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En France, 1% des élevages détiennent 50% des animaux : un désastre écologique

Pourquoi avoir mené cette enquête aujourd’hui ? Pour mettre fin, répond L214, à l’image d’Épinal d’une France rurale encore dominée par de petites exploitations familiales.

En dévoilant des images inédites d’élevages industriels, L214 rappelle qu’en France 1 % des exploitations concentrent la moitié du cheptel national. L’association entend briser le mythe de la petite ferme familiale et appelle à un moratoire.

172 millions d’animaux dans 1% des élevages

Entre juillet et août, les drones de l’association de défense des animaux L214 ont survolé une cinquantaine de sites d’élevage intensif partout en France. Les images recueillies dévoilent des bâtiments tentaculaires abritant des concentrations animales hors normes.

L’enquête montre notamment la plus grande exploitation porcine du pays, située dans le Finistère, où plus de 20 000 cochons sont enfermés simultanément. Ainsi que le plus important élevage de poulets de chair en Mayenne, qui envoie chaque année deux millions de volailles à l’abattoir. À elle seule, la région Pays de la Loire totalise plus de 78 millions d’animaux dans ses élevages.

Pourquoi avoir mené cette enquête aujourd’hui ? Pour mettre fin, répond L214, à l’image d’Épinal d’une France rurale encore dominée par de petites exploitations familiales.

“Pour nous, c’était important de démentir les déclarations récentes, comme celles d’Arnaud Rousseau affirmant qu’il n’y a pas d’élevage intensif en France [“Ne laissons pas penser qu’on a un élevage intensif en France, ce n’est pas vrai”, a déclaré le patron de la FNSEA sur BFMTV le 22 juillet dernier, ndlr]”, explique Sébastien Arsac, cofondateur et directeur des enquêtes à La Relève et la Peste.

“80 % des animaux n’ont pas accès à l’extérieur. Les filières jouent sur la confusion entre élevage familial, industriel et intensif. Le fait qu’un élevage soit détenu par une famille ne dit rien du mode d’élevage. Arnaud Rousseau parle facilement des bovins laitiers, le secteur le moins intensif. C’est la vache qui cache la forêt…”, ironise-t-il.

Les chiffres régionaux confirment la concentration extrême du cheptel. Dans le Grand Est, 1 % des exploitations rassemblent à elles seules 65 % des animaux. En Île-de-France, six élevages concentrent plus de 60 % du cheptel régional.

À l’échelle du pays, près de 172 millions d’animaux – sur un total d’environ 330 millions – sont détenus par seulement 1 % des exploitations françaises. Les conditions d’élevage y apparaissent souvent désastreuses.

“Les images révèlent des animaux frappés dans un élevage du Grand Est, plus de 2 000 bovins enfermés dans leur fumier en Nouvelle-Aquitaine ou encore trois millions de bars et de dorades entassés chaque année dans un élevage de poissons en Provence-Alpes-Côte d’Azur”, détaille l’association.

Le nombre d’animaux abattus chaque année ne diminue pas”

Et tous ces animaux ne finissent même pas dans l’assiette du consommateur. “Dans un élevage standard de 20 000 poulets, il y a 3 % de mortalité ; dans les élevages de lapins, c’est 25 %. Des millions d’animaux meurent avant même d’être transportés à l’abattoir”, souligne Sébastien Arsac.

L214 revendique pourtant plusieurs avancées obtenues ces dernières années. Le groupe LDC – leader du secteur, propriétaire de Le Gaulois et Maître CoQ – s’est ainsi engagé à appliquer d’ici 2028 les critères du European Chicken Commitment (ECC), renonçant à plusieurs pratiques emblématiques de l’élevage intensif, après trois ans de campagne menée par l’association.

Mais L214 appelle désormais les députés à franchir un cap en soutenant un moratoire sur les élevages intensifs, via la signature de la charte du “Sauvetage du siècle”.

“Le nombre d’animaux abattus chaque année en France ne diminue pas. Pour nous, c’est un échec”, constate Sébastien Arsac. En 2024, la consommation de viande a d’ailleurs progressé de 2,4 % selon FranceAgriMer.

“Les choix des politiques jouent un rôle déterminant pour réduire le nombre d’animaux tués. L’alimentation est l’un des plus grands leviers du réchauffement climatique”, poursuit-il.

D’où l’appel à bloquer l’extension du modèle actuel. “Nous demandons un moratoire sur les élevages dont les animaux n’ont pas accès au plein air, et l’interdiction des extensions ou créations de nouveaux sites intensifs. Aujourd’hui, beaucoup d’élevages continuent d’être construits alors qu’ils vont à l’encontre de l’intérêt général. La loi Duplomb vient même relever les seuils d’installation des élevages intensifs”.

L’article 3 de la loi Duplomb relève sensiblement les seuils à partir desquels une exploitation doit être soumise au régime strict des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Pour les volailles, le seuil d’autorisation environnementale obligatoire passe ainsi de 40 000 à 85 000 animaux. 

“Presque deux personnes au suicide chaque jour”

Pour L214, la sortie progressive de l’élevage intensif serait bénéfique pour l’ensemble des acteurs. Y compris pour les éleveurs eux-mêmes.

“Quand vous fermez un élevage intensif, vous permettez à plusieurs élevages plein air d’ouvrir”, observe Sébastien Arsac. “On l’a vu avec les poules pondeuses en cage : une personne peut s’occuper de 60 000 poules en bâtiment fermé, alors qu’en plein air, on parle de 5 000 à 6 000 animaux. Fermer un élevage intensif, c’est offrir la possibilité à une dizaine d’élevages d’ouvrir à côté”.

L’association souligne aussi l’extrême fragilité économique des systèmes industriels, fondés sur des investissements lourds qui entraînent les éleveurs dans une spirale d’endettement.

“L’élevage est un modèle qui envoie presque deux personnes au suicide chaque jour”, rappelle Sébastien Arsac. “Pour un élevage intensif, on s’endette de 200 000 à 400 000 euros pour construire un bâtiment. Nous avons suivi un éleveur de poulets dans le Nord. Il gagnait 800 euros par mois et, pour augmenter ses revenus, la banque lui a conseillé d’ouvrir deux bâtiments supplémentaires. L’emprunt est monté à 1,2 million d’euros, accepté sans difficulté. Quelle profession permet un montage financier aussi délirant ?”.

Au-delà des enjeux sociaux, les impacts environnementaux et sanitaires de l’élevage intensif restent considérables. À Plouvorn (Finistère), commune de 2 900 habitants, l’élevage porcin – avec ses quelque 80 000 cochons – en fait la plus forte émettrice d’ammoniac de Bretagne.

Un des 19 élevages porcins de Plouvorn – Crédit : Drone L214

“La fermeture de plages à cause des algues vertes, c’est directement lié à l’élevage porcin en Bretagne”, insiste le responsable de L214.

Ailleurs, la vie quotidienne des riverains se détériore : “Dans l’Allier, près d’un projet d’extension, les habitants décrivent des odeurs persistantes dès que les vents tournent. Dans l’Ain, à côté d’un élevage de poules en cage, des familles vivaient depuis des années fenêtres closes l’été : “Je repeins ma cuisine et des mouches viennent se coller ; je ne peux plus déjeuner dehors”, nous disait une habitante”.

Face à ce panorama, L214 fixe un objectif net : diviser par deux d’ici 2030 le nombre d’animaux abattus pour la consommation en France. “C’est ambitieux et en même temps simple : on n’attend pas de révolution technologique. Les gens sont prêts à réduire”, assure Sébastien Arsac. 

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Joanna Blain

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