La plupart des espèces migrent lentement vers le Nord à cause du réchauffement climatique. Mais en Europe, des chercheurs ont découvert que les arbres se dirigent plutôt vers l’Ouest. La raison : un excès d’azote issu de la pollution atmosphérique.
Plus d’une quarantaine de chercheurs ont publié en octobre 2024 une étude qui vient rebattre ce que nous assumions jusqu’alors sur l’adaptation des espèces au dérèglement climatique et aux activités humaines.
Publiée dans la revue Science, leur étude montre que la plupart des arbres des forêts d’Europe migrent vers l’Ouest plutôt que les hautes latitudes, comme c’est souvent le cas pour les espèces végétales qui cherchent à retrouver des températures plus fraîches et appropriées à leurs besoins, face au changement climatique.
« Par exemple, en France, on a pu montrer que le gaillet à feuilles rondes (Gallium rotundifolium) a migré en altitude à une vitesse de 50 mètres par décennie entre les périodes 1905-1985 et 1986-2005. En suivant ce raisonnement, on s’attend donc à des changements de répartition des espèces plus orientés vers le Nord en latitude » précise le CNRS
Pendant 40 ans, les chercheurs ont étudié 266 espèces végétales des sous-bois sur 2954 placettes forestières réparties dans toute l’Europe. Surprenants, leurs résultats montrent que plus de deux tiers de ces espèces végétales se sont déplacées non pas vers le Nord, mais vers l’Ouest, à une vitesse moyenne de 3,56 km/an.
Plus précisément, 39% des espèces de plantes se déplacent vers l’ouest, 23% vers l’est, autant vers le sud, et seulement 15% vers le nord. Et ce, malgré un réchauffement de près de 1,6 °C en moyenne dans ces zones pendant la saison printanière et estivale.
A l’origine de ce changement de cap : la pollution causée par l’histoire industrielle de l’ouest de l’Europe, et particulièrement les dépôts d’azote. Ces espèces végétales forestières se développent davantage là où les dépôts d’azote restent en dessous des 30 kg par hectare et par an. Au-delà de ce seuil, l’excès d’azote ne stimule plus la croissance des arbres, mais au contraire, la ralentit, comme on peut le constater dans les régions endommagées par l’agriculture industrielle telles que la Bretagne.
Cette pollution d’azote est causée par les émissions liées au trafic routier, aux usines, au chauffage, à l’épandage des engrais ou des excréments d’élevages. Attention cependant à ne pas croire que cette pollution deviendrait alors bienfaisante pour les espèces végétales forestières. D’abord, ce sont avant tout les espèces végétales les plus généralistes comme le cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris), la véronique petit-chêne (Veronica chamaedrys), ou bien le gaillet mou (Galium mollugo), qui ont colonisé l’Ouest de l’Europe.
« Ces espèces généralistes, du fait de leurs moindres exigences écologiques, ont l’avantage de pouvoir se développer dans d’autres types d’habitats que les forêts (lisières, friches, prairies), contrairement aux espèces spécialistes qui poussent exclusivement en forêt » explique le CNRS.
Surtout, cette découverte nous rappelle que nous jouons avec les limites planétaires à tellement de niveaux qu’il est impossible de prédire comment les espèces vont réagir. Et donc bien plus délicat de mettre en place des stratégies d’adaptation. La biodiversité est perturbée par de multiples facteurs, et c’est à nous d’y faire attention pour mieux la préserver.
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