Chaleur meurtrière
En 2100, 3 personnes sur 4 seront exposées à des vagues de chaleur meurtrières plus de 20 jours par an. Voilà le constat de l’étude « Global risk of deadly heat » publié dans Nature Climate Change.
Le corps humain a besoin d’avoir une température interne comprise entre 37 et 38 degrés. En temps normal, quand la température extérieure est haute, le corps parvient à se refroidir grâce à la transpiration. Mais lorsque l’indice de chaleur — une mesure prenant en compte la température et l’humidité — dépasse 40°C, le corps se met à chauffer. Si rien n’est fait pour le refroidir, il atteint la température ambiante.
Voilà comment il est possible de mourir de chaleur. Les plus touchés par ce phénomène sont les jeunes enfants et les personnes âgées, car elles sont généralement isolées socialement et en manque de ressources. Selon Richard Keller, professeur d’histoire de la médecine à l’université du Wisconsin, l’énorme majorité des personnes décédées pendant l’épisode de canicule de 2003 en France étaient âgées de 75 ans ou plus.

Le rôle des émissions carbonées
On estime qu’actuellement 30 % de la population mondiale est exposée à des vagues de chaleur potentiellement meurtrières 20 jours par an ou plus. Le changement climatique va aggraver dramatiquement le phénomène. À quel point ? Cela va dépendre des émissions de gaz à effet de serre.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a établi plusieurs situations possibles.
Le scénario le plus pessimiste est celui dans lequel les émissions continuent d’augmenter au rythme actuel. Le réchauffement moyen serait alors de 3,7 °C à la fin du siècle. Dans ce cas, la zone touchée par la chaleur meurtrière s’étendrait sur 47 % de la surface du globe. 74 % de la population mondiale serait touchée.

Le scénario le plus optimiste est celui où le réchauffement aura été limité à 1°C en 2100 par une réduction drastique des rejets carbonés. Alors, 27 % du globe et 48 % de la population seraient concernés.
Dans tous les cas, les décès causés par la chaleur vont se multiplier.
« Notre négligence en matière environnementale a été telle que nous sommes désormais à court de solutions » déclare Camilo Mora, professeur à l’université de Hawaï et co-auteur de l’étude.
« En ce qui concerne les vagues de chaleur, nos options vont maintenant du « pire » au « moins pire ». De nombreuses personnes à travers le monde en paient déjà les conséquences. »
En effet, les canicules constituent déjà un risque grave. Cette réalité touche en premier lieu les habitants des régions tropicales humides, puisqu’une légère hausse des températures ou de l’humidité moyennes suffit à entraîner des décès. Si elle s’accompagne d’un taux d’humidité élevé, la chaleur peut être meurtrière même lorsque la température reste inférieure à 30°C.
Les chercheurs ont créé une carte permettant de connaître les zones où le couple température-humidité risque de dépasser le seuil critique. Par exemple, la ville de Cayenne, en Guyane Française, sera constamment au-dessus du seuil si les émissions de gaz à effet de serre ne réduisent pas.
Citadins et populations pauvres
Les villes sont de grandes zones à risque. De plus en plus d’individus s’y concentrent et elles sont touchées par les phénomènes d’îlots de chaleur, des concentrations de hautes températures liées à l’absence de nature.
Récemment, New York, Washington, Tokyo Los Angeles, Toronto, Chicago, Londres, Pékin, Sydney ou encore São Paulo ont enregistré des vagues de chaleur meurtrières.

En 2010, un nuage de pollution toxique causé par une vague de chaleur écrasante et des feux de forêt s’était abattu sur Moscou. 55 000 morts avaient été dénombrées à travers l’ouest de la Russie, plus de 10 000 dans la capitale.
Ainsi, bien plus fréquentes et dangereuses qu’on ne le pense, les canicules sont meurtrières dans plus de 60 régions du monde chaque année.
« La canicule qui a frappé l’Europe en 2003 a causé la mort d’environ 70 000 personnes, soit plus de 20 fois le nombre de personnes tuées dans les attentats du 11 septembre. » nous informe Camilo Mora.
Enfin, en ce qui concerne les années à venir, les populations pauvres seront particulièrement vulnérables face au réchauffement. Dans les pays tropicaux, des augmentations des températures moyennes, même légères, auront probablement un impact considérable. Au Pakistan et en Inde, des températures atteignant 53,5°C ont récemment été enregistrées. Steven Davis est co-auteur de l’étude et professeur à l’université de Californie.
« À Chicago, les gens peuvent échapper à la chaleur, ce qui n’est pas le cas de nombreuses personnes pauvres en Inde » conclue-t-il.