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Dôme de chaleur en Amérique du Nord : les prémisses d’événements météo extrêmes dus au réchauffement climatique

« Ces canicules sont prévues (si on ne change rien) en France, post-2050, avec par exemple plus de 48°C à Auxerre voire même les 50°C approchés. La France vivra les mêmes évènements qu'au Canada aujourd'hui. Les dégâts sur la faune et la flore (agriculture comprise) sont inestimables. Il ne faut pas s'attarder sur les aspects visuels. Il faut prendre en compte qu'à ce niveau de stress, il peut y avoir des fatigues végétales sur plusieurs mois voire années (c.f. forêts de Vosges). » alerte l’agro-météorologue Serge Zaka

Les climatologues sont formels : le dôme de chaleur qui s’est abattu sur l’ouest du Canada et des Etats-Unis est un avant-goût de l’intensité des événements météo que nous pourrons affronter dans un monde marqué par la crise climatique. Si les médias occidentaux sont particulièrement inquiets par ce qui arrive aux pays « culturels voisins » d’Amérique du Nord, le reste du monde n’en est pas moins épargné comme en témoigne la situation dramatique au Pakistan et à Madagascar. Ces événements se produisent au moment où un rapport du Haut Conseil pour le Climat pointe, de nouveau, l’inaction de la France en matière de crise climatique et l’importance d’œuvrer à en atténuer l’intensité, afin d’espérer s’y adapter.

La responsabilité du réchauffement climatique

Aujourd’hui, la température mondiale a augmenté d’environ 1,1° par rapport à l’ère préindustrielle à cause des activités humaines. Selon le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele, ancien vice-président du GIEC et professeur à l’UCLouvain, ce réchauffement climatique est responsable de l’intensité du dôme de chaleur qui frappe l’ouest du Canada et les Etats-Unis :

« Quel est le phénomène météorologique extrême qui n’est pas lié au réchauffement du climat ? Voilà la question qu’il faut se poser aujourd’hui car le réchauffement climatique est là, bien établi. Il se transforme en chaleur, en vents violents ou pluies intenses. Désormais, il faut inverser notre interrogation et prouver que ce n’est pas lié au réchauffement du climat. Ce qui se produit est cohérent avec un climat déréglé en raison des émissions gaz à effet de serre. »

Un constat partagé par Michael E. Mann, climatologue et et géophysicien américain mondialement renommé :

« Cela n’a plus de sens de parler d’un événement qui n’arrive que tous les siècles ou tous les millénaires, comme si nous ne faisions que lancer une paire de dés ordinaire, alors que nous avons pipé les dés par la combustion d’énergies fossiles et d’autres activités humaines qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre et réchauffent la planète. »

En clair : un dôme de chaleur aurait-il pu s’abattre sur l’Amérique du Nord sans le réchauffement climatique ? Oui. Aurait-il été aussi intense ? Quasi-certainement pas.

L’ouest du Canada et le nord des États-Unis sont frappés par un dôme de chaleur, avec des températures dépassant parfois les 45 degrés, et battant des records historiques dans plusieurs villes. Au Canada, un record vieux de 84 ans a ainsi été dépassé.

La température à Lytton, en Colombie-Britannique, a atteint 47,9°C ce lundi 28 juin 2021. Habituellement, la normale saisonnière tourne autour de 24°C.

« Presque 50°C à 50 degrés nord. C’est la chaleur du désert au Canada. Nous n’avons jamais vu ce niveau de chaleur si loin au nord, où que ce soit sur la planète Terre, jusqu’à maintenant. » a réagi le vulgarisateur scientifique BonPote

Dans les deux pays, les conséquences de ce dôme de chaleur sont catastrophiques : réfugiés climatiques dans des « centres de refroidissement » climatisés, départ de feux de forêts, magasins en rupture de stock de climatiseurs et de ventilateurs, explosion de la consommation électrique et craquage des réseaux, plus d’une centaine de morts subites en 4 jours au Canada, explosion du bitume et dégradation des infrastructures sous l’effet de la chaleur, etc.

Des événements extrêmes partout dans le monde

Dans le reste du monde, d’autres parties de l’hémisphère nord connaissent également des conditions exceptionnelles de début d’été chaud qui s’étendent de l’Afrique du Nord, à la péninsule arabique, à l’Europe de l’Est, à l’Iran et au nord-ouest du continent indien. Des températures maximales quotidiennes dépassent 45°C en plusieurs endroits et atteignent même 50°C au Sahara.

« Ces températures extrêmes constituent une menace majeure pour la santé des personnes, l’agriculture et l’environnement, car la région n’est pas habituée à une telle chaleur et de nombreuses personnes ne disposent pas de climatisation », a déclaré lors d’un point de presse ce mardi à Genève, Clare Nullis, porte-parole de l’OMM, relevant qu’avec tant de records battus, « il est difficile d’en garder la trace ».

La ville de Jacobabad, au Pakistan, a déjà vécu l’enfer sur Terre. C’est l’un des deux seuls endroits au monde, avec Ras al Khaimah, au nord-est de Dubaï dans les Emirats Arabes Unis, où le mélange de chaleur et d’humidité a franchi un seuil plus mortel ce que le corps humain ne peut supporter.

