Vous cherchez un média alternatif ? Un média engagé sur l'écologie et l'environnement ? La Relève et la Peste est un média indépendant, sans actionnaire et sans pub.

En plein stress hydrique, les arbres arrêtent de respirer et transpirer

Avec une chute trop précoce des feuilles, l'arbre est en carence de carbone car il ne peut plus faire de photosynthèse et doit puiser dans ses réserves, « or, ils ont en besoin l’année suivante pour refaire des feuilles ».

Partout en France, on observe un dépérissement précoce des arbres forestiers, et urbains, avec leur jaunissement et une perte de leurs feuilles en plein été. En cause : la sécheresse et les vagues de chaleur, qui ont mis les arbres en situation de stress hydrique. Un phénomène de plus en plus récurrent.

Le stress hydrique, un fléau pour les arbres

C’est un air sinistre d’automne, en plein été. Feuilles jaunes, trottoirs jonchés de feuilles mortes en plein mois d’août, forêts brûlées ou arbres marrons… Les arbres urbains et forestiers français sont rudement éprouvés.

« Ces phénomènes ont déjà été observés en 2003, mais aussi en 2022 en France », rappelle Brigitte Musch, cheffe de département ressources génétiques forestières à l’ONF, pour La Relève et La Peste. « Les années 2023 et 2024 ont été bénies pour les forestiers car il y avait des températures normales. Tout le monde s’est plaint d’un « été froid », mais ce n’était pas le cas ! Hélas on s’habitue à ces vagues de chaleur et ces sécheresses qui vont en s’amplifiant et en s’augmentant »

78% des stations météo françaises ont enregistré des records de températures ces dix dernières années. Or, quand les températures vont au-delà des normes acceptables pour les arbres, avec un seuil assez commun à 40°C, des défoliations (pertes de feuilles) et jaunissements se produisent.

« Comme nous, les arbres ont des systèmes de régulation : ils respirent et ils transpirent par leurs stomates (pores des feuilles). Cela leur permet de faire en sorte que la température à la surface des feuilles soit acceptable », précise Brigitte Musch. « Lorsque chaleur et sécheresse se conjuguent, les arbres, n’ayant plus d’eau à disposition à leur système racinaire, ferment leurs stomates pour éviter de transpirer et respirer »

L’arbre pompe l’eau du sol par ses racines. Cette eau se transforme en vapeur une fois arrivée au feuillage, puis relâchée dans l’atmosphère. La quantité d’eau rejetée par l’arbre à travers le phénomène d’évapotranspiration est très importante : 1 000 litres d’eau par jour pour un chêne, 75 litres d’eau pour un bouleau.

Les arbres perdent leurs feuilles à Paris – Crédit : Nicolas Berrod

Lorsque le réservoir en eau du sol n’est plus rempli qu’à 40 % et moins, les arbres sont en situation de stress hydrique. Les gros et vieux arbres, qui ont besoin de plus d’eau que les jeunes, sont particulièrement touchés. Leurs feuilles flétrissent, roussissent puis tombent pour lui permettre de faire des économies d’eau. C’est ce qu’il se passe actuellement.

« S’ils arrêtent de transpirer, on n’a plus cette humidité atmosphérique qui protège les feuilles des rayonnements du soleil », précise Brigitte. « Certains arbres ont eu leurs feuilles à moitié brûlée : elles sont restées vertes à l’ombre, tandis que la partie en plein soleil était brûlée »

Surtout, leur cycle de végétation est déjà bousculé par le réchauffement climatique : les arbres émettent leurs feuilles plus tôt et sont censés les perdre entre mi-octobre et fin octobre. « Là, la défoliation a commencé mi-août, donc c’est loin d’être négligeable », précise Brigitte Musch.

Ces moyens de défense affaiblissent aussi l’arbre. Avec une chute trop précoce des feuilles, l’arbre est en carence de carbone car il ne peut plus faire de photosynthèse et doit puiser dans ses réserves, « or, ils ont en besoin l’année suivante pour refaire des feuilles ». L’arbre devient moins apte à se défendre contre les insectes et les maladies.

