« Contenir et refouler plutôt qu’accueillir des humains en exil forcé », les mots du député européen belge Philippe Lamberts à l’encontre du projet d’Emmanuel Macron et de sa loi asile et immigration sont forts. Ils condensent un texte vivement critiqué par de nombreux acteurs de la crise migratoire, associations, bénévoles, ou encore juristes. Axé sur la répression, ce projet n’a pas pour objectif d’augmenter l’humanité des politiques migratoires françaises, loin de là. Décryptage d’une proposition de loi débattue toute la semaine à l’Assemblée Nationale.
Dimanche après-midi, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées devant des lieux de pouvoir symbolique, comme l’Assemblée Nationale ou le Sénat. Les manifestants brandissaient un « code de la honte », des panneaux du code de la route transformés pour l’occasion en panneaux de contestation. Sur l’habituel « vitesse limité à 90 km/h », on y retrouve bien le 90 entouré, sauf qu’en dessous est précisé « Jours en rétention ».
Cela fait référence à une mesure du projet de loi, mesure qui vise à doubler la peine maximale de rétention (de 45 à 90 jours). Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur et en charge de ce texte voulait initialement que la durée soit allongé à 120 jours, une mesure abandonnée en commission.
Cet élargissement a pour objectif de faciliter les expulsions des réfugiés non régularisés. Pour le gouvernement, les 45 jours actuels sont trop courts pour organiser le rapatriement dans le pays d’origine. L’exilé concerné est donc « relaché » du centre de rétention et vit alors illégalement. Au regard du reste de la loi, cette mesure est légèrement paradoxale. C’est une des seules où une durée est augmentée. L’augmentation de la durée est alors une augmentation répressive. Tous les autres temps de procédure de régularisation sont, en revanche, drastiquement réduits. Réduits au point que l’étude juridique de personnes ayant fuient la guerre et la misère se transforment en abattage arbitraire…


Ainsi, dés l’arrivée en France, le temps pour déposer une demande d’asile est passé de 120 à 90 jours, soit une baisse d’un mois, baisse significative pour des personnes qui ont frôlé la mort pour venir et qui ne connaissent que peu voire pas du tout les procédures du pays. Les associations qui aident ces réfugiés dans la constitution de ce dossier seront, encore plus qu’aujourd’hui, débordées. Une fois cette demande préenregistrée, si le dossier passe en « procédure accélérée », un formulaire de demande d’asile doit être déposé en seulement 21 jours. Si ce n’est pas le cas, « le demandeur est automatiquement radié ».
Une méthode radicale qui facilitera les expulsions rapides sans même un examen du dossier… Les demandes d’asile arrivent toutes à l’Office de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA). Du fait de la Loi Collomb, ces demandes devront être examinées en deux mois maximum. Aujourd’hui, la durée moyenne de cet examen est de trois mois et demi. Les accélérations de procédures ne s’arrêtent pas là. Le délai pour faire un recours à un rejet de la demande d’asile passera d’un mois à quinze jours. L’examen de ce recours par la Cour Nationale d’Asile, d’une durée actuelle de 6 mois devra se faire en moins de 2 mois. Pendant ce laps de temps, le demandeur de ce recours pourra même être expulsé dans certains cas…
Cette loi comprend également un volet « intégration », un volet plus humaniste (ce qui explique peut-être le fait qu’il soit si peu important). On peut ainsi noter, comme mesure bénéfique de ce projet de loi, l’augmentation de la durée de la carte de séjour, de un an aujourd’hui, à quatre ans. Mais c’est à peu près tout. L’impossibilité de placer des enfants en centre de rétention, mesure demandée par toute la gauche et même par une partie des députés de la majorité, a été balayée par le gouvernement qui a même menacé ses députés d’exclusion du groupe LRM en cas de fronde sur ce sujet…

Le thème récurrent de la loi est donc l’accélération des procédures dans la recherche d’une productivité croissante (même sur des sujets humanitaires, le gouvernement Macron cherche la productivité…). Cette productivité ne pourra cependant qu’être néfaste pour les principaux concernés. Les demandeurs d’asile se verront donc acculés par le temps pour faire leur dossier. Leur demande ne pourra, faute de temps, être traitée comme elle se doit.
On assistera donc à des prises de décisions arbitraires, sans un examen approfondi des dossiers. Emmanuel Macron et son gouvernement (notamment Gérard Collomb) défendent becs et ongles ce texte. Un texte inhumain qui ne prend donc pas en compte les réels enjeux de la problématique migratoire, enjeux pourtant assez évident quand on vit dans le pays des droits de l’Homme. Des enjeux d’égalité, de liberté, et de fraternité. La loi asile et immigration, elle, n’en intègre aucun.

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