La production pétrolière du Venezuela continue de chuter à un rythme effrayant. Alors que le pays possède les plus importantes réserves d’hydrocarbures de la planète, son industrie pétrolière dégringole depuis six ans, plombée par l’inefficacité, la gabegie, la corruption et le manque d’investissements. Face à la probabilité des Etats-Unis de lancer un embargo sur le pays, le Venezuela vient de mettre en place une cryptomonnaie pour retrouver son indépendance économique : le pétro.
La crise du Venezuela : menace pour le marché mondial du pétrole ?
En 2017, la production de pétrole a baissé de 13%, fragilisée par la crise économique du pays, tombant à son plus bas niveau en près de trente ans. Rien qu’au mois de décembre, la production était tombée à environ 1,6-1,7 million de barils par jour (Mb/j). En 2018, Barclays prévoit que la production du Venezuela chutera brusquement de 2,18 Mb/j en 2017 à 1,43 Mb/j, soit une baisse d’environ 700 000 b/j.
Ces baisses importantes seront de plus en plus ressenties dans le monde, étant donné que la demande de pétrole augmente rapidement et que la coalition OPEP/non-OPEP continue de maintenir l’offre à 1,8 Mb/j du marché. Les stocks mondiaux ont tellement baissé que des remous géopolitiques inattendus ont plus d’influence que par le passé.
« Nous continuons à soutenir que, compte tenu du resserrement du marché pétrolier de 2018, toute perturbation potentielle de l’offre géopolitique aurait un impact démesuré par rapport aux dernières années où le marché était inondé de brut », a déclaré Helima Croft, Chef de la stratégie mondiale des matières premières à RBC Marchés des Capitaux. « Le danger évident et actuel à surveiller est le Venezuela, qui a sans doute dépassé le stade du risque étant donné que la production est en chute libre. »

L’Etat vénézuélien peine à faire face à l’hyperinflation – estimée par le FMI à plus de 1 800% en 2018. Le pétrole représentant plus de 90% des exportations du pays, et donc étant la première source de recettes en dollars, son économie est en péril. Les revenus pétroliers sont pourtant essentiels au financement des programmes sociaux et au remboursement des sommes dues aux créanciers étrangers. Le PIB du pays s’est réduit d’un tiers depuis 2014. En cause, la chute des prix du pétrole et l’ingérence du gouvernement actuel qui n’a pas diversifié l’économie lors des années fastes, ni réalisé les investissements nécessaires à une meilleure production pétrolière, qui souffre désormais de coupures d’électricité fréquentes. La situation économique est dramatique pour les Vénézuéliens qui souffrent de pénuries de nourriture et de médicaments.
Les sanctions financières des Etats-Unis : une catastrophe pour le Venezuela
De plus, le Venezuela doit affronter des sanctions financières étasuniennes de plus en plus fortes. Le gouvernement des Etats-Unis interdit déjà à ses citoyens et entreprises d’acheter des obligations du Venezuela et de son groupe pétrolier d’État PDVSA, qui dispose de la plus grande réserve de pétrole au monde.
Lors de sa tournée en Amérique Latine, le secrétaire d’Etat nord-américain Rex Tillerson a même évoqué un éventuel embargo du Gouvernement Trump sur le pétrole vénézuélien, destiné à restreindre l’accès du brut vénézuélien aux raffineries étasuniennes. Le projet n’est pas encore voté et pourrait prendre plusieurs formes : des sanctions financières ciblant les exportations vénézuéliennes en leur interdisant l’accès aux États-Unis, ou l’interdiction des exportations américaines du diluant nécessaire au Venezuela pour se mélanger avec le pétrole lourd. Toutes ces mesures auraient un impact sérieux sur la capacité du Venezuela à produire et exporter du pétrole.

« No Hay Gasolina » (« Il n’y a plus d’essence »)
Tillerson veut réunir le Canada et le Mexique pour mettre en place un « groupe de travail » qui « atténuerait » les pertes subies par les Caraïbes en raison d’un embargo sur le pétrole vénézuélien. Les Etats-Unis justifient leurs actions par la nécessité de détrôner Nicolas Maduro du pouvoir, qu’ils considèrent comme un « dictateur ». Pour le site d’investigation indépendant « Mision Verdad », les Etats-Unis souhaitent surtout couper le Venezuela de la mer des Caraïbes, considérée par les Etats-Unis comme une zone stratégique pour sa sécurité nationale.
Tillerson a affirmé qu’il « a eu une longue discussion avec le premier ministre de la Jamaïque pour promouvoir une plus grande indépendance énergétique des Caraïbes en développant les ressources qu’elles ont et en partageant l’abondance de ce dont jouit l’Amérique du Nord. » Une référence à l’Initiative de Sécurité Energétique des Caraïbes mise en place par les Etats-Unis.
Cette Initiative de Sécurité Energétique est destinée à concevoir des plans de financement pour les sources d’énergies renouvelables comme l’énergie solaire et éolienne soutenus par l’importation de « technologies propres » vers les Caraïbes. Une proposition qui, selon l’ex-vice-président étasunien Joe Biden, servirait à « enlever à la région l’obstacle du coût de l’énergie et de la dépendance envers des fournisseurs uniques » référence directe au Venezuela. Pour Mision Verdad, cette initiative permettrait surtout d’éliminer l’influence de Petrocaribe sur la Région.
Petrocaribe est une alliance entre les pays des Caraïbes et le Venezuela, premier exportateur de brut latino-américain, leur permettant d’acheter le pétrole à ce dernier à des conditions de paiement préférentielles.
« L’intention de boycotter la fourniture de pétrole de Petrocaribe et d’affecter le circuit de raffinage de PDVSA dans les Caraïbes n’est pas nouvelle. Les sanctions prises par Donald Trump contre l’Etat et PDVSA sont destinées à rendre impossible les paiements des pays des Caraïbes et à affecter les entreprises mixtes formées par l’entreprise pétrolière avec ses homologues dans la région. Ce qui a eu pour résultat que la Jamaïque cherche à prendre 49% des actions de PETOJAM, aujourd’hui aux mains de l’entreprise vénézuélienne. » Mision Verdad
Tillerson n’a pas encore précisé comment le Mexique, où la production est encore en baisse, pourrait compenser un déficit d’approvisionnement dans la région par une action contre le Venezuela. En outre, une telle mesure draconienne transformerait probablement l’économie du Venezuela d’une crise à l’effondrement.

Alors que les Etats-Unis attendent beaucoup des prochaines élections présidentielles qui auront lieu le 22 avril au Venezuela, le gouvernement sud-américain vient de lancer officiellement le Pétro, une cryptomonnaie indexée sur le baril du pétrole. Un pétro équivaut donc à 60$. Une tentative pour contourner les sanctions financières américaines ?

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