Si l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) fait état d’un bilan plutôt encourageant dans la gestion de la pêche, des éléments méritent encore toute notre vigilance.
Etat des populations de poissons
En 2019, la moitié des volumes de poissons pêchés en France provenaient de populations exploitées durablement. C’est un impressionnant progrès, considérant qu’il y a 20 ans c’était à peine 15%. Cependant, encore un tiers des populations est touché par la surpêche, et lorsqu’on regarde de près les zones géographiques, la bonne santé des eaux est inégale.
Ainsi en Méditerranée, aucune population n’est estimée en bon état par les chercheurs.
Parmi les espèces qui se portent bien : le merlu en zone Atlantique, les anchois ou les coquilles saint-Jacques du golfe de Gascogne. Parmi les espèces surpêchées : le maquereau d’Atlantique, la sardine, la sole et le bar du golfe de Gascogne. Parmi les espèces dégradées : le merlan en Manche et Mer du Nord, et le chinchard en Atlantique. Et enfin les populations effondrées : le cabillaud en mer celtique et mer du Nord, et le merlan en mer celtique.
Alors que les populations de cabillauds s’effondrent, il reste l’un des poissons les plus consommés par les Français, mais viennent principalement de Russie ou de Norvège. Comme dans toutes les filières de l’agriculture, il n’est pas facile de valoriser la production nationale.
La pêche face aux dérives de la mondialisation
En 2017, le ministère de la Transition écologique et solidaire créait le label Pêche durable, premier label public pour les produits de pêche maritime. Ce label assure un impact minimal sur l’écosystème, une utilisation limitée d’énergies fossiles, un tri des déchets, des bonnes conditions de travail pour l’équipage, et des produits frais.
Avec les 3500 km de côtes donnant sur cinq façades maritimes de la métropole, et les 11 millions de kilomètres carrés de Zone Economique Exclusive grâce aux territoires d’Outre-Mer, la France est la deuxième puissance maritime mondiale. De quoi faire de la pêche un enjeu majeur, pourtant sous-médiatisé par rapport aux enjeux autour de la viande.
Le Brexit va peut-être remettre la question de la pêche, souvent peu médiatisée, à la table du débat public. Ce sera la question la plus épineuse des négociations entre l’UE et la Grande-Bretagne. En attendant, les navires de pêche français ne pourront pêcher sur l’île de Guernesey que sur autorisation individuelle. Pour l’instant cet interdit demeure confiné à la petite île mais les pêcheurs craignent qu’elle ne s’étende.
Alors que la France possède le deuxième territoire de pêche exclusive au monde, 30% de sa pêche se fait dans les eaux britanniques qui restent parmi les plus riches d’Europe. L’exclusion d’autres pêcheurs des eaux britanniques entraineraient ceux-ci à venir accoster sur les côtes françaises, créant ainsi une forte concurrence.
Côté Grande-Bretagne, les pêcheurs britanniques espèrent retrouver de quoi vivre, car les bateaux européens jusqu’ici capturaient six fois plus de poissons qu’eux dans les eaux britanniques. 90% de la pêche anglaise est concentrée sur les crevettes destinées à l’exportation, en particulier vers la France, l’Espagne et l’Italie, trois pays côtiers précisément. Du coup, les Britanniques importent la plupart du poisson qu’ils consomment… cherchez l’erreur.
Des situations aberrantes, fruit de la mondialisation soumise à la seule loi de la concurrence, où les pays producteurs exportent massivement, importent massivement, et se retrouvent dépendants des autres et en situation de surpêche pour satisfaire une demande ciblée. Au lieu d’apprendre à consommer le poisson de chez nous, selon les arrivages et les saisons.
Le chemin est encore long, et il implique tous les acteurs, depuis les États qui signent les traités commerciaux jusqu’aux consommateurs qui seuls exercent la pression commerciale