Les températures peuvent y dépasser 52°C, avec des conditions difficilement supportables pour le corps humain dans une ville où la majeure partie de la population vit sans un climatiseur, et sans électricité lors des pannes causées par la chaleur.

Madagascar, tristement, est le premier pays à connaître une famine liée au réchauffement climatique. La sécheresse y empêche les récoltes de pousser depuis plusieurs années, et certains habitants n’ont plus d’autre choix que manger des criquets, des feuilles de cactus, de la boue ou des lanières de cuir pour se remplir l’estomac.

Des étés à 50°C pourraient-ils se produire en France ? Le pays a déjà battu un record de chaleur lors de la canicule de 2019 quand la Ville de Vérargues avait atteint 46°C.

« Ces canicules sont prévues (si on ne change rien) en France, post-2050, avec par exemple plus de 48°C à Auxerre voire même les 50°C approchés. La France vivra les mêmes évènements qu’au Canada aujourd’hui. Les dégâts sur la faune et la flore (agriculture comprise) sont inestimables. Il ne faut pas s’attarder sur les aspects visuels. Il faut prendre en compte qu’à ce niveau de stress, il peut y avoir des fatigues végétales sur plusieurs mois voire années (c.f. forêts de Vosges). » alerte l’agro-météorologue Serge Zaka

Même son de cloche pour Céline Guivarch, Directrice de recherches à l’Ecole des Ponts, CIRED, et Membre du Haut Conseil pour le Climat :

« Les événements caniculaires qu’on a connu en 2019 avec des records à 45°C, en 2040 seront à peu près quatre fois plus fréquents qu’aujourd’hui. »

Les records de chaleur et les canicules ne sont d’ailleurs pas les seules conséquences délétères de la crise climatique, comme le détaillent les dernières « fuites » du projet de rapport du GIEC.

Lire aussi :  Crise climatique : l’humanité va connaître des retombées cataclysmiques, alerte le GIEC

L’improbable « adaptation » à la crise climatique

La société française pourrait-elle s’adapter et vivre dans ces conditions ? La réponse apportée dans l’urgence au Canada et aux Etats-Unis soulève de nombreux écueils. Le recours intensif à l’électricité et à l’eau, pour faire fonctionner les climatiseurs, hydrater la population et rafraîchir l’environnement, suppose d’avoir accès en abondance à ces ressources, dans un contexte où elles sont déjà de plus en plus menacées.

Lire aussi : Canicule, eau et électricité : seule la sobriété pourra nous sauver

Pour autant, tout n’est pas perdu pour l’humanité pour le climatologue Jean-Pascal Van Ypersele qui rappelle l’importance de chercher à limiter les dégâts, avant de se résigner à vivre dans un monde cataclysmique.

« On peut encore agir pour limiter la gravité des impacts d’une hausse du climat, en commençant par respecter les engagements pris dans l’accord de Paris sur le climat, en respectant la neutralité carbone au niveau mondial à l’horizon 2050… et plus tôt pour l’Europe. »

Ce douloureux rappel à l’ordre des limites planétaires arrive au moment où le Haut Conseil pour le Climat livre son troisième rapport annuel intitulé « Renforcer l’atténuation, engager l’adaptation » dans lequel il démontre que le gouvernement français ne fournit pas les efforts nécessaires pour limiter l’emballement de la crise climatique, malgré quelques avancées.

« Le rythme de baisse des émissions s’est accentué en 2019, mais doit encore pratiquement doubler d’ici 2021 pour s’aligner avec les objectifs climatiques », pointe le rapport.

Lire aussi : Victoire historique : l’Etat français est condamné pour inaction climatique dans l’Affaire du Siècle

Le HCC y rappelle que les deux-tiers de la population française sont déjà fortement ou très fortement exposés au risque climatique.

Lire aussi : 62 % de la population française sous une menace forte des risques climatiques

« Adaptation et atténuation sont toutes deux indispensables et complémentaires. Il n’est pas possible de continuer à émettre des gaz à e et de serre en pensant qu’il sera possible de s’adapter à n’importe quel niveau de change- ment climatique. Les synergies entre atténuation et adaptation sont nombreuses, même si elles ne sont pas systématiques. Leurs interactions doivent être anticipées afin d’être optimisées. Les inégales capacités d’adaptation doivent aussi être prises en compte, dans une optique de transition juste. Il est notamment nécessaire de considérer les liens entre inégalités socioéconomiques et territoriales et vulnérabilité différentielle aux aléas. Il faut aussi arbitrer entre indemnisation et non-indemnisation et poser la question de la responsabilité financière de ceux qui se sont exposés aux risques en pleine conscience, alors même que tous les dommages ne sont pas indemnisables. Ces questions n’ont pas été abordées dans le projet de loi climat et résilience. » expliquent les membres du HCC aux décideurs politiques

Le rythme annuel de réduction des émissions devra donc pratiquement doubler, pour atteindre au moins 3 % dès 2021 et 3,3 % en moyenne sur la période 2024-2028, et le gouvernement français est prié d’arrêter de « reporter les échéances à plus tard ».

Les experts du HCC appellent donc les autorités publiques à redoubler leurs efforts et à se préparer en identifiant les impacts du changement climatique à l’échelle locale et les secteurs prioritaires à sécuriser (agriculture, eau…).

crédit photo couv : Nathan Howard / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Laurie Debove

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