« Quand chaleur et sécheresse se cumulent, des bulles d’air se forment dans les vaisseaux de l’arbre et empêchent la conduction de l’eau, créant une embolie qu’on appelle cavitation. Il peut y avoir un dépérissement des branches, une adaptation avec des feuilles de plus en plus petites », prévient l’experte en génétique des arbres Brigitte Musch.

Des centaines d’arbres ont viré au marron (en particulier les chênes) en août 2025 – Crédit : Catherine Mechkour – di Maria

La capacité d’adaptation des arbres

Un manque de réserves en carbone, un affaiblissement face aux ravageurs et des embolies peuvent entraîner le dépérissement de l’arbre, et à terme sa mort. Certaines espèces sont plus propices à faire des embolies comme les saules, alors que d’autres comme les cyprès, adaptés à des climats chauds, sont plus résistantes.

« Le hêtre est une espèce qui aime avoir la cime dans les nuages. Dans les montagnes, à l’endroit où sont les nuages, on est sûrs de trouver du hêtre. Quand cette sécheresse apparaît, ils se retrouvent dans des positions très inconfortables car ils sont très sensibles au coup de soleil au niveau de l’écorce qui peut se décoller », illustre Brigitte Musch.

Après avoir perdu ses feuilles suite à la sécheresse, sa capacité de guérison va dépendre de plusieurs choses. D’abord, l’automne à venir : « Si on a un automne doux et humide, les hêtres se mettent à re-débourrer, refaire des feuilles et entamer une phase de croissance, avec suffisamment de réserves pour re-synthétiser, mais les gelées précoces peuvent les abattre sans que des bourgeons aient pu se former » prévient Brigitte.

Cette année 2025, on se dirige pour l’instant vers un automne plutôt déficitaire en précipitations et doux à l’échelle du trimestre septembre-octobre-novembre. Le manque d’humidité pourrait aggraver l’état actuel des arbres.

A Eguzon, le paysage est déjà automnal malgré la présence de l’eau

« Les incendies empirent le phénomène car ils laissent des sols nus et compliqués pour la régénération et la plantation des arbres sans le couvert des grands arbres. Le deuxième problème, c’est la perte des graines des arbres qui n’ont pas fini leur cycle de maturation. Cette année les graines sont creuses, » avertit Brigitte Musch.

Les aires de répartition de certaines espèces s’amenuisent ainsi d’année en année, c’est le cas pour le hêtre. A l’inverse, d’autres espèces vont s’étendre car elles étaient limitées par le front hivernal : le chêne pubescent qui est déjà présent en Alsace, le chêne zéen du sud de l’Andalousie, le pin maritime, le chêne vert et le chêne-liège, l’érable de Montpellier.

Le dépérissement des arbres a un impact direct sur nos sociétés : l’évapotranspiration leur permet de stocker du carbone, nous apporter de la fraîcheur et contribue au cycle de la pluie. Certaines forêts sont désormais tellement dégradées qu’elles émettent du carbone au lieu d’en stocker.

 « Le panorama n’est pas très optimiste, mais on a la chance d’avoir énormément de diversité génétique chez les arbres forestiers », pointe l’experte en ressources génétiques forestières.

L’ONF mise sur la régénération naturelle et sur l’adaptation d’une génération à l’autre pour aider les forêts à faire face au stress hydrique.

S’informer avec des médias indépendants et libres est une garantie nécessaire à une société démocratique. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.

Laurie Debove

Faire un don
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

Votre soutien compte plus que tout

Animal, un nouveau livre puissant qui va vous émerveiller 🐺

Notre livre Animal vous invite à vous émerveiller face à la beauté du peuple animal. Des dernières découvertes scientifiques sur le génie animal jusqu’au rôle primordial de chaque espèce qui peuple notre terre, notre livre vous plonge au cœur du monde animal et vous invite à retrouver votre instinct.

Après une année de travail, nous avons réalisé l’un des plus beaux ouvrages tant sur le fond que sur la forme.

Articles sur le même thème

Revenir au thème

Pour vous informer librement, faites partie de nos 80 000 abonnés.
Deux emails par semaine.

Conçu pour vous éveiller et vous donner les clés pour agir au quotidien.

Les informations recueillies sont confidentielles et conservées en toute sécurité. Désabonnez-vous rapidement.

^