La juridiction la plus importante du Tamil Nadu, l’un des 28 Etats de l’Inde, a octroyé le même statut légal à “Mère Nature” qu’à un être humain, ce qui inclut “tous les droits, devoirs et responsabilités qui en découlent”. Cette décision de la Haute Cour de Madras fait suite à des statuts juridiques similaires accordés de par le monde ces dernières années, un signe d’espoir pour les militants et la cause écologique.
Selon le journal d’investigation américain Inside Climate News, l’affaire a commencé par une plainte déposée par A. Periyakaruppan, un membre du gouvernement, qui avait dû abandonner son poste après avoir transféré une parcelle de terrain d’une terre protégée à un particulier. Le fonctionnaire a déclaré avoir agi selon les ordres d’un officier supérieur, que l’acte avait finalement été modifié et que la terre demeurait protégée.
La juge S. Srimathy a réduit sa peine à une suspension de 6 mois pour “acte contre nature”. Cependant, elle s’est également penché sur les droits de la nature en invoquant “Parens patriae”, un principe qui permet à l’État d’agir en tant que gardien pour offrir une protection aux individus ne pouvant pas se défendre d’eux-mêmes.
Elle a dès lors reconnu les droits et les devoirs de Mère Nature et a assigné à l’État, ainsi qu’au pouvoir central, la responsabilité d’adopter les mesures appropriées pour la protéger de toutes les manières possibles.
La juge écrit également : « Le développement durable ne devrait pas être un prétexte pour que l’être humain détruise la nature. S’il achève la biodiversité et nos ressources, alors il ne s’agit pas de développement durable mais de destruction durable. »
Margaretha Wewerinke est professeur de droit international aux Pays-Bas, et a étudié les lois sur l’environnement en Inde. Elle a estimé que la décision est prise à contre-courant de la loi environnementale en Inde, qui tend à se focaliser sur des principes tels que “le pollueur paie“.
Elle commente : « Les lois environnementales fondées sur ces principes permettent toujours beaucoup de dommages environnementaux. Cette décision rompt explicitement avec cette approche. »
Les juridictions instaurées pour protéger la nature continuent de fleurir. En Inde, au moins trois autres Hautes Cours d’États ont rendu des décisions relatives aux droits de la nature : la Haute Cour de l’Uttarakhand a par exemple reconnu en 2017 la personnalité juridique du Gange, de la rivière Yamuna, et de tout l’écosystème himalayen.
Si les deux premiers ont par la suite été annulés par la Cour suprême de l’Inde, d’autres instances juridiques indiennes ont continué à valoriser ces droits, tel que la Haute Cour du Pendjab et de l’Haryana qui ont octroyé en 2020 au lac Sukhna le statut d’entité vivante et sujet de droit.
D’autres lois ont été adoptées récemment afin de donner aux écosystèmes, animaux et autres composantes du monde naturel des droits similaires à ceux des humains. L’Equateur, la Bolivie, le Panama et la Nouvelle-Zélande ont tous décrété des lois en faveur de la nature.
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La Haute Cour de Madras a annoncé dans sa décision que la nature fait partie du droit de l’être humain à la vie, et que l’homme à un devoir environnemental envers les générations futures. La juge Srimathy a déclaré dans son avis :
« Les générations passées nous ont transmis la « Terre Mère » dans toute sa splendeur et nous sommes moralement tenus de transmettre cette même Terre Mère à la génération suivante. »
crédit photo couv : kalai venthan gopal