Alors que l’Energy Transitions Commission publiait hier un rapport (voir notre article) montrant qu’il était possible d’éviter la catastrophe écologique tout en respectant le progrès économique et social à condition de faire des efforts politiques radicaux, il est alarmant de voir la bien faible prise en considération des enjeux écologiques de la part des deux candidats en liste pour l’élection présidentielle. Entre les « mesurettes » floues d’Emmanuel Macron et le non-sens d’une « écologie patriote » de Marine Le Pen, la transition écologique est bien la grande perdante de ces élections.
Si Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou en faisaient une priorité, il semble à l’inverse que les propositions concernant l’écologie des candidats qui seront présents au second tour ne font que reposer sur de vagues initiatives dont on perçoit mal la portée ou la cohérence. Tandis que Marine Le Pen dit qu’elle ne veut « pas d’éolienne, nulle part » parce qu’elle les trouve « immondes », Emmanuel Macron fanfaronne auprès d’un de ses militants qui craignait une alliance avec Europe Ecologie-Les Verts : « Je me suis arrêté à la ligne sur le nucléaire et ça m’a suffi. Je sais là-dessus à quoi m’en tenir ». Et nous aussi, malheureusement…
Marine Le Pen : « l’écologie patriote »
En 2012, Marine Le Pen doutait encore de notre responsabilité quant au réchauffement climatique, disant ne pas être « sûre que l’activité humaine soit l’origine principale de ce phénomène » lors d’une interview pour terraeco, et se demandait s’il était en notre pouvoir de lutter contre. Bien heureusement, elle a fini par reconnaître notre responsabilité dans la hausse des émissions de CO2. Même si elle souhaite aujourd’hui « développer massivement les filières françaises des énergies renouvelables », cela reste en dépit d’une transition écologique affirmée et nécessaire. En effet, elle refuse de sortir de l’énergie nucléaire et dit, dans ses 144 engagements présidentiels, vouloir « maintenir, moderniser et sécuriser la filière nucléaire française ».

Est-il nécessaire de lui rappeler, si ce n’est l’avantage écologique évident d’une sortie du nucléaire, le coût exorbitant que représenterait le prolongement d’exploitation du parc nucléaire français ? 80% des centrales nucléaires françaises vont en effet atteindre l’âge limite de 40 ans entre 2017 et 2027 et le « grand carénage » proposé par EDF représenterait un coût d’environ 50 milliards d’euros, d’après les dernières approximations. Et tout cela sans compter qu’alors que les énergies renouvelables deviennent de plus en plus compétitives sur le marché, la candidate du Front National entend tout bonnement décréter un moratoire immédiat sur les éoliennes « qui défigurent le paysage » (d’après l’expression de Marion Maréchal Le Pen).
Concernant l’agriculture, Marine Le Pen dit vouloir « appliquer le patriotisme économique aux produits agricoles français pour soutenir immédiatement nos paysans et nos pêcheurs au travers de la commande publique », considérant également que « la véritable écologie consiste à produire au plus près et retraiter sur place ». Très bien. Mais aucune mention d’une agriculture biologique (qu’elle a pu désigner de « dictature »), d’une interdiction des pesticides, d’une réduction de la consommation de viande (sans doute incompatible avec notre « identité nationale »). On l’aura compris, pour Marine Le Pen : produire en France, localement, c’est déjà être écolo. Or si la production locale est louable, elle ne va pas de pair avec une production respectueuse de l’environnement. Un point positif toutefois, elle souhaite interdire les fermes-usines, telles que la « ferme des 1000 vaches ».
Enfin, Marine Le Pen ne semble pas être préoccupée par la pollution de l’air, et, dénonçant les injustices sociales de l’« écologie punitive », elle s’oppose fermement à la taxation du diesel. Or d’après Greenpeace : « Cette opposition stérile entre transition écologique et justice sociale témoigne en réalité d’un manque de volonté politique sur le sujet : en effet, les recettes tirées de la suppression de l’avantage fiscal du diesel pourraient permettre de financer des solutions de mobilité partagée/active et de modes de transports alternatifs dont pourraient notamment bénéficier les ménages les plus modestes. »
Marine Le Pen a (enfin) fini par reconnaître la réalité de la catastrophe environnementale que nous vivons, soit. Mais comment expliquer alors que chacune de ses mesures soit comme un doigt d’honneur à la prise en considération pratique de cette même réalité ? Après tout qu’attendre d’une candidate qui souhaite fermer nos frontières alors que des millions de réfugiés climatiques sont contraints de quitter leur pays… Voilà une brève présentation de ce qu’est l’ « écologie patriotique » de Mme Le Pen.

