« Les professionnels du désordre, comme disait Michel Audiard, doivent comprendre que nous sommes dans un Etat d’ordre ». Ces mots, adressés par Emanuel Macron aux étudiants, peuvent également s’appliquer aux différents secteurs en lutte, des cheminots aux zadistes en passant par les hospitaliers. Et pour cause, depuis son arrivée au pouvoir, le Président de la République et son gouvernement s’évertuent à installer un ordre économique fondé sur la rigueur, la restriction et sur un libéralisme exacerbé. SNCF, fonction publique, code du travail, enseignement secondaire et supérieur, si la plupart des branches sont touchées par cette ligne politique, une reste épargnée, celle du maintien de l’ordre.
En 2007, la crise des subprimes frappait les Etats-Unis puis atteignait l’Europe. Sous l’influence de la Banque Centrale Européenne, la manière de gérer cette récession fut une politique de rigueur où le mot déficit public fit office d’ennemi numéro 1. Dix ans sont passés. En France, Emmanuel Macron a pris la place de François Hollande qui avait lui-même succédé à Nicolas Sarkozy. Si les têtes ont changé, la tonalité des politiques économiques n’a guère évolué. Flexibilité du travail, suppression progressive de l’Impôt sur la fortune (ISF), attaque de la fonction publique, baisse des budgets de l’enseignement supérieur. On prône l’effort national et la restriction des aides publiques dans une quête ultime de la croissance, croissance néfaste à l’environnement et source de profondes inégalités .
C’est dans ce contexte qu’on peut analyser de manière légèrement ironique les opérations de maintien de l’ordre menées par le chef de l’Etat français à l’échelle nationale comme internationale. Et oui, monsieur Macron, elles manquent clairement de rigueur économique… L’évacuation de la ZAD en est un bel exemple. 2500 gendarmes mobilisés, plusieurs dizaines de blindés et pelleteuses réquisitionnés, des milliers de grenades lacrymogènes, de flashballs, de grenades diverses tirés pour détruire méthodiquement une zone fleurissant de projets d’agriculture biologique. Des moyens considérables à mettre en parallèle avec la commande de grenades lacrymogènes qu’avait faites le gouvernement au début du quinquennat.
Une commande qui avait couté plus de 22 millions d’euros à l’Etat. Les images du bocage de Notre-Dame des Landes sous un compact nuage de gaz lacrymogène nous montrent les usages très largement abusifs de cet investissement. Quelques millions qu’on aurait pu consacrer à l’éducation, ou aux hôpitaux, mais quelques millions qu’on a préféré utiliser pour rappeler l’intransigeance de cet « Etat d’ordre ».
La très récente intervention en Syrie manque tout autant de rigueur économique. Les attaques chimiques du régime de Bachar Al-Assad sont une atrocité inhumaine et perdurent depuis plusieurs années. Cependant, aucune mesure internationale n’est réellement prise.
L’intervention coordonnée des forces américaines, britanniques et françaises n’en est que la plus parfaite illustration. Une démonstration de force dont les conséquences sur le long terme reste à prouver, Bachar Al-Assad étant toujours bien installé au pouvoir. Pour la France, le prix de cette opération serait de plus de 16 millions d’euros sans compter les importants coûts d’essences des divers mirages, rafales et bateaux. Quelques millions qu’on aurait pu consacrer aux retraités, ou aux étudiants, mais quelques millions qu’on a préféré dépenser pour exhiber les muscles (et la virilité) de l’Etat Français.
Rétablir un état d’ordre a donc un coût non négligeable, un coût que le gouvernement français a décidé prendre en charge. Des millions d’euros qui ne serviront donc pas à mettre en place un Etat que les étudiants, les cheminots, les hospitaliers et les zadistes appellent de leurs vœux. Un Etat qui promeut la redistribution, le partage, l’égalité, et l’écologie. Des valeurs dont l’Etat macronien manque cruellement.

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