Aujourd’hui, la législation de la majorité des Etats américains ne prévoit aucun âge minimum afin de pouvoir procéder à un mariage. Cette légalisation du mariage infantile qui semble archaïque est aujourd’hui largement utilisée pour passer sous silence des viols infantiles et ainsi éviter les poursuites pénales.

L’histoire de Sherry Johnson, mariée de force par sa mère à 11 ans

En 1972, Sherry Johnson, alors âgée de 11 ans, a été forcée d’épouser son violeur, membre de la communauté religieuse de ses parents. Après de nombreux refus de la part de plusieurs greffiers (nldr: les officiers d’Etat qui procèdent à la cérémonie du mariage aux Etats-Unis) leur « union » avait finalement eu lieu en Floride, où le mariage infantile est toujours légal. Une histoire sordide, mais qui ne fait malheureusement pas figure d’exception aujourd’hui aux Etats-Unis. Cette histoire racontée par le New-York Times cette semaine nous rappelle avec douleur que les droits des femmes ne sont pas acquis et que le chemin vers l’égalité s’annonce encore long.

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ». Simone de Beauvoir.

Aujourd’hui militante pour la mise en place d’un âge légal minimum pour consentir à un mariage (aucune loi ne limite le mariage infantile aujourd’hui dans l’Etat de Floride), Sherry raconte la « vie terrible » qu’elle a menée après qu’elle a été mariée de force à son violeur. Privée d’école et de l’insouciance d’une vie d’enfant, enchaînant les grossesses puis abandonnée par son « mari », Sherry a été privée de nombreux de ses droits fondamentaux. Le droit à une éducation, au respect de son intégrité physique mais aussi de son droit à l’auto-détermination.

Le fléau des mariages infantiles : une violence faite aux femmes et aux jeunes filles

Aujourd’hui le fléau du mariage infantile touche toutes les fillettes et adolescentes à travers le monde, y compris aux Etats-Unis. Dans la plupart des cas, ces mariages impliquent une fille et un homme adulte, souvent beaucoup plus âgé.

Dans certains Etats comme au Texas, le nombre de mineurs ayant procédé à la cérémonie du mariage avoisine les 35 000 cas sur 10 ans. L’association américaine « Unchained At Last » a attiré l’attention des représentants politiques sur ce sujet qui fait aujourd’hui la honte d’un pays comme les Etats-Unis et estime le nombre total de mariage infantile à 250 000 cas sur 10 ans et sur l’ensemble du territoire américain. Encore aujourd’hui, 27 Etats américains ne requièrent pas d’âge minimum pour procéder à un mariage et autorise ainsi le mariage de fillettes âgées d’à peine 10 ans.

Des lois archaïques pour dissimuler un « mal moderne »

La législation américaine sur le mariage apparait aujourd’hui comme le reliquat d’une époque ancienne d’autant qu’elle entre souvent en contradiction avec certaines lois très protectrices sur le viol. En effet, le mariage des fillettes violées est pratiqué dans certaines milieux conservateurs afin d’éviter les poursuites judiciaires et la « honte » que représente le viol d’un enfant pour sa famille. Pour la plupart des jeunes filles mariées avant leur adolescence, le viol fait également partie de leur quotidien après qu’elles ont été mariées.

L’interdiction du viol infantile et de la pédophilie cohabitent donc au sein du même ensemble juridique avec l’autorisation des mariages infantiles, souvent sans aucune limite d’âge. Malgré de nombreuses tentatives afin de modifier la législation en vigueur, les associations de lutte contre les violences faites aux femmes peinent toujours à faire entendre leurs voix contre les relents conservateurs de certains législateurs, qui maintiennent que les mariages infantiles se font grâce au consentement des deux époux. Leur principal argument ? La peur de l’accroissement du nombre d’enfants hors mariage.

Dans le monde, une fillette est mariée avant l’âge de 15 ans toutes les 15 secondes et contrairement aux préjugés aucune zone géographique, ethnie ou religion n’échappe à cette règle. Le mariage infantile apparait aujourd’hui comme un phénomène tristement universel et trouve ses racines dans tous les conservatismes, qu’ils soient religieux ou culturels.

Image à la Une tirée du court métrage « 14 Millions de cris »

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