A Saint-Père-en-Retz, la mobilisation monte en puissance contre le projet de Surf Park. Dans cette bourgade tranquille de Loire-Atlantique, deux visions du monde s’affrontent et vont décider du sort de terres arables et de la protection de l’eau dans une région de plus en plus touchée par les sécheresses.
La Bergerie Surf Camp : une vague artificielle à 10km de l’océan
Dimanche 20 octobre, un cortège de 300 personnes a défilé dans les rues de Saint-Père-en-Retz pour protester contre le projet de Surf Park qui doit se construire sur 8ha de terres agricoles. Passées en terres constructibles dans le dernier Plan Local d’Urbanisme, elles doivent accueillir « la Bergerie Surf Camp » qui veut offrir « la vague parfaite, disponible tous les jours sur demande, quelle que soit la météo »… à 10 minutes de l’océan.

Pour construire cette piscine à vagues « éco-responsable », il faut des A/R de camions remplis de béton (une estimation de 3913m3 de béton juste pour le bassin), avec les émissions de CO2 que cela implique, 11 000m3 d’eau douce pour remplir le bassin, de l’électricité pour les bâtiments et générer les vagues à raison d’1kWh par vague selon les porteurs de projet, soit 103 000 kWh selon le calcul des opposants au projet. Sans compter tous les bâtiments annexes qui se construiraient autour.
Beaucoup de ressources utilisées pour un projet éphémère que la société « Nouvelle Vague » prévoit de démonter dans quelques dizaines d’années. Problème, si les bâtiments sur pilotis seront bien démontables, il n’en est rien du béton coulé sur les terres agricoles qui ne seront plus cultivables avant des centaines d’années.
« Le projet de surf park a changé plusieurs fois donc les chiffres ne sont jamais très cohérents et réalistes par rapport à la taille du projet. Il s’inscrit dans le sillage de tous les projets qui sortent de terre en prévision des JO 2024. Mais il y a déjà une petite dizaine de projets de surf park lancés en France, donc aucune garantie que celui-ci soit bien utilisé dans le cadre de la compétition. » précise Loïc, membre de ZAP la vague, à La Relève et La Peste
Le collectif Terres communes, qui regroupe « des paysans et des habitants militant contre l’accaparement des parcelles agricoles », a tenté de sauver les terres et la biodiversité qu’elles abritent en proposant des projets agroécologiques. Le collectif s’est vu opposer un refus par la mairie alors que, selon le travail d’enquête de deux députés, notre souveraineté alimentaire est menacée par l’artificialisation des terres et leur accaparement par des sociétés privées. En France, 164 hectares de terre agricoles sont perdus chaque jour sous le béton, pour un total de 60 000 hectares détruits par an, soit six fois la surface de Paris !
Deux visions du monde opposées
Après une évacuation tendue au mois de juillet, les protecteurs du vivant ont posé leurs quartiers dans un terrain prêté par un paysan afin de mieux organiser la lutte autour de cette « Zone A Protéger ». Les habitants de Saint-Père-en-Retz sont partagés entre l’espoir d’avoir plus d’emplois et la peur d’une ZAD pour certains, et le soutien aux écologistes pour les autres.
En effet, cette ville d’un peu plus 4 500 habitants espère regagner un peu d’attractivité et de dynamisme grâce aux « 15 à 35 emplois créés en fonction de la saison, avec 100 000 visiteurs attendus chaque année. » Alors que le projet revendique « sa simplicité et son authenticité », la consommation d’eau douce à destination de loisirs pose de sérieux problèmes éthiques dans un contexte de crise climatique et écologique.

Ce projet est une gabegie incohérente avec les enjeux du territoire qui affronte des sécheresses de plus en plus graves chaque année. Investir 12 millions d’euros pour faire payer 25€ à 45€ par session aux visiteurs est aussi une violence économique envers tous les paysans qui manquent de financements pour assurer la résilience alimentaire de nos territoires.
« Je me suis engagé dans cette lutte car je connaissais le collectif Terres Communes pour sa protection des terres agricoles. Ce projet aberrant est directement issu d’une bourgeoisie qui se permet tout et n’importe quoi. ZAP la vague veut montrer qu’on peut faire société autrement et devenir un lieu d’accueil pour ceux qui refusent cette société capitaliste et marchande. Une quinzaine de personnes se relaient sur le pied agricole aménagé en lieu de vie et organisé autour de la solidarité et l’entraide. On récupère les invendus et on rend des services aux paysans en échange de nourriture. On a commencé des chantiers participatifs pour construire de petits habitats légers, on a construit un four à pain. On invite régulièrement les habitants pour leur montrer que ce n’est pas juste l’utopie de quelques citadins privilégiés. On souhaite créer un réseau d’entraide local. On n’est pas dans l’autarcie où l’on veut vivre tous seuls dans notre coin mais développer un choix accessible à tous. » confie Loïc, membre de ZAP la vague, à La Relève et La Peste
Alors qu’il veut promouvoir les valeurs des activités sportives en plein air, ce projet élitiste marchand va à l’encontre de la gratuité de l’océan et du respect de la nature. En effet, le surf est un long apprentissage qui nous rappelle notre condition d’espèce soumise aux aléas de notre environnement, et dont la pratique sera toujours mille fois plus grisante dans des vagues naturelles que sur des vagues artificielles aseptisées. Chaque surfeur évolue avec le mouvement de l’eau et du vent, pas en les contrôlant, mais en les écoutant.
Les travaux du Surf Park de Saint-Père-en-Retz devraient commencer en début d’année prochaine. Les protecteurs du vivant se tiennent prêts.