Paru en octobre 2019, le rapport sur l’environnement en France nous donne un état des lieux sur la situation dans le pays. Une tendance forte en ressort : la menace à laquelle est exposée l’eau. Entre pollution des eaux souterraines et surexploitation des réserves en été, la France doit mener un sérieux travail de vigilance au cours de la prochaine décennie.
Les eaux souterraines sont polluées
Originellement publié tous les quatre ans, le rapport sur l’environnement en France dispose maintenant d’un site Internet qui sera régulièrement mis à jour. Dans la dernière édition parue en octobre 2019, le rapport pointe notamment les effets à long terme de la pollution chimique sur l’eau, qu’il s’agisse d’eaux de surface ou souterraines.
Grâce à une campagne de modernisation des stations d’épuration, une réglementation plus contraignante sur les teneurs en phosphates dans les détergents, et une diminution de l’usage aux engrais phosphorés, les nitrates et les orthophosphates ont diminué de 12 % et 37 % au cours de la période 1998-2017. Cependant, nos eaux de surface contiennent encore de nombreux perturbateurs endocriniens.
« Entre 2014 et 2016, les 168 000 analyses réalisées dans les rivières pour y détecter des perturbateurs endocriniens avérés ou présumés (hors pesticides ou substances pharmaceutiques) indiquent que les substances les plus fréquemment quantifiées sont les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les plastifiants et les tensioactifs. Les plus fortes concentrations ont été observées avec les plastifiants DEHP (phtalate) et BPA (bisphénol A) ainsi qu’avec les tensioactifs 4-NP et 4t-OP. Dans le cas des plastifiants et tensioactifs, les échantillons d’eau les plus concentrés ont été observés sur 4 à 54 % des points de mesure selon les bassins hydrographiques. » énumère ainsi le rapport
Encore plus préoccupant, le littoral subit régulièrement des épisodes de marée verte dus à des apports excessifs de nitrates ou de phosphates par les cours d’eau. De la même façon, les nappes phréatiques sont gravement touchées sur le long terme par la pollution humaine, nécessitant beaucoup plus de temps pour se régénérer, souvent plusieurs dizaines d’années.
Ainsi, depuis 2000, environ 2400 forages destinés à la production d’eau potable ont été abandonnés pour des raisons de pollution excessive par les nitrates ou les pesticides.
« En 2016, en France métropolitaine, 66 % des volumes prélevés pour l’alimentation en eau potable (AEP) proviennent des eaux souterraines. De fait, la préservation de cette ressource constitue un enjeu sanitaire majeur pour la population. Près de la moitié des substances détectées dans les eaux souterraines, dont la rémanence dans l’environnement est très longue, sont aujourd’hui interdites d’usage. » précise le rapport.

L’eau déjà limitée dans certaines régions
Pour la première fois depuis sa création, le rapport introduit le concept scientifique des neuf limites planétaires. Au niveau mondial, nous avons déjà dépassé quatre limites planétaires sur neuf : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, le changement d’usage des sols et les flux de phosphore et d’azote. En France, nous en avons dépassé six, soit deux supplémentaires qui concernent toutes les deux l’eau : l’acidification des océans et l’utilisation de l’eau.

En France, l’agriculture est la première activité consommatrice d’eau (environ 45 % du total), devant le refroidissement des centrales électriques (30 %), l’eau potable (20 %) et les usages industriels (5 %). Cette répartition est très variable selon les bassins (voir graphique) : l’agriculture est prépondérante dans les bassins Adour-Garonne (78 % de la consommation d’eau) et Loire-Bretagne (55 %) ; l’eau potable l’est en Artois-Picardie (62 %) et en Seine-Normandie (56 %), et la production d’électricité domine en Rhin-Meuse (58 %) et en Rhône-Méditerranée (46 %).
Seulement, les volumes prélevés en été, notamment pour le refroidissement des centrales nucléaires ou pour l’agriculture, dépassent localement les volumes d’eau renouvelables disponibles.
Quasiment tous les ans, ces volumes dépassent la proportion limite de 25 % du volume d’eau renouvelable disponible dans 6 des 33 sous-bassins : Moselle (proportion de 54 %) et Isère-Drôme (31 %) pour lesquels l’utilisation pour le refroidissement des centrales domine, Seine Amont (37 %) où l’eau potable et le refroidissement totalisent les trois-quarts de l’eau prélevée, Côtiers Aquitains (54 %), Mayenne-Sarthe-Loir (35 %) et Charente (28 %) où l’usage agricole est prédominant.
Ce rapport confirme ainsi une tendance majeure qui se joue en France : la crise climatique est déjà un assèchement climatique. Les communes doivent donc tout mettre en œuvre pour mieux connaître les risques encourus et s’y préparer.