Grèves pour le climat, marches pour le climat… la prédominance de la question (essentielle) du réchauffement climatique occulte souvent un problème dont nous parlons moins, celui de la disparition de la biodiversité. La disparition de bébèttes rampantes ou de plantes dans les profondeurs des mers est certes moins spectaculaire que la fonte d’un glacier ou que nos 22 degrés au mois de février. Et pourtant…
Le monde pourrait se retrouver en situation de pénurie alimentaire
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture vient de publier un rapport montrant le risque de pénurie alimentaire dû à la diminution de la biodiversité. C’est le premier. Il était temps. Insectes, mais aussi micro-organismes que nous ne voyons pas, et qui sont essentiels à la fertilité des sols et des cultures. Qui seront les premières victimes ? Et bien précisément les premiers à participer à l’appauvrissement de la biodiversité : les productions en monoculture.

Alors qu’il existe des milliers de variétés de blés, de tomates, de légumes, de plantes, notre exigence d’avoir en toute saison sa tomate ou son orange sans respecter le cycle des saisons, nous a amené à un appauvrissement drastique de la diversité de ce que nous mangeons, et à produire sur d’immenses surfaces, toujours les mêmes variétés. En France, le Catalogue Officiel destiné aux jardiniers amateurs recense pourtant plus de 300 variétés de fruits et légumes modernes et anciens.
Le rapport de la FAO titre : « La biodiversité, si cruciale pour notre alimentation et notre agriculture, disparaît de jour en jour ».
Ce titre ne parle pas seulement de l’urgence, il parle aussi de notre incapacité à sortir d’une vision utilitariste du vivant. Faut-il donc qu’une espèce nous soit utile pour que nous nous alarmions de sa disparition ? Ce rapport nous rappelle non seulement notre inconscience, mais aussi notre profond humano-centrisme, cette incapacité que nous avons à nous considérer comme faisant partie du vivant. Nous nous alarmons de la disparition d’animaux que nous trouvons beaux ou nobles – lions, pandas – mais pour le reste, il nous faut être convaincus du danger imminent sur nos propres vies pour nous alarmer. La veille de la publication de ce rapport, France Inter consacrait une émission à la disparition des insectes.
- Présentatrice : À quoi ça sert un moustique, un cafard ? Est-ce qu’ils ont tous la même utilité ? Si demain il n’y a plus de moustique, est-ce que c’est grave ?
- Invité 1 : Oui, c’est grave, car il n’y aura plus de poisson, plus d’oiseau…
- Invité 2 : Avant je vous aurais sorti la longue liste des effets bénéfiques dans un écosystèmes des moustiques et des cafards. Mais maintenant j’ai envie de vous répondre : et vous, à quoi servez-vous ?
« la biodiversité qui sous-tend nos systèmes alimentaires est en train de disparaître, menaçant gravement l’avenir de notre alimentation, de nos moyens de subsistance, de notre santé et de notre environnement.”

François Lasserre : “Pour que les humains les autorisent à vivre su terre, on exige des animaux non humains des rôles écologiques que nous-mêmes ne tenons pas”
Les experts de l’ONU ont-ils été conscients de ce positionnement idéologique ? L’essentiel est que la prise de conscience se fasse. Au point où nous en sommes, les moyens ne sont peut-être plus en question. Mais tant que nous n’aurons pas changé nos manières de parler du vivant, nous ne pourrons pas espérer voir poindre un autre humain, qui y retrouverait sa juste place et qui, en respectant la diversité, en vivrait mieux.