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La France autorise l’exportation d’un pesticide interdit sur son territoire

Une ONG helvétique dénonce l’exportation par la France d’un pesticide reconnu toxique dans les pays en développement, alors même que le produit est interdit en Europe. Une situation qui met en évidence le rôle pédagogique que doivent adopter les pays développés envers le reste du monde. 142 exportations depuis 2004 Selon les données collectées par […]

Une ONG helvétique dénonce l’exportation par la France d’un pesticide reconnu toxique dans les pays en développement, alors même que le produit est interdit en Europe. Une situation qui met en évidence le rôle pédagogique que doivent adopter les pays développés envers le reste du monde.

142 exportations depuis 2004

Selon les données collectées par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), la France a autorisé en 2017, par l’intermédiaire du ministère de l’Environnement, l’exportation de plusieurs cargaisons d’atrazine vers six pays (Chine, Suisse, Pakistan, Soudan, Ukraine et Azerbaïdjan).

Vous souvenez-vous de l’atrazine ? Ce pesticide produit par le géant chimique suisse Syngenta (près de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaire dans le secteur en 2016) a défrayé la chronique à plusieurs reprises en France et en Europe par sa nocivité reconnue pour l’homme et l’environnement. Si le produit a successivement été interdit d’utilisation en France (2001) puis dans toute l’Europe (2004), il est toujours produit sur le territoire européen (on trouve plusieurs usines Syngenta en France), pour les 60 pays dans lesquels son utilisation est encore légale.

Pourtant, selon l’ONG helvétique Public Eye, dont la mission est la « lutte contre les injustices trouvant leur origine en Suisse », ces exportations représentent, dans le cas ici du Soudan, mais aussi par le passé du Mali, du Burkina Faso ou du Bénin, une violation de la Convention de Bamako, extension pour les pays en développement de la Convention de Bâle.

Des explications s’imposent : la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, entrée en vigueur en 1992 pour ses 166 signataires, vise à empêcher les pays producteurs de déchets dangereux (principalement les pays occidentaux, en premier lieu les Etats-Unis) de s’en débarrasser en les exportant vers d’autres pays, souvent peu équipés pour traiter ces produits. Cette convention a été étendue en 1996 par la Convention de Bamako, qui rassemble de nombreux pays africains, avec pour objectif de protéger ceux-ci de substances qu’ils ne peuvent pas traiter. Détail important, cette protection s’étend également aux « substances  dangereuses  qui  ont  été  frappées  d’interdiction (…) dans le pays de production pour des raisons de protection de la santé humaine et de l’environnement » ; l’atrazine, par exemple.

C’est cette situation qui a conduit Public Eye à dénoncer ces exportations : « la France aurait dû interdire ces exportations », indique Laurent Gaberell, spécialiste du dossier au sein de l’ONG. Une façon de condamner en bloc les pays – outre la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne et la Suisse exportent ce pesticide dangereux – qui ne respectent qu’en partie la Convention de Bâle. Sans oublier les entreprises produisant les substances, qui ont « un devoir de diligence ».

L’atrazine, classé dangereux en Europe

Malgré les efforts des porte-paroles de Syngenta, pour lesquels l’atrazine est « efficace et sûr », les preuves de la toxicité de la substance s’accumulent. Le produit a été déclaré « très toxique pour la vie aquatique avec des effets de longue durée » par l’Agence européenne des produits chimiques, tandis que plusieurs études (de l’Inserm, de l’université de Berkeley) ont mis en évidence son rôle dans la formation de cancers et dans la perturbation du développement sexuel des grenouilles.

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Dangereux pour la santé des hommes et des animaux, l’atrazine est en plus très persistant dans les sols, d’où il contamine les nappes phréatiques. Ainsi, on le trouve encore à un taux toxique dans l’eau du robinet de 420 000 personnes en France, ce qui entraîne de forts coûts de dépollution (entre 260 et 360 millions d’euros), non assumés par Syngenta. Une situation similaire est observée au Etats-Unis, où Syngenta a dû concéder après procès 105 millions de dollars à plusieurs villes en 2010.

Montrer l’exemple

Dans une logique de solidarité internationale, il est du devoir des pays développés d’encourager les pays en développement à ne pas reproduire leurs erreurs. Cela s’applique au domaine de l’énergie comme au domaine des pesticides. Les pays développés doivent se servir de la Convention de Bâle pour empêcher l’utilisation de pesticides dangereux dans des pays pour lesquels la tentation est forte (rendements hauts, prix faibles car personne n’en veut).

Un rapport spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation et sur les déchets toxiques synthétise très bien les nombreuses problématiques dans la relation « Nord-Sud » au sujet des pesticides. Il pointe justement que « environ 25% des pays en développement n’ont pas de législation efficace pour encadrer la distribution  et  l’utilisation  de  ces  produits,  et  80% n’ont  pas  suffisamment  de  ressources pour appliquer les lois existantes sur les pesticides », indiquant en creux la responsabilité des pays exportateurs pour les protéger, qui relève de l’application des droits de l’homme. Il appelle de plus la communauté internationale à mettre en place un « traité global portant sur la réglementation des pesticides très dangereux », chose qui n’existe pas encore.

Enfin, le rapport présente en détail des solutions alternatives en matière d’agriculture, notamment l’agroécologie, qui permettrait « d’obtenir des rendements suffisants pour nourrir l’ensemble de la population mondiale et lui assurer une alimentation adéquate ». Les initiatives alternatives n’ont d’ailleurs pas attendu les recommandations de l’ONU pour essaimer dans les pays en développement. En Afrique, sur les traces de Pierre Rabhi, qui avait formé des dizaines de paysans burkinabés à l’agroécologie dans les années 1980, des acteurs locaux expérimentent des techniques agricoles permettant d’améliorer les rendements, tout en régénérant les sols et en économisant l’eau.

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Antoine Puig

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