pour régénérer les cours d’eau.
« Je trouve que cela est très intéressant, alors que pendant très longtemps, nous avons détruit nos cours d’eau et la biodiversité en endiguant au lieu de laisser les cours d’eau suivre leur cours », commente Lionel Coste, qui participe à des projets de ce type.
« Nos cours d’eau sont des sources de vie. »
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