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Une fillette de 3 ans proclamée déesse va vivre enfermée dans un palais

Au Népal, une tradition ancestrale veut que la déesse hindoue Durga s’incarne dans le corps de très jeunes filles. Choisie par les prêtres au terme d’un long processus de sélection, la jeune népalaise habitée de l’esprit de la divinité est vénérée par toute la ville, mais elle passe son enfance cloîtrée dans un palais, entourée […]

Au Népal, une tradition ancestrale veut que la déesse hindoue Durga s’incarne dans le corps de très jeunes filles. Choisie par les prêtres au terme d’un long processus de sélection, la jeune népalaise habitée de l’esprit de la divinité est vénérée par toute la ville, mais elle passe son enfance cloîtrée dans un palais, entourée de serviteurs et tenue de cacher ses émotions.

Incarnation divine

« La Kumari voit tout », récite pieusement Ramesh, dont la fille vient d’être choisie comme incarnation de la déesse, à l’âge de 5 ans. Prenant le nom de Kumari, ce qui signifie « vierge », cette petite fille va désormais quitter le foyer familial pour un palais clôt, où elle restera, entourée des soins de serviteurs et passant ses journées dans l’inaction la plus totale, jusqu’à la première effusion de son sang. Au vu de ses conditions de vie, celle-ci sera probablement l’apparition de ses règles, à la puberté.

La tradition ancestrale de la Kumari vient d’être renouvelée à Katmandou avec l’intronisation d’une fillette de trois ans, jeudi dernier. A la fille de Ramesh, qui témoignait il y a quelques années, a succédé la fille de Bijaya. Lui aussi s’est confié aux médias lors de cet évènement national : « Mes sentiments sont partagés » a-t-il déclaré à l’AFP, « ma fille est devenue la nouvelle Kumari et c’est une bonne chose. Mais il y a aussi de la tristesse à savoir qu’elle va être séparée de nous ».

Crédits : Narendra Shrestha

32 critères

Habillée de rouge, lourdement maquillée, la fillette a été portée jusqu’à sa nouvelle demeure – par souci de préserver sa pureté, la tradition lui interdit de toucher le sol – dans une procession à travers Katmandou. Pour accéder à ce statut, une jeune fille doit répondre à 32 critères ancestraux – et parfois absurdes dans leur formulation – comme des pieds, des orteils et des dents bien proportionnés, la présence de 40 dents, une « langue humide », la voix grave « comme celle d’un moineau », les organes sexuels enfoncés dans le bassin, le corps « en forme de feuille de saptacchata », et bien d’autres.

Cette liste de critères a pour but de retrouver le sosie parfait de la déesse, rencontrée selon la légende par le roi Malla de Katmandou il y a plus de 300 ans, à l’occasion d’une partie de dés. Depuis lors, les Kumaris se succèdent, perdant leur statut aux alentours de 11 ans, à l’exception de Dhana Kumari Bajracharya qui, n’ayant jamais eu ses règles, est restée Kumari jusqu’à l’âge de 30 ans avant d’être destituée par le prince régnant en 1984 ; un épisode mal vécue par la déesse vivante, habituée à son statut : « J’étais un peu en colère (…) je me sentais toujours déesse », témoignait-elle en 2015.

Le revers de la médaille

Libérées de tout problème matériel, adulées par un peuple, les Kumaris n’ont pourtant pas forcément un quotidien facile. Difficile pour une petite fille de sacrifier son enfance aux traditions ; pour ces dernières, pas de jeux, pas de rires (on leur demande de tempérer leurs émotions), pas d’amis (seule la famille proche est autorisée dans l’enceinte du palais). « Elle lit parfois des livres de princesses : Cendrillon, Blanche Neige », témoigne la sœur d’une Kumari dans un reportage ; mais l’amusement se limite à ces quelques livres. En contrepartie, la Kumari doit assister à de nombreux rites religieux, parfois peu ragoûtants : en effet, lors de son intronisation, elle doit « prouver sa bravoure en restant de marbre face au sacrifice d’un buffle, et passer une nuit dans une maison avec des animaux morts ».

A l’arrivée de la puberté, les ennuis ne font que commencer. Vite remplacée, la Kumari doit apprendre à vivre en société, sans l’aide de ses serviteurs ; elle doit même s’habituer à porter des chaussures, qui lui sont inconnues. « La transition et le retour à la société vont être compliqués », témoigne le père d’une Kumari, qui a de quoi être inquiet au récit de Kumaris devenues folles à la fin de leur « règne », dormant parfois dans la rue, incapables de s’adapter à une société dans laquelle elles n’ont pas grandi. Pour ne rien arranger, une légende racontant qu’épouser une Kumari apporte la mort dans l’année les empêche de trouver un mari.

Modernisation du rite

Cependant, la mobilisation d’associations depuis la fin du XXème siècle a permis de donner aux Kumaris une éducation durant leur période d’isolement, leur donnant accès à une vie presque normale quand celle-ci est révolue. C’est par exemple le cas de Sumika Boyrachasva, ancienne Kumari de la ville de Patan, qui poursuit actuellement des études de communication. Même si la transition a été un moment « difficile et triste » pour elle et sa famille, elle mène aujourd’hui une vie normale, sans attendre « que les gens la respectent » plus que la normale. 

Crédits photo couverture : PRAKASH MATHEMA / AFP

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Antoine Puig

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