Chargés d’assurer le refroidissement de nos installations, les frigoristes vivent de plein fouet l’emballement climatique. Alors qu’en 2003, les circuits frigorifiques pouvaient tenir jusqu’à 30°C, ils doivent désormais résister à 40°C, soit 8°C de plus en 16 ans.
Les circuits frigorifiques concernent de nombreux secteurs : climatisation, salles de serveur comme les datacenters, les hôpitaux, la réfrigération pour la conservation alimentaire, etc. Les frigoristes sont les techniciens chargés de l’installation et du maintien de ces circuits. Et depuis quelques années, leur profession subit de plein fouet l’emballement climatique, avec des écarts de température de plus en plus grands.

Dépendant des conditions climatiques et particulièrement des températures extérieures, les frigoristes s’appuient sur « la température régionale la plus haute » qui leur sert de référence pour calculer le dimensionnement de leurs installations. Or, depuis 2003, les canicules gagnent tellement en intensité que le remplacement des installations ne peut pas suivre le rythme.
« Jusqu’en 2003, le seuil de température régionale la plus haute était de 32°C en Région Parisienne. Après la canicule, on a dû revoir à la hausse tous nos seuils de calculs. Cinq ans plus tard, rebelote, jusqu’à maintenant passer à un seuil de 40°C, soit 8°C de plus à tenir en seulement 16 ans ! Encore plus préoccupant, alors qu’avant on devait seulement gérer une crise de quelques jours, maintenant cela peut durer des semaines. » explique Adrien Le Norcy, frigoriste en Région Parisienne, à La Relève et La Peste
Sur quelques jours, les frigoristes pouvaient pallier au problème en faisant un peu de délestage énergétique grâce à l’arrêt de quelques vitrines ou chambres froides. Mais sur d’aussi longues périodes de canicule, les conséquences sont bien plus grandes. Ils doivent notamment arroser les installations à grandes eaux, souvent des régions subissant déjà un stress hydrique. Alors que la ressource eau se fera de plus en plus précieuse, l’arrosage des installations n’est pas une solution pérenne.
Autres conséquences de ces températures extrêmes : surconsommations électriques importantes, gaspillage alimentaire, matériel malmené et casses, fuites plus importantes des fluides frigorigènes qui ont des conséquences désastreuses pour l’environnement comme le R404 qui est 3900 fois plus puissant que le CO2 en terme de gaz à effet de serre.
Les frigoristes sont ainsi entraînés malgré eux dans un cercle vicieux : changer les installations pour qu’elles supportent de plus fortes températures impliquent d’utiliser toujours plus de matériaux et d’énergie, aggravant ainsi toujours plus les effets de l’activité humaine sur le système Terre.
Avec l’exemple des frigoristes, on réalise à quel point le « 2°C maximum » dont on parle si souvent n’est bien qu’une moyenne, elle n’est en aucun cas représentative des pics de chaleur ou de gel que nous allons connaître de plus en plus souvent. Et de la difficulté que nos sociétés énergivores auront pour s’y adapter.