Face à la crise environnementale et climatique, tout notre système agricole et alimentaire doit évoluer. Conscientes de l’urgence, plus de trente-cinq organisations se sont regroupées pour construire une autre Politique Agricole Commune. Elles souhaitent promouvoir l’agroécologie paysanne et l’accompagner dans son développement.
La Politique Agricole Commune, 50 milliards d’euros sur la table
Le collectif « Pour une autre PAC » est constitué d’organisations paysannes, environnementales, solidaires et soucieuses du bien-être animal, et s’appuie sur l’expertise d’un collège de chercheurs et de scientifiques. Lancée en 2017, cette plateforme a deux grandes missions : du plaidoyer politique pour changer la Politique Agricole Commune, et informer les citoyen-ne-s des enjeux qui y sont liés.
« Forte de son budget annuel de plus de 50 milliards d’euros, la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union européenne (UE) structure le système agro‐alimentaire européen. Aujourd’hui, une majorité de son budget est dépensée au profit de l’agriculture intensive et de pratiques qui nuisent au développement durable des territoires ruraux, à la santé et à l’environnement, privant ainsi les citoyen·ne·s européen·ne·s d’une utilisation judicieuse de l’argent public. À partir de 2021, une nouvelle PAC doit entrer en vigueur. Les négociations pour en définir les contours ont déjà commencé. Ce processus constitue une véritable opportunité pour la rendre plus juste, plus durable et plus cohérente. » Pour une autre PAC
En 2017, la plateforme s’est réunie pour se mettre d’accord sur 12 grandes priorités avec deux scénarios : le premier propose une évolution du modèle actuel, réalisable pour 2021 (entrée en vigueur de la future PAC), et le deuxième scénario est un modèle plus radical pour un changement de l’agriculture en profondeur en 2030. L’agriculture défendue par la plateforme respecte les principes de l’agroécologie : autonomie, résilience, privilégiant les processus naturels, produisant une alimentation saine qui respecte l’environnement et les animaux, le tout en participant à l’économie et au dynamisme des territoires à travers la création d’emploi et de liens entre les acteurs d’un territoire.
« On est déjà en contact avec des eurodéputés avec lesquels on travaille sur les propositions qu’ils vont faire au Parlement Européen. Nous souhaitons que les services rendus à l’environnement soient mieux pris en compte dans la prochaine PAC, sans greenwashing. Actuellement, la PAC est composée de deux grands piliers. Le premier octroie notamment des aides surfaciques aux agriculteurs, ce qui encourage l’agrandissement à outrance des exploitations agricoles, malgré leur impact négatif sur la biodiversité et l’emploi. Le deuxième pilier propose entres autres des Mesures Agro Environnementales et Climatiques destinées à encourager les pratiques agricoles bénéfiques pour l’environnement. Ce deuxième pilier risque d’être diminué, nous militons pour qu’il soit au contraire enrichi et accorde plus de subventions à la transition agroécologiques des terres. » Jacques Morineau, paysan vendéen, porte-parole de la plateforme pour une Autre PAC

La PAC a un impact majeur sur notre alimentation et notre environnement
A l’occasion du Salon de l’Agriculture qui a lieu actuellement à Paris, la plateforme « Pour une autre PAC » lance sa campagne « Tablons sur nos paysan-ne-s » grâce à laquelle elle présente aux citoyen-ne-s le rôle de nos paysan-ne-s, au-delà de la production de nourriture : préservation de nos ressources naturelles, entretien des paysages bocagers, maillage et dynamisme des territoires, captation du carbone, transmission de savoir-faire, sécurité alimentaire, bien-être animal…
« Tout le monde a conscience que le modèle agro-industriel est à bout de souffle. Quand est-ce que les États vont comprendre qu’il ne doit pas y avoir de différence entre agriculture et écologie ? Il y a une urgence climatique et aussi une urgence agricole, c’est un enjeu réel qui reste très peu relayé dans les médias traditionnels. Le Salon de l’Agriculture lance le démarrage de la mobilisation citoyenne autour de ces aspects, nous souhaitons montrer à tous les citoyen-ne-s que la Politique Agricole concerne directement l’alimentation de tou-te-s. » Clotilde Bato, déléguée générale de SOL, trésorière de la plateforme Pour une Autre PAC
Pendant le salon et sur les réseaux sociaux, la campagne « Tablons sur nos paysan-ne-s » diffuse ainsi 10 portraits vidéo de paysan-ne-s pour faire découvrir au grand public la diversité des rôles qu’ils assurent à l’image de Maude, paysanne boulangère ardéchoise, qui agit pour la sécurité alimentaire et la résilience agricole.

En vue des élections européennes prévues au mois de Mai, la campagne va prendre plus en plus d’ampleur avec deux autres étapes. D’abord, elle va organiser des débats citoyens dans toute la France entre la société civile et le monde politique pour qu’ils échangent localement sur les enjeux agricoles et alimentaires. Dès la fin du salon de l’agriculture, un kit d’action et de mobilisation sera diffusé librement pour que chacun puisse organiser un débat à l’échelle de son village/commune/ville. Une grande mobilisation citoyenne sera également lancée au moment des élections européennes.
Grâce au travail initié depuis 2017, la plateforme Pour une autre PAC est devenue un acteur clé et d’échange avec les institutions en France et les ministères de l’agriculture et de la transition écologique et solidaire. Elle est également en train de créer des liens avec les autres plateformes européennes (allemandes, espagnoles, italiennes, polonaises) pour créer une unité à la hauteur de l’enjeu.
« Le blocage aujourd’hui vient principalement de la façon dont est organisé le secteur. Les agriculteurs, même en conventionnels, sont assez mûrs pour changer. Certains seront réticents au début, mais s’il y a une orientation différente, ils suivront. Les agriculteurs se rendent bien compte des limites du système agro-industriel, avec plusieurs réactions : le désarroi, l’abandon, l’évolution de leurs pratiques ou l’hésitation car ils ne savent pas où commencer seuls. On a besoin de toute la société civile pour provoquer un changement radical. » Jacques Morineau, paysan vendéen
Crédit Photo à la une : Amelie-Benoist / BSIP via AFP