Emmanuel Macron : des paillettes pour cacher du vide
Dans ses propositions sur l’environnement et la transition écologique, Emmanuel Macron fixe 6 objectifs généraux qui comprennent la « sortie des énergies fossiles », le rejet de l’exploitation du gaz de schiste, la réduction à 50% de nucléaire d’ici 2025, le lancement d’un plan de transformation agricole de 5 milliards d’euros pour financer des « projets de modernisation des exploitations ayant un impact positif sur l’environnement et le bien-être animal » et l’interdiction des cultures d’OGM en plein champ. A priori, il semble bien y avoir une prise en considération des enjeux environnementaux. Et pourtant les propositions du candidat d’En Marche ! restent dans la plate continuité de celles menées par François Hollande (si ce n’est pire) ou bien restent trop floues pour être en mesure d’émettre un avis positif sur celles-ci.
D’abord on relève l’incohérence entre le souhait d’Emmanuel Macron – disant faire du respect des Accords de Paris sa priorité – de n’accorder « aucun nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures » alors même que celui-ci avait signé de nouvelles autorisations d’exploration pétrolière, juste avant la tenue de la COP21. S’il voulait véritablement respecter les Accords de Paris, Greenpeace souligne qu’il « devrait abroger tous les permis exploratoires déjà accordés aux compagnies pétrolières, sur terre comme en mer, en France métropolitaine comme en Outre-Mer. » De la même façon, une de ses mesures phares consiste à vouloir fermer les centrales électriques à charbon en France d’ici 2023, or cette mesure était déjà prévue par la programmation pluriannuelle de l’énergie du 2 novembre 2016. Même chose pour sa réduction de la part du nucléaire dans la production énergétique en France fixée à 50% pour l’horizon 2025 : il ne s’agit que du simple respect de la loi de transition énergétique votée en 2015 ! Plus problématique encore, sa volonté de « doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque » d’ici 2022 est moins ambitieuse que les objectifs posés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (qui ne l’étaient déjà pas beaucoup…)

Globalement, les intentions d’Emmanuel Macron sont à saluer (ne serait-ce que vis-à-vis de celles de sa concurrente) mais il ne s’agit toujours que de mesures en demi-teintes qui sont très loin des efforts qui sont pourtant plus que nécessaires aujourd’hui. Concernant les transports par exemple, il souhaite aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence, renforcer le contrôle des normes antipollution européennes et développer les moyens de déplacement alternatifs à la voiture individuelle. C’est encourageant mais loin de l’urgence à laquelle nous allons devoir faire face (et assez flou pour que nous n’attendions pas trop de lui à ce niveau). Il a également affirmé vouloir lancer un plan de transformation agricole de 5 milliards d’euros dont 200 millions par an seront destinés à rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs.
Or nous ne savons à peu près rien de ce en quoi consiste concrètement ce plan, et si les 200 millions sont la seule part destinée à rémunérer « l’impact positif sur l’environnement et le bien-être animal », on se demande à quoi seront destinés les 4 milliards restants. Enfin, Emmanuel Macron a apporté son soutien au développement des activités aurifères en Guyane, impliquant pourtant « le stockage de centaines de millions de mètres cube de déchets toxiques dans des zones sensibles (on pense notamment au projet Montagne d’Or, niché entre deux réserves biologiques intégrales) » d’après Greenpeace.
Emmanuel Macron a sans doute des intentions qui font preuve d’une prise en considération des enjeux écologiques. Mais les mesures qu’il énonce semblent bien pâles en regard du « futur désirable » de Benoît Hamon ou de la « planification écologique » de Jean-Luc Mélenchon. On redoute que ce flot de propositions assez vagues pour attiser l’espoir des électeurs ne soit qu’une combine pour attirer l’électorat engagé pour la cause environnementale. A peu près de la même façon (pour finir en beauté) qu’il s’est dit « favorable à la réouverture des chasses présidentielles » lors de l’assemblée générale de la Fédération nationale des chasseurs à Paris !

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